Que penser de ce texte (et des regrets y exprimés) de M. Nuissier à propos de l’érection d la stèle, sinon que de tels regrets viennent un petit peu tard, et qu’ils devraient être formulés avec force à la TV et aux radios ?
Dommage. Je ne connais pas cet homme et concitoyen, dont les titres prouvent qu’il a, de l’âme humaine et de l’éthologie de l’Homo sapiens, une connaissance majeure. Parfait. Mais il est en créole un proverbe à propos du « konnaît’ mal » qu’il aurait dû ne pas négliger -- car son sentiment au départ, à propos de l’érection dont il fait mention, montre qu’il ne s’est pas donné, concernant les intentions des promoteurs, la peine d’en mieux et bien savoir. Pourquoi, avant de s’exprimer sur Canal 10, ne s’est-il pas rapproché de l’un des membres du Cercle, chose facile, et lui demander plus amples infos ? L’adage est pourtant universel : avant que de s’exprimer, des faits mieux vaut avoir bonne et entière connaissance ! Et surtout, pourquoi ne s’est-il pas plongé dans l’Histoire, notre Histoire antillaise, en connaître quelques tenants et aboutissants avant de mentionner des phrases-choc telles que : « nous pensons qu’un monument avec autant de symboles mais qui marque aussi et surtout la souffrance des nègres en général et des autres créoles en particulier », ou « [ériger] ce monument à la gloire des anciens colons… - il ne nous dit pas lesquels ! –, ou encore « nous a semblé comme un coup de force ».
Passons. M. Nuissier semble de notre histoire ignorer bien des faits restitués par une foultitude d’historiens sérieux… [Notons en passant, pour répondre à la prolifération des mensonges, des horreurs, de ceux qui s’octroient le droit, depuis quelques semaines, de les divulguer urbi et orbi ici dans notre île, que ces quelque 500 hommes de l’an 1635, tous des engagés dont la condition de futurs « serviteurs à gages » (ou « 36 mois ») était épouvantable chez nombre de maîtres de cases français de l’époque, que ces 500 hommes donc ont très vite disparu sans laisser de descendance.
Pourquoi ? Parce qu’il n’y avait pas de femmes avec eux et qu’au contraire des abeilles, la parthénogenèse n’existe pas chez l’Homme. Pas encore, en tout cas… Enfin, que cent-cinquante ans plus tard, ont débarqué dans l’île Victor Hughes et sa « caroline » grâce à qui, en peu de temps après sa victoire contre l’Anglais, les têtes créoles roulèrent par milliers sur le sol…
Cet Hughes qui fut aussi, aléa de l’Histoire, la cause directe non seulement d’un dépeuplement insulaire majeur, mais de l’arrivée massive, au fil des décennies, d’émigrants venus d’un peu partout. Ce qui fait que guère plus de 5 % de familles créoles actuelles peuvent se « targuer » d’avoir eu des ancêtres possesseurs d’esclaves… ]
Que représentait donc le débarquement de ces 500 hommes de 1635 et de leurs chefs ? Cela : d’avoir été les « pères fondateurs de l’île », volens nolens et, fait majeur par conséquent, d’avoir permis aux Guadeloupéens d’avoir l’honneur d’être, et de rester Français en dépit des vicissitudes diverses.
Le reste est ce que l’Histoire en a fait : … and what is done can’t be undone, comme l’assure si bien un grand poète anglais !
Voilà, Monsieur, ce que les membres du Cercle ont voulu en érigeant ce monument, œuvre d’un artiste talentueux de surcroît ! Et rien de plus… à moins de considérer les membres dudit Cercle comme des menteurs, des « néo-tout’-bitins, assassins de la mémoire et ennemis de la race noire » (voir le vocabulaire de ces MM. du LKP et de leurs affidés) -- bref, de pauvres hères dépourvus de toute morale et d’intelligence, et désireux d’humilier leurs concitoyens de couleurs avec qui, pourtant, ils furent sur les bancs de l’école et j’en passe….
Précision : ce que le Cercle a voulu honorer, oui, MAIS que le groupe « Lyananj’ du Nord Basse-Terre » avait commémoré à deux reprises avant lui, courant 2011, sur les lieux, avec la mise en place de deux panneaux (le premier fut renversé par le vent, l’eau et les bœufs ont achevé de le détruire) offerts par le Conseil général. (« Ils étaient près de 2.000 la première fois, me dit l’un des leurs, et non pas 500 comme vs le croyez ! »
(la photo)
Si on traduit ceci : que les Guadeloupéens « noirs et de couleurs » honorent ces premiers arrivants est tout à fait convenable et acceptable. Mais qu’après eux un groupe autre, constitué de Blancs-Créoles dans sa majorité et tous Guadeloupéens bon teint pourtant, le fasse, conformément aux statuts de leur Cercle…, cela est crime contre l’humanité et mépris envers les Noirs ! – Mondieu, pardonnez-leur...*************
J’avoue avoir été déçu par cette partie de l’écrit de M. Nuissier. Quand on est à un tel niveau de l’intellect, on n’écrit pas n’importe quoi sans s’être informé au préalable ! Par ailleurs, j’ai grand respect pour les personnes de ces professions, pour peu qu’elles soient compétentes dans leur fonction (pas toujours le cas, hélas et je ne vise pas M. Nuissier, attention !) En tout cas, au lu de la suite : force m’est de rendre à César, avec grand plaisir… Donc : merci à M. Nuissier d’avoir eu le courage d’un mea culpa certain ; d’avoir rappelé ce qu’est une décision de justice et ses conséquences ; et, last but not least, d’avoir écrit noir sur blanc (si j’ose…) qu’il était surpris de voir détruire ce monument « qui avait été légitimé par une décision de justice ». Etc.
En foi de quoi j’en déduis que ce Monsieur est avant tout honnête homme, courageux de surcroît. Et qu’il s’était trompé (mais il a le devoir de se détromper, cf. le §3 de son texte, ligne 7) comme tout un chacun qui n’a pas eu le temps d’approfondir le sujet, et de s’informer comme il l’aurait dû des intentions du Cercle culturel Auguste Lacour.
(excipit : non, il n’y a pas ici que des « Ayotallahs de la mémoire », comme le dit M. Dahomay, mais aussi, je l’affirme, des « Talibans guadeloupéens »… : voir aussi petit dessin amusant que j’ai repris du site de M. Redaud.)