Au mépris de toutes les garanties prévues par la loi, mon pays m'a livré aux États-Unis, comme si j'étais une sucrerie. Les Américains m'ont envoyé en Jordanie pour y être torturé, puis à Bagram et enfin ici [...]. Je vis hors du monde depuis plus de quatre ans. Mohamedou Slahi, Guantánamo, 13 décembre 2005. Emprisonné depuis août 2002 à Guantánamo, Mohamedou Ould Slahi n'a jamais été inculpé par la justice américaine. Et alors qu'un juge fédéral a ordonné sa libération, le gouvernement des États-Unis a décidé d'ignorer cette décision et ne donne aucun signe d'une quelconque volonté de lui rendre sa liberté. En 2005, trois ans après son arrestation, Mohamedou a commencé à rédiger un journal. Pendant des mois, il a écrit ses mémoires à la main, racontant sa vie avant de disparaître dans les limbes de Guantánamo, pour ce qu'il qualifie " d'interminable tour du monde " de la détention et des interrogatoires. Son journal n'est pas seulement une chronique captivante d'un déni de justice, c'est aussi un récit profondément personnel : terrifiant, parfois férocement drôle, et d'une grande élégance. Publiés pour la première fois, Les Carnets de Guantánamo sont un document d'une importance historique unique.
Je voudrai d'abord remercier Babelio et les Editions Michel Lafon pour ce partenariat. C'est la première fois que je gagne à Masse Critique, d'autant plus que c'est le seul livre que je voulais recevoir - et donc le seul que j'ai coché pendant l'opération. Tout d'abord, c'est la couverture qui m'a attiré dans ce livre. Je l'ai trouvé intrigante (d'ailleurs, l'objet en lui-même est très réussi, que ce soit la couverture, le dos ou la quatrième de couverture) le résumé a ensuite achevé de me convaincre, j'ai vraiment trouvé le sujet intéressant .
J'aime beaucoup ce type de récits, à savoir les témoignages (et encore plus ceux portant sur le milieu carcéral et criminel). Je les trouve d'avantages frappants et réalistes que les récits de fiction. Mohamedou Ould Slahi nous raconte l'enfer, le déni de justice qu'il a vécu. Accusé à tort d'avoir participé au "complot de l'an 2000", aux attentats du 11 septembre et un tas d'autres choses, il a été enfermé contre sa volonté et celle de la loi. Il a été arraché à sa famille, qu'il n'a d'ailleurs jamais revue depuis son premier séjour en prison dans son pays en Mauritanie, en 2011.
Il vivra toutes sortes de tortures des années durant. Parfois, il devra passer des heures debout, d'autres fois, il devra encaisser les coups des gardiens et des interrogateurs, des privations de sommeil et différentes humiliations, toutes plus terribles les unes que les autres.
Des mois durant, il essaya de faire entendre raison au gouvernement américain de son innocence : hélas, rien n'y fait. Les Etats-Unis voulaient (ou veulent peut-être toujours) lui faire porter le chapeau d'une accusation quelconque, alors qu'ils ne possèdent pas, même au jour d'aujourd'hui la plus petites de preuves contre lui. Pour un pays que l'on cite souvent comme un modèle de liberté et de démocratie, je trouve que c'est une honte. C'est donc ça, la démocratie ? Enfermer des innocents des mois durant et les torturer ?. Nous n'avons pas tous la même vision de la démocratie.
Mohamedou décrit dans ce journal son quotidien à la prison, les bons comme les mauvais moments. C'est un long livre, et pourtant je l'ai lu très vite car je ne pouvais pas m'en détacher, tellement il est captivant et bien écrit. Parfois, comme le dit la quatrième de couverture, son récit est terrifiant. D'autres fois, il est drôle. Car, malgré l'horreur et l'injustice de sa situation, il arrive presque toujours à donner quelque chose d'attachant à certains de ses interrogateurs et gardiens. Parfois, il se liera même d'amitié avec certains d'entre eux, notamment à la fin du récit. A travers ce journal, on suivra Mohamedou pendant une grande partie de sa détention, de 2001 à 2005. Le lecteur le suit en Mauritanie, en Jordanie, en Afghanistan, et enfin à Cuba, à Guantánamo .
Au fil des pages, ont découvrent des blocs noirs cachant certaines parties du texte, parfois quelques mots, parfois des pages entières. Ces parties cachées sont des éléments censurés par le gouvernement américain avant la publication du texte. Ces blocs noirs nous rappellent à quel point la situation est loin d'être réglée : en effet, le gouvernement américain n'assume toujours pas de montrer au public les horreurs qu'ont subies (et subissent toujours) leurs prisonniers à Guantánamo. Néanmoins, ces parties censurées n'empêchent en rien la lecture, car Larry Siems a ajouté beaucoup de notes en bas de pages qui aident à la compréhension. D'ailleurs, je trouve qu'il a fait preuve d'un beau travail de documentation et de recherches. J'ai beaucoup aimé le préface qui apporte beaucoup à la lecture et m'a permis de bien aborder ce journal.
Ce témoignage est encore plus important que d'autres car cette injustice est toujours d'actualité. En effet, en 2010, un juge a ordonné la libération de Mohamedou. Le gouvernement américain a ignoré cette décision, et l'auteur est toujours emprisonné à Cuba, dans la même cellule que celle où il a écrit ce journal. Je ne vais pas le cacher : avant ma lecture, j'ignorai complètement ce qui se passait là-bas. Mais maintenant que je le sais, je pense que personne ne doit ignorer ce genre d'injustices.
Vous l'aurez compris, je conseille ce livre à tout le monde, en particulier à ceux qui aiment les témoignages. Ce livre est donc un gros coup de cœur, que je suis heureuse d'avoir découvert.