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Critique – Miséricorde

Publié le 19 mars 2015 par Avisdupublic.net @avisdupublicnet

Il est clair, et Miséricorde en est un exemple de plus, que le cinéma nordique a le vent en poupe depuis quelques temps : Snow Therapy, La chasse, Oslo 31 Août, la liste de films réussis ne cesse de grandir d'année en année. Une chose est sûre, les hommes venus du froid ont leur mot à dire dans le cinéma de genre, et pour Miséricorde il s'agit du côté thriller de la chose. Miséricorde est donc la première adaptation de l'un des succès littéraires les plus fulgurants de ces dernières années. En effet, Miséricorde n'est autre que la deuxième enquête de Carl Morck, l'inspecteur cynique des romans danois signés Jussi Adler-Olsen. Partie intégrante de la saga Les enquêtes du Département V, véritable sensation dans les pays où elle a posé ses valises, Miséricorde arrive chez nous directement en VOD, le 27 Mars 2015.

Une cible pour la miséricorde.

Miséricorde prend donc la saga en cours de route, et nous présente un Carl Morck (Nikolaj Lie Kaas, vu dans Une seconde chance et prochainement dans Enfant 44) au plus mal. En effet, le héros de Miséricorde est responsable de la mort d'un de ses collègues, et coupable de la paralysie de son meilleur ami, le tout à cause d'une bien mauvaise bavure. Déchu de son statut d'enquêteur, Morck est mis sur la touche et, dorénavant, est chargé de l'archivage des vieux dossiers du commissariat. Pour parfaire le tout, il se voit seconder dans sa tâche par Assad (Fares Fares, aperçu dans Zero dark thirty et Sécurité rapprochée), un assistant d'origine syrienne. Mais bien vite, ces deux hommes démontrent qu'ils ont l'instinct policier chevillé au corps, en rouvrant une enquête jamais résolue. Désobéissants aux ordres de leur supérieur, Morck et Assad se mettent en quête pour retrouver Merete Lynggaard (Sonja Richter, croisée dans The homesman), une jeune politicienne dont le talent lui promettait une grande carrière, disparue cinq ans plus tôt. L'enquête de Miséricorde signe la naissance du fameux Département V, et le début d'un duo d'une efficacité redoutable.

Critique – Miséricorde
Au commencement de toutes choses.

Miséricorde est donc tiré du deuxième bouquin de la saga du Département V. Vous vous direz que les infos contenues dans le premier volume doivent être d'une importance capitale pour bien se situer dans Miséricorde. Vous avez entièrement raison, ce qui fait du premier bon point de Miséricorde une qualité d'autant plus remarquable. Car le début de Miséricorde nous happe littéralement dans l'histoire, dans l'univers du film, en l'espace d'une ouverture de haut vol. On y voit le policier Carl Morck être caractérisé en l'espace de quelques minutes. Alors que son coéquipier, lui-même et un autre flic qui se trouve être aussi son meilleur ami, observent une demeure lugubre, Morck prend le taureau par les cornes et décide que le trio doit s'y aventurer. On comprend bien vite que la maison abrite des choses immondes, voire le responsable de celles-ci et, alors que les faits donnent raison à notre impression, le drame survient. Ces quelques minutes posent Miséricorde dans une dimension qu'il ne quittera plus.

Réalisation de haut vol.

Après cette ouverture d'une belle efficacité, Miséricorde se doit d'installer le contexte, non pas pour le restant du film, mais dans le but de poser les bases pour une licence cinéma. Encore une fois, Miséricorde s'en tire brillamment, et confirme quelque chose que nous devons aborder maintenant : le talent de Mikkel Norgaard pour faire totalement oublier sa caméra. Dans Miséricorde, le moindre mouvement de caméra est justifié par l'action, le moindre changement de plan est effectué uniquement dans un souci de lisibilité. L'effet est immédiat : Miséricorde est d'une fluidité confondante, simple à aborder tant il donne au spectateur toute susceptibilité de comprendre ce qu'il voit. On insiste sur ce point, en ces temps de découpages parfois exagérément épileptiques. Et cette qualité de mise en scène, de la part du réalisateur de la série Borgen (ceci explique cela), fait de l'installation du contexte un moment d'une clarté absolue. Morck est donc affecté au Département V, au sous-sol du commissariat, et a un premier contact peu engageant avec son environnement : c'est poussiéreux, c'est bordélique, bref ça sent la planque en attendant la retraite. Plus tard, son supérieur lui apprend qu'il se voit accorder un assistant, qu'il ne souhaitait pourtant pas. Un peu furibond, mais pas fondamentalement méchant, Morck descend faire la connaissance de son coéquipier. Ce dernier adore la musique, Carl Morck ne partage pas cette passion. Mais ce qui attire son attention bien vite, et la nôtre, est que le nouveau partenaire, prénommé Assad, a entre-temps rangé les lieux, fait le ménage, et déjà épinglé des choses sur les murs. En quelques plans simples, en utilisant la force du changement visuel qu'on peut opérer sur un lieu, Miséricorde a réussi à caractériser non seulement le bien motivé Assad, mais aussi à donner au Département V une personnalité qu'on aimera retrouver sur plusieurs films.

Critique – Miséricorde
Carl n'est pas un zéro.

Miséricorde est un film scandinave, et comme souvent ces derniers adorent bien caractériser leurs personnages, parfois même à l'excès. Ce n'est pas le cas de Miséricorde. Et pourtant, on sent énormément de potentiel dans les personnalités qui forment le duo de Miséricorde. C'est dû à une belle subtilité de traitement, d'écriture, qui fait que beaucoup de choses passent par l'action dans Miséricorde, et non par l'unique dialogue. Carl Morck est dévasté depuis la tragédie qui a coûté la vie à son partenaire, et la mobilité à son meilleur ami, mais Miséricorde ne tombe jamais dans le pathos lourd. Miséricorde montre un homme cassé, mais pas dénué d'humour et surtout beaucoup moins antipathique qu'il n'y paraît. Il a son petit caractère de cochon, Carl, une vraie grande gueule incapable de ne pas rentrer dans le lard d'un collègue qu'il ne peut pas encadrer. Mais c'est un bon flic, un bon ami, un type qui mériterait autre chose que de se faire fuir par les femmes qu'il drague un peu misérablement. C'est d'ailleurs intéressant, cette façon que ce bon gars, au fond, a de se faire snober par la gent féminine, alors que le méchant de l'histoire, un cinglé de première, réussit à séduire sa victime quasiment en un regard. Car si Miséricorde est un thriller, c'est que l'intrigue cherche très vite à créer une bonne grosse tension.

Une victime et un public sous pression.

Critique – Miséricorde
Cet Assad mérite d'être sur la Terre.

Miséricorde avance à grand pas, et bien vite l'intrigue se met en place. Elle a des saveurs très seventies, avec un tout petit aspect politique. Pas que Miséricorde soit le Z Danois, très loin de là car le film n'a absolument aucune envie d'avoir un discours militant. Mais la victime du fou furieux de l'histoire se trouve être Merete Lynggaard, une jeune femme politique promise à un bel avenir, et responsable de son petit frère handicapé mental après un grave accident de voiture. Elle est enlevée, puis stockée dans un caisson pressurisé, effroyable engin d'une torture qui durera de longues années. Débute alors, dans Miséricorde, un montage parallèle, donc sans liens temporels évidents, pour devenir au fur et à mesure un montage alterné, donc de situations simultanées. C'est assez fin, même si Miséricorde a un peu de mal à lancer la chose, les premiers flashbacks étant intégrés un peu poussivement, la faute à une temporalité compliquée à mettre en place. Mais rien de grave, tant la découverte du calvaire de la pauvre Merete Lynggaard prend aux tripes. On pense, dans ces séquences de Miséricorde, au récent Pioneer, qui lui aussi se donnait comme mission de nous faire ressentir la douleur insupportable des changements de pression. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Miséricorde y arrive très bien.

Miséricorde alterne donc les moments de pure tension, et l'enquête en elle-même, qui réserve des moments bien sympathiques. Il serait dommage de ne pas parler du personnage d'Assad, sorte de Watson syrien, qui apporte énormément en terme de personnalité à Miséricorde, tout en restant assez mystérieux. Alors que Carl Morck est un flic rétrogradé, Assad, lui, est dans le cas contraire : une chance lui est donnée de s'enfuir de son poste au dépôt. Seulement, quelque chose ne colle pas, car bien vite le potentiel de ce personnage de Miséricorde crève l'écran. Beaucoup plus calme et moins tiraillé par ses démons, du moins en apparence, Assad dénoue même l'enquête de Miséricorde alors qu'elle faisait du surplace, en se chargeant brillamment de gagner la confiance du frère handicapé de Merete Lynggaard. Encore une fois, Miséricorde est d'une grande finesse, et ne balance pas tout le potentiel de ce personnage, ne met pas trop la lumière sur lui, afin de laisser les choses se faire sur l'ensemble de la licence. Ce choix est bénéfique pour Miséricorde, qui ne se voit jamais coupé par des élans de dialogues lourdingues, ou de situations prétextes, tout est d'une habileté confondante.

Miséricorde pour toutes et tous.

Miséricorde se suit donc de fort belle manière, jusqu'à une fin tout aussi réussie, même si le choix de recourir à des images éthérées, très stylisées, peut s'avérer étrange. Elles ne sont heureusement pas nombreuses, mais assez pour bizarrement casser la fluidité de la réalisation, qui du coup se trouve être un peu plus accrochée dans ce final. Rien de bien grave pour Miséricorde cependant, qui arrive à faire d'un récit classique une œuvre d'une grande efficacité, un spectacle très bien maîtrisé. Le titre Miséricorde prend alors tout son sens, tant le personnage de Carl Morck avait un besoin urgent de la notion de pardon, tout comme la pauvre Merete Lynggaard. Un dernier mot sur le casting de Miséricorde s'impose, tant chaque âme qui la compose est habitée par son personnage. Tous sont justes, aucun ne dénote. Mention spéciale à Sonja Richter, dont le rôle a demandé un sacré travail physique, pour un résultat probant. Et ajoutons in extremis que le thème musical de Miséricorde est d'une qualité telle qu'on espère qu'il sera au rendez-vous des autres films. Au final, Miséricorde est l'un des thrillers marquants de cette année 2015, sans aucun doute. A ne pas louper, et surtout à suivre avec le deuxième film : Profanation, qui lui a la joie de sortir en salles. Et un troisième, en cours de production à l'heure où votre humble serviteur écrit ces lignes. On ne vous cache pas qu'on a sacrément hâte !

Miséricorde, les bonus.

Le site officielle de Miséricorde se trouve Quand à la bande-annonce de Nous vous conseillons à cette adresse.
Miséricorde, c'est dans notre news. ce site, par Albin Michel, pour bien aborder le polar scandinave côté littérature. Le site regorge de romans qui font baver, on peut même y trouver une interview de Jussi Adler-Olsen, auteur des romans dont est tiré Miséricorde.

Miséricorde est un thriller dont le classicisme d'un scénario bien réglé n'a d'égal que ses incroyables qualités de réalisation et d'interprétation. Une des plus belles réussites de ce début d'année 2015.

  • Une mise en scène exemplaire.
  • Quel traitement fin...
  • Casting irréprochable.
    Des plans maniérés à la fin.

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