Je poursuis ma découverte des romans de Daphné Du Maurier, avec en arrière-plan la lecture éclairante de la biographie de Tatiana de Rosnay.
« Ma cousine Rachel » fut édité par Albin Michel en 1952, dans la traduction de Denise Van Moppès, fluide et toujours actuelle. C’est une histoire d’amour et de mort entre deux êtres déjà massacrés par la vie. Philip, le narrateur, est à la veille d’atteindre son vingt-cinquième anniversaire qui lui confèrera la totale maîtrise de ses biens. Il a perdu ses parents alors qu’il était tout bébé et a été pratiquement adopté par son cousin Ambroise, riche propriétaire terrien des Cornouailles, qui vient de mourir en Italie. Il n’a jamais connu de femme et adorait son cousin, vieux garçon jusqu’à ses 43 ans. Elle, la femme fatale, croise la route d’Ambroise et le séduit. C’est une jeune veuve : elle a 33 ans au moment de sa rencontre avec Ambroise qui l’épouse en Italie où elle réside, étant la fille d’une Romaine et d’un vague cousin de Philip.
L’histoire se passe dans la première partie du XIXème siècle : les nouvelles comme les personnes ne voyagent pas vite. Rachel est une très jolie femme, menue aux mains particulièrement fines, coiffée en bandeaux, parlant parfaitement l’italien et l’anglais. Elle ressemble à un portrait d’une des sœurs Brontë, et ce n’est sans doute pas fortuit. Elle va venir séjourner au domaine de son défunt mari qui ne lui a rien laissé en testament.
Dans ses robes crissantes de deuil, elle ne réclame rien. Elle se contente de tourner la tête à Philip qui attend sa majorité juridique pour mettre à ses pieds sa fortune et sa vie. Il analyse avec lucidité son addiction, l’emprise dans laquelle elle le tient, son amour enfin pour cette femme enjouée, impérieuse, séduisante … et terriblement dépensière. Malgré le doute qu’il éprouve sur les circonstances du décès d’Ambroise, le caractère insolite de la situation, le qu’en dira-t-on, les mises en garde de son tuteur et parrain, Philip s’entête …
La question de l’implication de Rachel dans un sombre dessein n’est cependant pas établie et la conclusion laisse bien des options ouvertes. C’est là tout le talent de la romancière qui se glisse avec suavité dans la peau de son double masculin, le beau et naïf Philip, qui restera à jamais, après cette histoire dramatique, inconsolé et définitivement cloîtré dans la maison de son enfance, qui, on le devine, est le manoir de Menabilly déjà mis en scène dans « Le Général du Roi ».
Ma cousine Rachel, thriller de Daphné Du Maurier traduit de l'anglais par D. Van Moppès, édité par Le Livre de Poche, 383 p. 7,10€