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mon "cher" petit chien

Publié le 16 mars 2015 par Dubruel

~~ d'après PIERROT de Maupassant

Madame Magne Était une dame De la campagne, Veuve et parcimonieuse, Une de ces personnes qui cache une âme De brute avare et de sotte prétentieuse Sous des dehors comiques et démodés Comme elles cachent leurs grosses mains rouges Sous des gants de soie brodés. Elle avait une servante, Rose Lagouge, Qui avait l’air plutôt bébête. Ces deux femmes habitaient une maisonnette Et cultivaient leur modeste jardin. Une nuit, on leur a volé des radis. Quand, au matin, Madame Magne descendit, Elle fut accablée. Madame Magne avait été volée ! Donc, on volait dans le pays ! Les deux femmes, saisies, Examinaient les traces de pas : -« Tenez, il est passé par là… » Un fermier voisin, maître Boudet* Les engagea à prendre un chien. C’était une bonne idée. Elles devaient avoir un chien, *En Normandie, on appelle un fermier « Maître. » Mais pas un gros, toutefois ! Elles en feraient quoi ? Et puis il serait ruineux en nourriture ! Racontons cette aventure : Mme Magne adopta un corniaud. Et l’appela Pierrot. Quand ce chien réclamait son fricot, Elle ne lui offrait qu’un peu d’eau ! Puis, elle dût l’assurer. Six francs ! Une dépense démesurée ! Que c’était cher de l’entretenir ! Elle décida alors de s’en dessaisir Car, en plus, Pierrot n’aboyait pas ! Mais personne n’en voulut. Alors, elle se résolut À lui faire piquer du mas. Mais pour jeter Pierrot dans la marnière, Le fils du maire Demandait vingt sous. -« Mon Dieu, c’est beaucoup ! Je vais moi-même m’en occuper. » Oh ! Comme au fond du trou, Pierrot jappait ! Les deux femmes se promirent De le gâter jusqu’à son dernier soupir. Pendant trois jours, à midi, Elles l’ont légérement nourri. Mais le lundi suivant, Provenant Du fond du puits, elles entendirent Des aboiements si forts, si vigoureux Qu’elles se dirent : « Ils sont deux ! Et l’autre semble plus gros Que notre pauvre Pierrot ! On ne peut tout de même pas Jeter dans la marnière deux repas ! » Alors elles demandèrent au cantonnier De sortir du trou Leur petit toutou. -« Volontiers. Ça vous coûtera deux francs. » -« Comment ? Deux francs ! » -« Vous croyez que j’ vas M’ n’aller là-bas Pour l’ plaisir d’ vous l’ remonter, Vot’ Pierrot ; fallait pas l’y jeter ! » Les femmes s’exclamèrent : « On ne va tout de même pas nourrir Tous les chiens de la terre ! » Le cantonnier partit d’un long fou-rire.


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