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Le mâle est en nous

Par Pmalgachie @pmalgachie

Livres Hebdo se demande si la critique (littéraire) est une affaire d'hommes. Et, afin d'afficher clairement le sens de la question, le titre de l'article est surmonté d'un mot qui sonne comme un avertissement, sinon une accusation: Discrimination. Le mâle est en nous

Le sujet est inspiré par une étude publiée sur le site de l'association américaine Vida, celle-ci militant, nous dit-on, pour la place des femmes dans l'édition. Les chiffres sont implacables, je vous invite à les consulter. Mais reconnaître un fait (surtout quand on y joue soi-même un rôle puisque, aux dernières nouvelles, je suis toujours un homme) n'interdit pas d'en discuter certaines interprétations. Le dernier paragraphe de l'article, destiné, je suppose, à enfoncer définitivement le clou, m'a laissé rêveur:

Toujours au cours de l'année dernière, le bimensuel britannique London Review of Books a chroniqué 192 livres d’auteurs hommes contre seulement 58 signés par des femmes. Les critiques étaient signées par 146 hommes contre 44 femmes. Le constat est d’autant plus paradoxal qu'au Royaume-Uni, trois romancières figurent parmi les auteurs les plus vendus en 2014 : Hilary Mantel, Donna Tartt and Kate Mosse.

Surtout la phrase ultime, celle qui restera gravée dans les esprits. Je tente de reconstruire le parcours logique sous-entendu dans le paradoxe dont il est question, et j'y parviens mal. Essayons malgré tout. 1. Parmi les auteurs les plus vendus au Royaume-Uni en 2014 figurent trois romancières. Admettons. Mais j'ignore sur quoi repose cette affirmation, vaguement contredite par une liste établie par The Guardian où l'on trouve dans le classement des best-sellers 2014, avant la première romancière (qui est d'ailleurs Kate Atkinson et non une de ces trois-là), les noms de John Green, Gillian Flynn, Dan Brown... Mal barré, un raisonnement qui commence ainsi. 2. Puisque ces trois romancières (parmi les auteurs, etc.), il est paradoxal que les critiques du London Review of Books aient été signées, pour les trois quarts environ, par des hommes, les femmes devant se contenter du dernier quart. Est-ce à dire que, pour parler de livres écrits par des femmes, seules des femmes sont compétentes, les hommes n'ayant accès à aucune des qualités (ou des défauts?) qui font la spécificité supposée de cette part de l'humanité? Poussons la logique jusqu'au bout. Je m'engage, puisque je suis un mâle, à ne plus parler de livres écrits par des femmes. Je m'engage, puisque je suis francophone, à ne plus parler de livres d'auteurs (mâles) écrivant dans une autre langue. Je m'engage, puisque j'ai quelques décennies derrière moi (et un peu moins devant), à ne plus parler de livres écrits par des auteurs (mâles et francophones) de moins de 50 ans. Je m'engage, puisque j'ai la chance de n'avoir traversé, jusqu'à présent (coup de bol, mon bureau est en bois, je le touche vite fait avant de revenir au clavier), aucune maladie grave, à ne plus parler de livres écrits par des auteurs (mâles, francophones et de plus de 50 ans), qui abordent ce sujet. Je m'engage, puisque je vis sur une île, à ne plus parler de livres écrits par des auteurs (mâles, francophones, de plus de 50 ans et ne parlant pas de maladies graves) continentaux. Je m'engage... Vous compléterez la liste, j'ai de la lecture sur le feu, et des articles à écrire, qui ne tarderont pas à contredire ces excellentes résolutions.

P.-S. Et, le lendemain, je découvre que Gillian Flynn est une femme, ce dont j'aurais dû me douter si la question m'avait semblé avoir un quelconque intérêt...


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