Je ne suis pas vraiment régulière avec la publication des billets, alors que j’achève mes lectures à un bon rythme, autant dire que j’ai plusieurs chroniques en retard à rédiger (pour l’instant, 3), donc je profite d’un regain de motivation pour écrire tout de suite, avant de retomber dans la procrastination hebdomadaire du week-end.
Il y a quelques jours, j’ai fini ma très très longue lecture d’un roman tout récent de John Irving (oui, oui, celui de Garp) : A moi seul bien des personnages. En lisant la quatrième de couverture de ce livre de presque 600 pages, je m’imaginais découvrir l’histoire d’un garçon qui devient homme en même temps qu’écrivain. Puis en commençant la lecture, j’ai pensé lire l’aventure d’un adolescent qui a ses premiers émois tout en étant indétachable des troupes de théâtre de sa petite ville (oui, ce n’est pas très claire comme description). D’où le titre. Mais ce roman se révèle beaucoup plus vaste, plus intime que cela. En même temps, en 600 pages, il peut se le permettre.
Le héros s’appelle Billy, il a soixante-quinze ans, et nous raconte la vie qu’il a eu, entre l’ardesse de son adolescence et ses réflexions d’adulte. On est donc immergé dans sa vie de jeune garçon pensionnaire d’un lycée non mixte. Et très vite, on découvre que Billy n’a pas l’amour conventionnel qu’on attendrait d’un gamin américain d’une ville de province. En effet, il a le béguin pour son beau-père ou encore pour un camarade de classe, lutteur exceptionnel. Mais il est aussi très intrigué par la petit poitrine de la bibliothécaire municipale – beaucoup plus âgée que lui –, et fait semblant de s’intéresser amoureusement à sa meilleure amie. Bref, Billy se cache, révèle à bien peu de gens ses véritables sentiments, se dissimule derrière des personnages, des masques.
Vous l’aurez compris, ce livre parle de sexualité, notamment de celle qui n’est pas « normale », du moins pour l’entourage de ce jeune garçon. Mais il n’y a pas que le héros qui possède des penchants que l’on acceptait mal en ce lieu et cette époque. Sa famille renferme quelques secrets, idem pour ses connaissances ou même ses amis. Billy va grandir, devenir un adulte et écrivain complet. Il va comprendre que fuir n’est pas une solution. Il suffit juste d’être discret pour ne pas gêner les autres, sans pour autant nier ce que l’on est ou ce que l’on veut être. Il se rend compte qu’autour de lui nombreux sont ceux qui portent des masques.
Bref, je me mélange un peu les pinceaux, il est difficile de parler de ce long roman sans s’y perdre tellement il est vaste et profond. La seule chose que je peux vous dire sans me tromper, c’est à quel point cette lecture est atypique. Elle demande beaucoup d’investissement de la part du lecteur, mais qu’on est ravi d’offrir à la plume de l’auteur. En effet, cette histoire n’est pas résumable, il faut la lire et la vivre. C’est une vie de questionnement, de doute, d’attente, de découverte(s), le genre de vie qu’on croise rarement et qu’on expérimente encore moins. C’est riche d’enseignement, d’humilité, d’acceptation envers toutes les personnes de ce monde, quelque soit leur genre, leur sexualité. Il faut se laisser emporter par ce style qui prend son temps, qui décrit beaucoup mais de façon bien choisie.
Encore une fois, John Irving est l’auteur d’une œuvre vraiment à part, en dehors de la littérature de fiction traditionnelle. Un roman à découvrir en prenant son temps.
John Irving, A moi seul bien des personnages, traduction de l’anglais par Josée Kamoun et Olivier Grenot, Points (P3264), 8€50.