Titre original : Dark Places
Note:
Origines : États-Unis/France
Réalisateur : Gilles Paquet-Brenner
Distribution : Charlize Theron, Nicholas Hoult, Chloë Grace Moretz, Tye Sheridan, Christina Hendricks, Corey Stoll, Drea De Matteo, Andrea Roth, Glenn Morshower…
Genre : Thriller/Drame/Adaptation
Date de sortie : 8 avril 2015
Le Pitch :
1985 : la jeune Libby Day devient tristement célèbre après avoir échappé au massacre qui coûta la vie à sa mère et à ses deux sœurs. Ben, son grand frère, le coupable idéal, atterrit quant à lui directement derrière les barreaux. Presque 30 ans plus tard, alors que Libby tente tant bien que mal de maintenir à flot une existence chaotique, un groupe d’enquêteurs amateurs, militant pour la libération de Ben, qu’ils croient innocent, approchent la jeune femme pour lui demander d’éclairer les zones d’ombre de cette sinistre affaire. Encouragée par une somme que sa situation financière ne lui permet pas de refuser, Libby se replonge à contre cœur dans un passé qu’elle a toujours tenté de refouler. De nouveaux éléments remettant en cause la version officielle des faits, ne tardent pas à émerger…
La Critique :
Grâce au succès fulgurant du Gone Girl de David Fincher, Dark Places, du français Gilles Paquet-Brenner, bénéficie d’une exposition notable. Les deux films étant adaptés d’un roman de Gillian Flynn (Dark Places renvoie à Les Lieux Sombres, paru en librairie en 2009), le rapprochement se fait tout seul et comme on pouvait s’en douter avant même d’avoir vu Dark Places, la comparaison est sans aucun doute favorable à l’œuvre de Fincher. Partageant certaines thématiques et le style de l’auteure, néanmoins mieux assimilé et traduit à l’écran dans Gone Girl, les deux longs-métrages doivent néanmoins s’apprécier de manière indépendante. Après tout, si il est légitime, par exemple, de comparer Les Évadés et Misery, juste parce qu’ils sont tous les deux adaptés de Stephen King, il faut à un moment donné, prendre en compte plusieurs facteurs qui permettent de juger leur qualité sans avoir recours à un jeu des sept différences complètement déplacé.
De prime abord, malgré un début intriguant et relativement bien construit, Dark Places raconte une histoire bien moins passionnante que celle de Gone Girl. À partir de là, et sachant que Gilles Paquet-Brenner n’est pas David Fincher, autant essayer d’apprécier Dark Places pour ce qu’il est et non pour ce qu’il ne sera jamais.
Le truc de Dark Places est de multiplier les points de vue et les temporalités. Si le film axe sa narration autour de l’espèce d’enquête menée malgré elle par Charlize Theron, il fait aussi de réguliers allers-retours dans le passé, à l’époque du massacre qui a tout fait basculer, pour s’intéresser au principal suspect, à savoir le frangin, incarné à l’écran par Tye Sheridan, le prodige de Mud, Joe ou The Tree of Life. Rapidement, après un début prometteur, le film les pieds dans le tapis à de multiples reprises, au point de s’empêtrer dans une intrigue nébuleuse, dont les rebondissements trop prévisibles et fabriqués, et les incohérences de plus en plus flagrantes, ne font que perdre le spectateur et diluer une émotion beaucoup moins communicative que voulue. Tout ceci sans compter sur une caractérisation beaucoup trop approximative de certains personnages sacrifiés sur l’autel d’un sensationnalisme hors sujet. Chloë Grace Moretz est par exemple la première à en faire les frais, elle qui doit composer avec un rôle casse-gueule et archi caricatural, qui synthétise un peu tout ce qui cloche dans le long-métrage.
En mélangeant le drame familial, le thriller pur et dur, et la peinture d’une époque (les années 80) et d’un pays, tout en arrosant le tout d’éléments traités par dessus la jambe, comme les crimes rituels liés au satanisme présumé du frère de la seule rescapée, Dark Places essaye de jouer sur plusieurs tableaux et prétend à une cohérence qu’il a, dans les faits, bien du mal à approcher.
Fatalement, Gilles Paquet-Brenner, qui a aussi écrit le script, pédale un peu dans la semoule. Heureusement, Charlize Theron, investie à fond dans un projet qu’elle a co-produit, et qui fait étrangement écho à son propre passé, assure les arrières et sauve les meubles, grâce à une performance habitée. Si Chloë Grace Moretz fait ce qu’elle peut avec ce qu’on lui donne, Nicholas Hoult, assez absent, reste suffisamment solide pour convaincre, tout comme Corey Stoll et Christina Hendricks, quant à elle parfaite en mère courage au bout du rouleau.
L’environnement joue aussi beaucoup en faveur du récit. Sublimé par la photographie de Barry Ackroyd, il exerce une pression psychologique que le scénario a bien du mal à relayer, tandis que la mise en scène de Paquet-Brenner, tout en manquant clairement d’audace, fait le job proprement sur un plan purement technique.
Thriller dramatique correct, Dark Places vise des ambitions démesurées, qui finissent un peu par le tirer vers le bas. Entre d’autres mains, il aurait pu être à la fois plus tendu, plus passionnant et plus déchirant. À la place, il doit composer avec des défauts assez grossiers, qui finissent de le placer dans le sillage de ces longs-métrages un peu bordéliques, mais néanmoins divertissants, car au fond toujours sincères, y compris dans leur propension à en faire des tonnes quand une certaine sobriété aurait été de rigueur.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Mars Distribution