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Simplification : le Conseil d'Etat réduit le risque de vice de procédure consécutif à une enquête publique

Publié le 12 mars 2015 par Arnaudgossement

Le Conseil d'Etat vient de rendre un arrêt particulièrement important pour l'application du principe de participation du public mais aussi pour le principe de sécurité juridique. Un arrêt qui fait application de la jurisprudence Danthony à la procédure d'enquête publique pour réduire le nombre des vices de procédure susceptibles de constituer un motif d'annulation des décisions administratives (cf. CE, 28 février 2015, n°382502).

L'application de la jurisprudence Danthony à la procédure d'enquête publique

Je vous propose tout d'abord de relire cette note sur la jurisprudence Danthony. Pour mémoire, l'article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 "de simplification et d'amélioration de la qualité du droit" dispose :

"Lorsque l'autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d'un organisme, seules les irrégularités susceptibles d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l'avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l'encontre de la décision".

Cette disposition a pour but d'éviter qu'un vice de procédure minime ne vienne ruiner tout un projet.

A la suite de cette loi, le Conseil a rendu, le 23 décembre 2011, un arrêt "Danthony" ainsi rédigé :

"Considérant que l'article 70 de la loi du 17 mai 2011 dispose que : Lorsque l'autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d'un organisme, seules les irrégularités susceptibles d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l'avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l'encontre de la décision ;

Considérant que ces dispositions énoncent, s'agissant des irrégularités commises lors de la consultation d'un organisme, une règle qui s'inspire du principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte"

Cet arrêt permet de faire le tri entre les vices de procédure qui continueront de justifier l'annulation d'une décision administrative prise à la suite d'une procédure ainsi irrégulière, et ceux qui ne peuvent le justifier.

L'arrêt rendu le 25 février 2015 par le Conseil d'Etat fait application de cette jurisprudence Danthony à l'enquête publique par un considérant de principe ainsi rédigé :

"4. Considérant que s'il appartient à l'autorité administrative de procéder à l'ouverture de l'enquête publique et à la publicité de celle-ci dans les conditions fixées par les dispositions du code de l'environnement précédemment citées, la méconnaissance de ces dispositions n'est toutefois de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative ;"

Ce considérant a spécialement trait à l'ouverture et à la publicité de l'enquête publique. Une irrégularité commise à cet instant de la procédure ne pourra constituer un motif d'annulation de la décision à venir que si l'une de ces deux conditions est satisfaite :

- si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération

ou

- si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

Le défaut de mention de l'étude d'impact dans l'avis d'ouverture d'enquête publique

A la suite de ce considérant de principe, le Conseil d'Etat en fait application à un vice de procédure très précis. La Cour administrative d'appel dont l'arrêt était l'objet du pourvoi devant le Conseil d'Etat, avait en effet jugé que ce défaut de mention de l'étude d'impact dans l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique constituait un vice de procédure substantiel :

"5. Considérant que, pour annuler les arrêtés contestés devant elle, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir relevé que les arrêtés du préfet du Rhône prescrivant l'ouverture des enquêtes publiques et les avis au public relatifs à ces enquêtes avaient omis de mentionner que les projets avaient fait l'objet d'une étude d'impact et que ce document faisait partie du dossier soumis à l'enquête, a estimé que cette méconnaissance des dispositions des articles R. 123-13 et R. 123-14 avait été de nature à nuire à l'information des personnes intéressées par le projet et justifiait l'annulation des arrêtés portant déclaration d'utilité publique ;"

Le Conseil d'Etat va censurer ce raisonnement en relevant que ce défaut n'avait nullement privé, dans les faits, le public de l'information relative à l'existence et aux modalités de consultation de l'étude d'impact :

"6. Considérant que la cour admettait toutefois que l'étude d'impact, qu'elle qualifiait au demeurant de particulièrement volumineuse, figurait dans le dossier d'enquête et avait pu être consultée par le public lors des permanences de la commission d'enquête ; qu'elle relevait, en outre, le nombre d'observations recueillies au cours de l'enquête, ainsi que le fait que le programme du Grand Stade avait été largement couvert par les médias, la circonstance que le dossier de permis de construire le stade avait été soumis à enquête publique avec mention de l'existence de l'étude d'impact et la circonstance que la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement avait émis un avis sur l'étude d'impact disponible par voie électronique ;"

L'"oubli" de l'arrêté préfectoral n'a donc pas nuit à l'information du public. Par voie de conséquence,

"7. Considérant qu'en se fondant sur la seule circonstance qu'avait été omise la mention relative à l'existence de l'étude d'impact dans les arrêtés d'ouverture des enquêtes publiques et les avis au public pour estimer que la procédure avait été viciée, alors que ce seul élément, en l'absence d'autres circonstances, n'est pas de nature à faire obstacle, faute d'information suffisante, à la participation effective du public à l'enquête ou à exercer une influence sur les résultats de l'enquête, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;"

Cette solution, nuancée, est certainement heureuse. Il est inacceptable de confondre respect du droit et juridisme. A l'heure où la Commission sur la participation du public poursuit ses travaux, il n'est pas inutile de rappeler l'enjeu : la participation du public n'a pas pour objet d'offrir aux requérants des motifs d'annulation de la décision qui sera ultérieurement prise par l'administration.

Pourtant, les procédures de participation peuvent être créatrices de "vices de procédure" qui seront ensuite opposés à l'autorisation éventuellement délivrée à la demande du maître d'ouvrage. Ce qui peut expliquer les réserves de certains acteurs économiques à l'endroit de procédures de participation qui, parfois, n'attirent pas grand monde mais fournissent des motifs d'annulation de projets.

Arnaud Gossement

Selarl Gossement Avocats


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