Dans un village libanais, à la veille de la révolte arabe de 1916 contre la domination turque, un militant nationaliste, Sami Assem, est contraint de se replier dans une grotte en haute montagne où son amoureuse, Zeina, lui apporte régulièrement de quoi se nourrir et les dernières nouvelles du pays. Lassé de son isolement, Sami quitte sa cachette, tue par erreur un soldat déserteur et finit par être arrêté. Deux cadavres sont aussitôt retrouvés, et les autorités militaires font circuler une rumeur selon laquelle il s’agirait de Sami et du gardien de prison qui l’aurait aidé à s’enfuir. Désespérée, Zeina se décide alors à se rapprocher, pour le tuer, du gouverneur turc qui la poursuivait de ses assiduités…
Publié en 1939 et considéré unanimement comme le premier roman libanais digne de ce nom, Le Pain aborde une période charnière de l’histoire arabe contemporaine : l’éveil du sentiment national, les luttes menées par les sociétés secrètes, la famine qui a décimé des dizaines de milliers de Libanais durant la Grande Guerre, les ressorts tant sociaux qu’individuels de la résistance et de la collaboration, l’engagement précoce des femmes dans la vie politique… Outre son importance littéraire, il constitue un document historique d’une grande acuité.
Notre avis :
Formidable collection que « L’Orient des livres », Actes Sud réédite « Le Pain » paru en 1939 et considéré comme le premier roman libanais moderne. Toufic Youssef Aouad nous livre un récit historique, réaliste et romantique. Zola oriental, il nous fait partager le destin de Sami, militant nationaliste arabe, de la belle Zeina amoureuse passionnée prête à tout pour l’accompagner dans son combat. Il y a aussi le petit Tom, son frère, que l’on croirait sorti du poème de Victor Hugo : « L’enfant », l’innocence face à la violence du monde et une galerie de beaux personnages, humains, tellement humains.
En historien il écrit sur un épisode peu connu, entre 1915 et 1918 près d’un tiers de la population libanaise a été décimé par une famine provoquée par les forces Ottomanes. En poète et romancier il nous emporte dans une langue moderne, « Le pain » devient un conte Oriental plein de bruit et de fureur mais aussi de sensualité et de passion. Si la description de la ville sous l’oppression turque est précise, Toufic Youssef Aouad n’oublie pas la geste épique et poétique, ses personnages tragiques et héroïques vont au bout de leurs engagements dans l’espoir d’une dignité et d’une liberté retrouvées dans un pays unifié.
Journaliste et diplomate, la littérature et la poésie ont accompagné Toufic Youssef Aouad tout au long de sa vie. Il est décédé à Beyrouth en 1989 à 77 ans, victime d’un bombardement.
« Le pain » est un beau et fort voyage littéraire, un livre, bref, en un mot comme en cent, un auteur à découvrir.