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Autoportrait, de Muriel Bourdeau, Slim, de Sophie Bocquet : c'est parti pour les Petites formes cousues !

Publié le 20 avril 2010 par Jérôme Delatour

Coup d'envoi aujourd'hui du premier festival de danse transdisciplinaire du Point Ephémère sous l'égide d'Eléonore Didier (allez-y, c'est jusqu'à lundi inclus au bord du canal Saint-Martin). Transdisciplinaire parce qu'il y a un peu de tout et que c'est voulu, sur le thème "il faut décloisonner". Enfin l'initiative est bienvenue, dans la mesure où le Point Ephémère est plus connu du public pour sa programmation musicale et son restaurant que pour ses résidences de danse, qui du coup reçoivent davantage de visibilité. Pourvou qué ça doure !

Donc, festival ouvert cet après-midi par Autoportrait, un work in progress de Muriel Bourdeau qui venait en remplacement des Nevada Haïkus de Cynthia Phung-Ngoc et Steve Argüelles, annulés. Ce titre m'arrange ; je ne l'ai connu qu'après, et pendant je me demandais bien comment parler de la chose. Là, c'est plus simple. L'explication, le fil, c'est soi, avec ses tensions diverses, liés de liens obscurs. Alors il faut décrire dans l'ordre, et voir si cela me parle ou non, résonne avec mon propre moi. D'abord une vidéo : elle investit un escalier, le dévale intimement, de façon répétée, démultipliée, fait corps avec lui au lieu de le sautiller. Une décadence d'escalier, avec un effet stroboscopique qui me rappelle immanquablement le Nu descendant un escalier de Marcel Duchamp. Mais c'est aussi très danse contemporaine : le danseur en maillot quelconque explorant un espace banal. Je reconnais que c'est très tentant, je veux dire : ah, ces lieux qu'on rêve de connaître vraiment, intimement, comme ces rencontres qu'on souhaiterait moins superficielles. Cet escalier voit passer des milliers de gens des milliers de fois, et ne connaît pas de relation approfondie. Il est condamné à n'être qu'un lieu de passage et d'usage, à n'être jamais habité. Pour cette fois, il a dû être heureux.

Puis dans le noir, elle couchée sur le ventre depuis le début se lève, enlève le haut. Ca scratche, d'abord on ne voit pas quoi. Eclairée par derrière, il ne se détache d'elle qu'un filet orangé. Une chaise. Ah ! la chaise dans la danse contemporaine, très courue ces temps-ci : la chaise de Grazia Capri, la chaise de Maxence Rey... Une chaise de tous les jours. Oh ! ce n'est pas innocent, c'est que pendant longtemps on a interdit aux danseurs de se coucher voyez-vous, et encore plus de s'asseoir. C'est une autre façon de faire front. Elle fait front, quasi nue dans le noir. Elle déchire son collant, ou peut-être ses collants superposés, comme de la toile tenace d'araignée ou de cocon. Un tas de mues par terre. Elle se rhabille de ces peaux mortes, s'en entrave, se met à genoux self-bondée.

"Ca raconte une histoire", me dis-je sans savoir, enfin sans être sûr encore que c'est autobiographique. Je ne raconte pas les derniers épisodes, les marques et les traces et la séduction coup de poing, et les constats de police. Muriel Bourdeau doit avoir de la rage rentrée.

Slim, de Sophie Bocquet, c'est une autre affaire. Sophie compose un personnage, et d'un coup nous ne sommes ni dans la danse ni dans le théâtre - ce qui, nous enjoint-on actuellement, ne doit avoir aucune importance. Slim, c'est un garçon pas loin de l'adolescence dans un milieu "défavorisé", selon les termes en vigueur. Le genre d'enfant qui s'élève tout seul, avec la violence que cela suppose. Avec un surnom pareil, on imagine qu'il ne doit pas être bien épais. Sophie Bocquet le raconte comme une amie, un double plutôt dont elle partage la voix et la pensée rudes, et l'accoutrement étriqué, survêt et capuche, burqa de la misère. Sa scène est un ring rond dans lequel elle combat le vent à coups de moulinets haletants.


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