Mais peut-être que vous le savez déjà, peut-être que vous en avez déjà entendu parler. Il y a un gros problème, celui d'un art censuré au profit d'idées douteuses. Celui d'une simple couverture de comic-book engendrant l'incompréhension chez un groupe de personnes peu compréhensibles sur ce coup.
Rafael Albuquerque est un dessinateur et scénariste brésilien ayant passé la trentaine. Il s'est fait connaître grâce à la série Blue Beetle chez DC Comics mais a percé dans l'industrie de la BD américaine au côté de Scott Snyder et de Stephen King sur la série American Vampire chez Vertigo. Aujourd'hui auteur prolifique sur le marché indépendant, il est également un "cover artist" (artiste pour les couvertures) chez la Distinguée Concurrence. Peut-être que vous avez déjà vu une de ses couvertures passées sur la droite de cet article dans la couverture de la semaine qu'aime faire Nicolas chaque semaine (oui, logique, quand tu nous tiens).
Extrait d'une couverture d'American Vampire par Rafael Albuquerque
Pas de mensonges entre nous, je n'ai jamais - Ô grand jamais - lu une histoire dessinée ou scénarisée par Rafael Albuquerque mais vous savez, ce n'est pas d'une review que nous allons aborder mais quelque chose de bien moins palpable : une petite bêtise.
A l'heure où j'écris ces lignes, une des plus belles couvertures variantes du mois à thème "Joker" que proposera DC Comics en Juin prochain s'est avéré être délaissée par l'entreprise à la demande d'Albuquerque, son auteur, et pour cause : un dialogue de sourd.
Après la divulgation des différentes couvertures variantes dédiées au Joker dans le cadre de ses 75 ans en Juin prochain, une couverture en particulier a attiré les foudres de féministes. Celle de Batgirl #41 par Rafael Albuquerque. Apologie de la victimisation de la femme ? Vraiment ?
La variant "Joker" de Batgirl #41 qui ne sera, en fin de compte, pas imprimée
Je lis par-ci, j’entends par-là que cette couverture est une violation de l'image de la femme, ou, au contraire, que les féministes sont tous des ploucs aux idées absurdes, qu'on vit dans un monde de "tapettes" ou que sais-je encore. Internet permet à des gens peu scrupuleux d'insulter les idées des autres et se faire la guerre à coup de tweets et de hashtags. Cette guerre virtuelle, elle est vrai pour la couverture de Batgirl #41, mais elle l'est pour d'autres choses encore, choses qu'il ne vaut mieux pas perdre son temps à lister à tel point ça en deviendrait absurde.
Alors, moi, du fond de ma campagne, sur le clavier grinçant de mon ordinateur bruyant via un blog que peu de personnes lisent ou prennent la peine de lire à raison, je vais vous le dire ce que je pense et ce que tout ça m'inspire.
Cela m'inspire une situation follement ironique. Une situation où des personnes se battant pour le droit des femmes s'attardent à enlever l'égalité que les super-héroïnes ont encore face aux super-héros. Les super-héroïnes comme Batgirl, c'est - comme les super-héros - un symbole d'espoir et d'expression d'idées politiquement correct ou non. En définitive, Batgirl est une jeune femme qui se bat pour la justice et son émancipation au train-train quotidien des filles de son âge. Batgirl risque sa vie, comme tout super-héros, et enlever à Batgirl les répercussions que peuvent avoir ses convictions c'est faire preuve d'une hypocrisie sans équivoque de la part des détracteurs de cette couverture.
Et cette couverture, parlons-en. Rafael Albuquerque l'a dit lui-même, il s'agit d'un hommage à l'un des plus grands comics de l'histoire du média : The Killing Joke d'Alan Moore et Brian Bolland qui - même par chez nous dans nos contrées françaises - fut réédité maintes et maintes fois pour que le publique le plus large qu'il soit puisse aborder cette histoire poétique sur la folie furieuse du Joker. Un Joker ayant peut-être violé Barbara Gordon en plus de l'avoir mutilée comme peuvent le suggérer les auteurs. Mais est-ce que ce comics est-il une atteinte à la cause féministe ? N'est-ce pas - comme cette couverture - la démonstration des risques qu'encourt Batgirl comme ses homologues masculins ?
Extrait de la couverture originale de Killing Joke par Brian Bolland
En vérité, dans un cas pareil, les pires ennemis du féminisme sont les féministes. Des féministes qui font encore la différence entre un super-héros et une super-héroïne, qui, sans s'en rendre compte, discrédite totalement Batgirl, l'une des rares personnages de fiction féminine à continuer son existence dans les comics sans se promener en mini-jupe, en décolleté mirobolant ou avec une poitrine grosse comme deux ballons de football.
Et, imaginons par l'absurde, que Killing Joke est une oeuvre anti-féministe. Est-ce que l'on doit sanctionner une couverture pour l'hommage plus de 20 ans après ? Doit-on réellement cracher sur le travail d'un artiste aussi talentueux car certains n'ont pas compris l'essence de cette couverture et des personnages qu'elle représente ?
Non, je ne crois pas. En faites, Batgirl est et se doit d'être comme tous les super-héros, au féminin comme au masculin. Si l'on enlève la souffrance et les risques du métier pour Batgirl, elle n'est plus l'égale des Batman ou Superman. Elle doit risquer sa vie, elle est bien obligée d'en baver à un moment, et ça pour ses idées, ses convictions comme tout le monde aimerait le faire que cela soit les féministes, Rafael Abulquerque, Alan Moore, toi ou moi. Et c'est ça qui nous rassemble, l'envie d'un monde meilleur.
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