Josyane Savigneau, née en 1951 à Châtellerault, est une écrivaine et journaliste française. Entrée au journal Le Monde en 1977 elle sera responsable du Monde des Livres, le supplément hebdomadaire du journal, de 1991 à 2005. Elle est l'auteur de plusieurs livres, dont deux biographies, de Marguerite Yourcenar et de Carson McCullers, et d'un livre autobiographique, Point de côté. Son dernier ouvrage, Avec Philip Roth, est paru l’an dernier.
Josyane Savigneau est une grande admiratrice de l’écrivain américain Philip Roth et ce bouquin, finalement assez mince, revient sur ses rencontres avec lui et tente de nous donner des clés pour entrer dans le monde selon Roth. Un univers qui s’est clos en 2012 quand l’écrivain, né en 1933, a déclaré ne plus jamais écrire. L’ouvrage ne s’adresse pas à ceux qui n’ont jamais lu Roth – c’est mon sentiment et d’ailleurs certainement pas le but de l’auteure – par contre, si comme moi vous le connaissez un peu (j’ai lu une dizaine de romans, le tiers de son œuvre) et prenez plaisir à le lire, vous en ressortirez avide de le lire encore plus, ou mieux de le relire au vu des renseignements/analyses proposés par Josyane Savigneau.
Tout débute en 1992 et la première interview de Roth accordée à Josyane Savigneau. Ca ne se passe pas vraiment bien, « … il regarde sans arrêt sa montre (…) il refuse certaine questions (…) il attend que mes larmes coulent sur mes joues pour me proposer un verre d’eau. » Plus tard les choses s’arrangeront et les deux auront maintes occasions de se revoir chaque année. L’ouvrage n’est pas une biographie au sens propre mais évidemment des éléments biographiques sont abordés ou révélés pour mieux cerner l’homme et son œuvre, les deux piliers de cet ouvrage. Et ce n’est pas une mince affaire !
D’ailleurs on a le sentiment en refermant ce livre que Roth reste toujours, d’une certaine manière, un étranger pour Savigneau. Malgré sa parfaite connaissance de ses romans, ses multiples entretiens avec lui ou ceux qui le connaissent, on constate qu’il est très difficile de lui tirer les vers du nez en interview et combien de fois doit-elle avouer « je suis restée sur ma faim » ou « j’aurais voulu encore en savoir davantage ». Et nous donc ! C’est aussi le point agaçant du bouquin : la groupie qui n’ose pousser son avantage, sachant que contrarier le Maître lui barrerait à jamais la possibilité de lui baiser les pieds à l’avenir. Avouer ses fautes pour être à moitié pardonnée ? Inversement et paradoxalement, que Roth conserve une part de mystère m’enchante particulièrement, quand tout est trop expliqué, la saveur disparait.
Le livre revient principalement sur l’œuvre de l’américain et ses bouquins sont présentés sous l’éclairage des avis critiques de la journaliste ou de commentaires de l’écrivain lui-même. C’est réellement passionnant (Comment est né Nathan Zuckerman, par exemple) et mieux on connait ses livres, plus on en tire de profit, d’où l’envie déclenchée de les relire. Les propos de l’écrivain s’élargissent aussi au rôle du roman, son avis sévère sur les best-sellers ou sur les lecteurs et critiques littéraires d’aujourd’hui, au travail de l’écrivain…
Le bouquin ne tait pas les reproches que font à Roth ceux qui ne l’aiment pas. Sa misogynie - critique balayée par Savigneau (« Le manque d’humour de beaucoup de femmes ne les aident pas à lire Roth. ») mais qui ne devraient pas renouer le contact entre les unes et l’autre - ou qu’il soit un mauvais juif, ce qui inclut parler de sexe dans ses romans.
Un livre qui m’a beaucoup intéressé, malgré quelques défauts : des répétitions, la construction générale qui nous fait revenir sur des ouvrages ou des points déjà abordés plusieurs fois, la position de Savigneau - misérable fourmi - par rapport à Roth - dieu tout puissant. Mais je ne sais pas à quel public il s’adresse. Si vous n’avez jamais lu Philip Roth, il est trot tôt pour l’ouvrir ; si vous ne l’aimez pas, je ne suis pas certain du tout qu’il vous fasse changer d’avis ; si vous êtes un grand connaisseur de l’écrivain américain, il vous semblera certainement trop court, dans tous les sens du terme ; ne restent donc que les gens comme moi, amateurs de Roth sans être assez calés pour en faire une analyse pointue. Je ne vais donc pas me plaindre que Josyane Savigneau ait écrit un livre pour moi !
« Un vieil homme… il avait cinquante-neuf ans. Et était bel homme, comme on le dit encore parfois. Mais j’étais convaincue que je ne le verrais pas vieillir. Je lirais ses livres, qui eux ne vieillissent pas. Je ne le reverrais pas. Je n’ai pas tenu parole, loin de là ; toutefois, il a fallu un certain temps et quelques autres péripéties pour que je change d’avis et ne m’en tienne pas à mes lectures et à ma défense de son œuvre dans Le Monde, en dépit de ce qu’il venait de me dire sur les journaux : « La presse ? Soyons réalistes. Sur trente articles, vingt-cinq n’ont rien à voir avec une quelconque critique. Les cinq autres sont seulement convenables, qu’ils disent, ou non, du bien du livre. Je pense que tous les écrivains, partout, peuvent faire la même analyse, et que la critique a, partout, à peu près la même fonction : l’histoire de la critique journalistique n’est guère brillante, où que ce soit, n’est-ce pas ? » »
Josyane Savigneau Avec Philip Roth Gallimard – 218 pages –