à propos de Au moins il ne pleut pas, de Paula Jacques…
À 14h, je me branche sur France Inter. Sa voix, chaude, saccadée, un peu voilée.Cosmopolitaine! Paula Jacques, comme chaque dimanche! Elle suce les mots comme des douceurs. Elle parle comme on danse, par passes, toujours avec un autre, avec une autre, en un ballet littéraire. Une émission rare, qui fait profession de cosmopolitisme, des écrivains et des cinéastes d’ailleurs: Chine, Argentine, Amérique, Italie… Car la littérature est de partout, car les livres constituent une république mondiale de la liberté intérieure. Cet engagement est aussi celui de sa vie. Elle le met en scène à sa façon dans son dernier roman, Au moins il ne pleut pas, qui paraît ces jours-ci chez Stock, à la fois le plus autobiographique de ses romans et, paradoxalement, à l’inspiration la plus libre.
Paula Jacques a perdu son Égypte natale, à l’âge de huit ans. Son père, dont l’entreprise, prospère, a été nationalisée par le gouvernement de Nasser, y perdra la vie. Sa mère, ruinée, expulsée, confie ses trois enfants à l’Agence juive. Et les voilà placés tous les trois en Israël, chacun à un bout du pays, l’un à Tibériade, au Nord, l’autre à Peta’h Tikwa, près de Tel-Aviv et le troisième au sud. Soudain seule, elle change de monde, de langue… Durant trois ans, elle ne verra pas ses deux frères une seule fois. Orpheline, bannie, dont le quotidien a été englouti en un jour, devenu continent disparu, Paula a choisi la vie en s’immergeant en littérature.