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Tête haute, de Joël Jouanneau, par le Collectif MxM (1)

Publié le 06 avril 2015 par Onarretetout

tetehautejjouanneau

Ce qu’on ne sait pas, en sortant du théâtre, il faudra l’écrire. Cette invitation nous y est faite. Ecrire ce qui se dit entre le père, ce roi de fer, et la fille, dont on ne peut dire le nom qui risque de cacher le soleil. Le père aveugle, comme le fut Oedipe, et sa fille, qui pourrait être Antigone.

Que dit l’étymologie ? Antigone signifierait « celle qui fait face par la naissance » ou encore « celle qui fait face à la naissance » ou encore « celle qui s’oppose au géniteur ». Eklipse, ici le prénom de l’enfant, viendrait d’un mot signifiant « abandon », « ce qui est laissé hors de ».

L’enfant est, dès la naissance, abandonnée, ou plutôt jetée hors du royaume parce que fille, peut-être. Peu après, ce sera le tour du roi de fer d’être jeté hors du royaume. Tout le travail des retrouvailles sera de franchir une forêt, des peurs, d’affronter un étang de chiffres, les chiffres qui comptent, ceux qui nient les lettres, ceux qui risquent de noyer. Si, de ce verbe - nOYEr -, on ne garde que le coeur, on en fera des vOYElles, et avec les voyelles, on commencera par les verbes : une liste de verbes dont la première lettre sera un a, comme abandonner, puis une autre liste de verbes dont la première lettre sera un e, où l’on découvrira le prénom imprononçable qui commence par un e, puis, plus tard une autre liste encore de verbes dont la première lettre sera un i, pour « inventer la suite ». La liste des verbes commençant par un o apportera l’oubli. Et quand on en sera au u, il faudra chercher dans les noms communs. Cela voudra dire qu’on est à la fin de quelque chose. La fin d’un monde peut-être. Le début d’un autre.

Comment passer d’un monde à un autre ? Comme Antigone conduisant son père aveugle ? Avec l’aide de Babel, celui qui raconte l’histoire du « monde d’Avant » et qui donne tout ce dont on a besoin pour s’engager : les mots du monde entier. Et cet autre, au passage, nommé Skoad, qui recommande : « Tu es l’enfant de demain » et encourage : « La tête, tu ne dois jamais la baisser, car si tu la baisses un jour tu ne pourras jamais plus la relever ». Alors le nom ne plonge pas le monde dans l’obscurité : il est un moyen de faire face au soleil, « tête haute ».

J'ai vu cette pièce de Joël Jouanneau, mise en scène par Cyril Teste, au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine (94)


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