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Le huis-clos au cinéma

Par La Nuit Du Blogueur @NuitduBlogueur

À lire :

Portrait d’un cinéaste en intérieur : Violence et Passion, de Luchino Visconti (1974), par Alice Letoulat

L’espace de la distanciation : Dogville, de Lars von Trier (2003), par Jean-Baptiste Colas-Gillot

Je est un autre : Moon, de Duncan Jones (2009), par Marianne Knecht

L’enterrement, ou le sous-texte d’une société malade : Buried de Rodrigo Cortés (2010), par Mathieu Cayrou

Cinémas à résidence : Ceci n’est pas un film (2011) et Closed Curtain (2013) de Jafar Panahi, par Simon Bracquemart

Le huis-clos à ciel ouvert : L’Inconnu du lac, d’Alain Guiraudie (2013)

Le huis-clos est un dispositif de plus en plus utilisé au cinéma. Il permet une économie budgétaire, là où d’autres réalisateurs préfèrent un décor plus spectaculaire. En outre, il implique une tension scénaristique évidente, en réinventant l’espace cinématographique tel qu’on le connaît habituellement. En effet, le huis-clos est un lieu hors du monde, loin de la volonté d’imiter le réel, également hors du temps puisque l’action devient latente et cloisonnée. Enfin, le huis-clos décuple les tensions de vie et de mort et amène les personnages à la confrontation, comme un laboratoire humain où ils sont obligés d’intéragir.

2001 : l’odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick © D.R.

2001 : l’odyssée de l’espace, de Stanley Kubrick © D.R.

Le huis-clos n’est pas le premier objet d’un film. Il arrive souvent en second, comme un accompagnateur, un moteur. Il exacerbe une mise en scène et pousse jusqu’à sa limite l’expérience d’un genre. Courant dans la science-fiction, il sert à mettre en relief un monde qui n’existe pas, un ailleurs angoissant. Symboliquement, il représente l’effacement du monde extérieur. Par exemple, dans 2001, l’Odyssée de l’espace, le huis-clos place le sujet dans une perspective d’isolement total. À l’extérieur du vaisseau, l’infini de l’espace, à l’intérieur, la mort qui s’immisce et enserre les corps. La science-fiction, par le huis-clos, se situe dès lors dans l’inaccomplissement et dans une anticipation effrayante pour l’humanité.

Les Autres, d’Alejandro Amenábar © Bac Films

Les Autres, d’Alejandro Amenábar © Bac Films

Plus qu’un simple dispositif, le huis-clos est en soi un nouveau sous-genre du cinéma. Il peut être à lui seul un concept, une expérience. On retient davantage l’enfermement des personnages dans Cube que leur évolution en elle-même. Dans Les Autres, le recours au huis-clos est justifié par le twist final. Les personnages ne peuvent pas quitter leur maison, pour la simple raison qu’ils n’existent plus que dans cet espace, et qu’ils n’existent simplement plus au regard du monde : ils sont morts.

La Vénus à la fourrure, de Roman Polanski © Mars Distribution

La Vénus à la fourrure, de Roman Polanski © Mars Distribution

Le huis-clos met avant tout en exergue la relation qu’entretiennent le cinéma et le théâtre. D’une part, ce lien est évident et le dispositif du huis-clos naturel, quand un film parle de théâtre, comme dans La Vénus à la fourrure, ce qui n’est pas un hasard connaissant la récurrence du huis clos chez Roman Polanski. D’autre part, le huis-clos souligne également le désir de faire du cinéma un théâtre. Est-ce là un hommage ? Pas seulement. Réunir le cinéma et le théâtre renvoie aux origines du huis-clos au XXème siècle, au Huis clos de Jean-Paul Sartre. L’auteur se revendiquait de l’existentialisme, consistant à penser que l’Homme est seul maître de sa vie, de ses actions et de ses jugements moraux. Au centre de l’existentialisme : les sentiments humains, que l’art étudie, malaxe et transforme.

Faire un huis-clos cinématographique, est-ce alors questionner l’essence de l’humanité ? Qu’apporte le cinéma de plus que le théâtre ? Si un film se voit comme une pièce de théâtre quand il traite du huis-clos, n’y a-t-il pas un certain échec des images cinématographiques ? Quelles sont les différences inconciliables entre théâtre et cinéma ?

Jean-Baptiste Colas-Gillot


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