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Orlando [Virginia Woolf]

Publié le 05 avril 2015 par Charlotte @ulostcontrol_

De Virginia Woolf, je connaissais déjà La Promenade au phare, Mrs Dalloway et Les Années. J'avais beaucoup aimé ces trois lectures, c'est donc assez logiquement que j'ai voulu poursuivre la découverte de l'auteur lorsque j'ai vu Orlando dans les rayons de ma librairie. Verdict ?

Orlando [Virginia Woolf]

Orlando, ce sont les mille et une vies dont nous disposons, que nous étouffons et qu'Orlando seul libère, car il lui est donné de vivre trois siècles en ayant toujours trente ans. Jeune lord comblé d'honneurs, il est nommé ambassadeur en Turquie, devient femme et rejoint une tribu de bohémiens, puis retourne vivre sous les traits d'une femme de lettres dans l'Angleterre victorienne. Assoiffé de vie et de poésie, à l'image de Virginia Woolf, Orlando traverse les siècles, accumule les sensations, déploie les multiples facettes qui composent notre être. La nature de l'homme et de la femme, l'amour, la vie en société, la littérature, tout est mis à nu avec un prodigieux humour. Hymne à la joie, au plaisir, ce conte fantastique révèle qu la pensée créatrice est bien " de tous les moyens de transport le plus divagant et le plus fou ".

Et bien, Orlando est un livre très différent des autres Virginia Woolf, je trouve. Dynamique, vivant, aventureux... j'ai l'impression que ce livre m'a montré une toute autre facette de l'auteur ! Orlando nous raconte en effet l'histoire de la vie d'une personne sur quatre siècles, ses péripéties (très nombreuses), ses pensées, ses aventures. Je dis " personne ", car si Orlando est un homme dans la première moitié du roman, il change de sexe au milieu de celui-ci et devient alors une femme jusqu'à la fin du roman.

Orlando est sûrement l'un des romans les plus audacieux que j'ai lu jusqu'ici. Non seulement pour pour son intrigue rocambolesque : Virginia Woolf prête de nombreuses aventures à son personnage, lui fait vivre de nombreuses expériences, que ce soit à la cour de la reine Elizabeth 1, en Orient, avec des Bohémiens, où dans le Londres de l'époque victorienne. L'auteur a selon moi fait preuve d'une énorme imagination pour écrire ce roman, et cela se ressent beaucoup à la lecture dans la mesure où on a vraiment l'impression de voyager, d'être baladé d'un endroit à un autre et de voir défiler devant nous des aventures riches en rebondissements et en animation. Ce roman est ensuite audacieux de par son personnage principal ; Orlando est en effet un personnage unique, haut en couleurs, avec des opinions bien tranchées, une sensibilité ultra-développée et des sentiments qu'il/elle exprime sans retenue.

Le changement de sexe d'Orlando est abordé en toute simplicité : " Il s'étira. Il se leva. Il apparut dans une nudité totale ; et, dans le tintamarre des trompettes hurlant : Vérité ! Vérité ! Vé- rité ! force nous est d'en faire l'aveu - c'était une femme. ". Sans céder aux préjugés ni aux réflexions faciles, Virginia Woolf transforme Orlando en femme après un sommeil d'une semaine. Si l'auteur prend la peine de nous éclairer un peu à ce sujet, elle laisse à d'autres plumes le loisir de parler sur des sujets odieux.

" Mettons à profit cette interruption dans le récit pour faire certaines remarques. Orlando était devenu femme, il n'y a pas à revenir là-dessus. Mais pour tout le reste, Orlando était resté précisément tel qu'en lui-même. Le changement de sexe altérait certes son avenir mais, en aucun cas, son identité. Son visage resta, comme l'attestent les portraits, pratiquement identique. Il pouvait -mais nous devons respecter l'usage à l'avenir et dire " elle " au lieu de " il "- elle pouvait donc se souvenir sans encombre de tous les événements de son passé. Il y avait peut-être un léger flou, comme si quelques gouttes noires étaient tombées à la surface limpide de la mémoire ; certaines choses étaient un peu moins nettes, mais c'était tout. La métamorphose semblait s'être accomplie sans douleur, totalement, et de telle manière qu'Orlando elle-même n'en fut pas surprise. [...] Il nous suffit de présenter les choses dans leur simplicité : Orlando avait été homme jusqu'à l'âge de trente ans ; puis il devint femme et l'est encore à ce jour. " p.137

Orlando [Virginia Woolf]


Comme vous pouvez le constater dans l'extrait précédent, le ton et le style d'écriture de Virginia Woolf sont assez originaux puisqu'elle ne manque pas d'interpeller le lecteur, de lui poser des questions directes et de le faire réagir dès qu'une occasion se présente. C'est un élément important du roman selon moi puisqu'il contribue à en faire un roman audacieux. En plus de nous raconter l'histoire d'Orlando, Virginia Woolf en profite ainsi pour s'interroger sur le rôle de romancière et de biographe, sur les différences entre ces deux rôles et sur ce qui les réunit. L'auteur s'amuse ainsi à nous faire croire qu'elle écrit là l'authentique biographie d'une vraie personne ayant réellement existé.

" Nous étions maintenant en novembre. Après novembre vient, décembre. Puis janvier, février, mars et avril. Après avril vient le mois de mai. Ensuite juin, juillet, août. C'est ensuite le tour de septembre. Puis octobre, et voici que, ô merveille ! nous sommes de nouveau en novembre, et toute une année s'est écoulée !
Cette façon d'écrire une biographie, sans être dépourvue de mérites, peut sembler un peu aride et, si nous nous y tenons, le lecteur protestera peut-être qu'il et capable de réciter le calendrier tout seul, et sans qu'il oit pour cela nécessaire de débourser la somme que la Hogarth Press jugera bon de réclamer pour ce livre. Mais que peut faire le biographe quand son sujet le met dans la situation fâcheuse où nous a mis présentement Orlando ? D'après tous ceux qui valent d'être consultés, la vie est le seul sujet digne du romancier ou du biographe ; la vie, toujours d'après ces mêmes autorités, n'a rien à voir du tout avec le fait de rester assis sans bouger pour penser. La vie et la pensée sont aux antipodes. En conséquence, puisqu'Orlando est précisément assise sur une chaise, occupée à penser, que pouvons-nous faire sinon réciter le calendrier, égrener notre chapelet, nous moucher, attiser le feu,regarder par la fenêtre, en attendant qu'elle ait fini ? Orlando était tellement silencieuse qu'on aurait entendu une épingle tomber. Si seulement c'était arriver ! Cela aurait pu passer pour de la vie. " p.258-259

Le thème du temps est largement abordé dans ce roman. Virginia Woolf s'interroge en effet pendant la majeure partie du roman sur le temps et la façon dont l'homme s'inscrit dans celui-ci, dans l'histoire, dans les siècles dans lesquels il vit. " Elle n'avait besoin ni de combattre son siècle, ni de lui faire soumission ; elle était de son siècle sans cesser d'être à soi. Maintenant donc, elle pouvait écrire, et elle écrivait. Elle écrivit. Elle écrivit. Elle écrivit. "

Orlando [Virginia Woolf]


Malgré les nombreuses lignes que consacre Virginia Woolf à son personnage, Orlando n'en reste pas moins un mystère pour le lecteur. Son caractère incroyablement complexe est impossible à saisir, sa vie nous donne l'impression de lui filer entre les doigts, et c'est ce qui en fait un personnage fictif terriblement humain. C'est aussi une des raisons pour lesquelles j'ai aimé ce roman. Tous ces éléments nous donnent une impression de vide et nous ramènent à notre condition mortelle.
Il s'agit en définitive que j'ai bien aimé et que j'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir. Je l'ai trouvé très différent des autres romans de Virginia Woolf, peut-être moins dans la contemplation et dans la psychologie des personnages mais plus dans l'imagination et dans l'aventure. Ce n'est pas mon préféré de Virginia Woolf, mais j'ai adoré me laisser surprendre par des talents que je ne lui connaissais pas encore. C'est un roman que je vous conseille si vous aimez les récits originaux, si vous aimez quand les auteurs interpellent directement les lecteurs et que vous adorez aller de surprise en surprise avec les personnages. Si vous avez déjà lu Virginia Woolf (notamment Les années ou Mrs Dalloway), je préfère vous prévenir qu' Orlando est très différent de ces deux romans et qu'il ne faut pas s'attendre à y trouver la même chose. En revanche, foncez si vous êtes curieux !

Avez-vous lu Orlando ou un autre roman de Virginia Woolf ? Si oui, qu'en avez-vous pensé ? Avez-vous vu une différence entre Orlando et ses autres romans ? Est-ce que, comme moi, vous préférez Mrs Dalloway et Les Années, ou vous trouvez peut-être ces romans ennuyants comparés à Orlando ? J'attends avec impatience vos ressentis sur les histoires de Virginia Woolf !


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