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Prix Relay des Voyageurs Lecteurs 2015 – Danser les ombres

Par Emidreamsup @Emidreamsup

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Cette année j’ai eu la chance, grâce à Babelio, d’être sélectionné pour participer au Prix Relay des Voyageurs Lecteurs 2015. Ce prix récompense un livre paru dans l’année en cours parmi 4 ouvrages pré-sélectionnés. J’ai, au début du mois de mars, reçu les deux premiers romans de ce prix mettant en avant des récits parlant de voyage. J’ai décidé de débuter par celui de Laurent Gaudé, Danser les ombres, qui traite du terrible tremblement de terre qu’a connu Haïti en 2010.

Donc, comme je viens de le préciser, Danser les ombres prend place à Port-au-Prince, la capitale d’Haïti, où Lucine, une jeune femme qui vient annoncer un décès. C’est le début d’un roman choral où les personnages vont se croiser au gré des événements tragiques qui vont secouer leur île. On a ainsi Saul, un médecin meurtri par l’échec du soulèvement populaire de 2004. Firmin, un chauffeur de taxi, qui vit dans le passé. Tess, un libre penseur et ancien propriétaire d’un bordel. Durant la première moitié du roman, Gaudé pose les pierres de son récit en présentant ses personnages avant le tremblement de terre. Il revient sur leurs passés, souvent très engagés et dépeint des êtres perdus, en quête (parfois) d’un nouveau départ.

Hommes, ce qui est sous vos pieds vit, se réveille, se tord, souffre peut-être ou s’ébroue. La terre tremble d’un long silence retenu, d’un cri jamais poussé.

Hommes, trente-cinq secondes, c’est un temps infini et vos yeux s’ouvrent autant que les crevasses qui lézardent vos routes et les murs des maisons. En ce jour, à cet instant, tous les oiseaux de Port-au-Prince s’envolent en même temps, heureux d’avoir des ailes, sentant que rien ne tiendra plus sous leurs pattes, et que, pour les minutes à venir, l’air est plus solide que le sol.

C’est avec beaucoup de poésie qu’il nous raconte leur quotidien, qu’il met en scène leurs émotions tout en dressant un portrait de cette île au passé lourd et où le vaudou tient une place encore majeure.  Puis, sans crier garde, alors que l’on se sentait en sécurité dans ce récit, on se fait nous aussi surprendre par l’arrivée du tremblement de terre. L’écriture du romancier devient saccadé comme pour accompagner les secousses de cette terre en colère et les vies de nos héros qui ne tiennent souvent plus à grand chose. Port-au-Prince est balayée. La ville n’est plus que ruine. Plus de 230 000 morts recouvrent ce qui restent des rues de la ville.

La terre n’est plus terre mais bouche qui mange. Elle n’est plus sol mais gueule qui s’ouvre. A 16h53, les rues se lézardent, les murs ondulent. Toute la ville s’immobilise. Les hommes sont bouche bée, comme si la parole avait été chassée du monde. Trente-cinq secondes où les murs se gondolent, où les pierres font un bruit jamais entendu, jamais ressenti, de mâchoire qui grince.

Un nouveau coup du sort qui touche nos héros. Ils doivent faire face au deuil tout en essayant de garder l’espoir pour continuer d’avancer, tenter de reconstruire. C’est à leur image que nous, lecteur, nous terminons ce roman. On essaye de s’en extirper, de le laisser derrière nous, comme les survivants sortant des décombres et marchant difficilement vers un avenir qui semble plus qu’incertain. Ce roman plein de force ne laisse pas indemne et outre son sujet, il doit beaucoup à la plume incroyable de son auteur.

C’est comme si tout le peuple de Port-au-Prince se connaissait. Pour combien de temps encore ? Combien de jours durera cette fraternité des rues ?

Danser les ombres de Laurent Gaudé
Ed. Actes Sud / Déjà Disponible en librairies


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