Magazine Asie

[Chroniques] 13 mangas à grignoter sous le soleil

Publié le 12 avril 2015 par Paoru

Chroniques manga printemps 2015

Comme il fait plutôt beau ces jours-ci, quoi de mieux que de prendre quelques rayons de soleil avec un bon bouquin ? Une bonne raison de vous proposer une nouvelle vague de chroniques, dans un nouveau panorama de 13 titres. Voici 5 nouvelles séries, 4 qui ont confirmé leur potentiel, 3 autour de la dizaine de tomes et enfin un shônen au long court qui reprend du poil de la bête. Dans les thématiques aussi vous aurez de tout : de l’humour, de l’amour, de l’histoire, de l’horreur, de l’art et de la littérature, de la SF, du western… Comme la dernière fois, remettons-nous donc à table avec cette famille hétéroclite, et faisons les présentation en moins de 1000 signes, pour aller à l’essentiel.

En route, et bonne lecture !

Nouveautés : en duo ou en solo ?

Inspecteur Kurokôchi de Takasahi NAGASAKI et Kôji KÔNO chez Komikku : un seinen que l’on ouvre pour ses 2 auteurs (le compère d’Urasawa et le mangaka de Gewalt) mais qui nous hypnotise en quelques pages avec l’arrivé d’un salopard de la pire espèce : l’inspecteur Kurokôchi, le lieutenant le plus corrompu que vous n’avez jamais vu, avec un don pour les magouilles qui tient, il faut le reconnaître, du génie. L’homme connait tous les secrets gênants du pouvoir japonais, et il en profite chaque jour pour son profit personnel en rendant, tout de même, une certaine forme de justice. Dans un Japon où l’on étouffe les scandales et où la corruption est le sport politique par excellence, notre inspecteur affiche clairement son amoralité – assez jouissive pour le lecteur – et se moque du bordel qu’il peut laisser derrière lui. On obtient des coups tordus, un anti-héros improbable et intriguant et des histoires sans temps morts, entre enquêtes, magouilles et régulières tentatives d’assassinat de notre flic désormais favori. Un signe qu’il sait taper là où ça fait mal… Et c’est bon ça, c’est très bon !

Inspecteur Kurokôchi 1  Inspecteur Kurokôchi 2

Les deux Van Gogh de Hozumi chez Glénat Manga : dans ce one-shot de 384 pages, direction le Paris du XIXe siècle pour suivre le destin des frères Van Gogh : Théodore, marchand d’art talentueux et Vincent, le grand nom de la peinture en devenir. L’occasion d’en apprendre plus sur ces deux hommes et leur époque, qui m’étaient assez étrangers. Dans cette adaptation romancée, on oublie rapidement le graphisme perfectible des premiers chapitres et on se plonge avec plaisir dans un monde de l’art ultra-conservateur, très arrêté sur la notion du beau et sur ce que doit être un tableau ou un peintre. Dans une lutte des classes de l’ère industrielle, on se passionne pour la révolution artistique autant que pour le génie de Théodore, et on se laisse émouvoir par le lien fraternel puissant et parfois conflictuel des Van Gogh, dans le mélange de flashbacks innocents et d’un présent frustrant et nettement plus violent. Avec une fin surprenante et un épilogue agréablement mélancolique, on ressort de cette lecture ravi… Et conquis !

 Les-deux-Van-Gogh-manga

deux-van-gogh

Le Requiem du Roi des Roses de Aya KANNO chez Ki-oon : nouvelle adaptation d’une œuvre shakespearienne – Richard III mais aussi un peu de Henri VI – avec Aya KANNO (Otomen) aux commandes. On y retrouve avec plaisir la dramaturgie anglaise, à coup de destins épiques et éminemment cruels, de personnages symboliques face à des choix impossibles, de la pureté des amours balayée par la perfidie humaine. On sent que la mangaka est une fan de ces œuvres sans pour autant en faire une bible intouchable : quelques répliques clés par ici et quelques intrigues par là, puis on parsème le tout de quelques faits historiques et des dialogues librement adaptés… On reconnait le matériau d’origine et on en ressent la dramaturgie tout en savourant bien un manga d’Aya KANNO, avec ces beaux garçons aux lignes délicates et à la sexualité sulfureuse et parfois incertaine. Vu comme un être assez abject par l’Histoire car il fut du coté des perdants (face aux Tudors), ce cher Richard est un excellent matériel pour créer un être torturé et enchaîné à sa condition. Si vous aimez le genre, vous pouvez y aller les yeux fermés.

 Le requiem du Roi des Ronces

Les premières pages en bonus :

Kill la Kill de Ryô AKIZUKI et studio TRIGGER chez Kana : Je n’attendais pas forcément grand chose d’un manga né d’une adaptation animée, voilà donc une bonne surprise. Sans connaître l’anime, j’ai découvert l’histoire d’un Japon post-apocalyptique, d’une société élitiste et militaire où partout règne l’ordre, jusqu’au sein de l’académie Honnôji. Cette dernière forme des élèves et les dote de capacités physiques et intellectuelles supérieures afin qu’ils maîtrisent les mystérieux et fameux « uniformes Goku », qui leur permettent de se transcender. Au milieu de tout ça, une insoumise cherche à élucider le meurtre de son père et va mettre un bazar sans nom dans ce monde très ordonné. Un bordel bienvenu et haut en couleur dans ce titre qui joue sur le dynamisme, dans une narration à fond les marrons dès les premières pages : le premier tome contient déjà plusieurs affrontements dans une mise en scène jubilatoire – ça court, ça bondit et ça explose dans tous les sens – avec son lot de pauses emblématiques et stylisées typiques du shônen d’action. L’ambiance sexy-punchy-funny en fait un cocktail plein de saveurs qui pétille et s’avère des plus récréatifs !

 Kill la Kill  Kill la Kill

Innocent de Shin’ichi Sakamoto chez Delcourt : mais c’est de toute beauuuuté ! Le mangaka d’Ascension n’avait cessé de nous ravir les yeux et de nous passionner par ses personnages complexes et leurs destins tortueux. C’est toujours le cas dans ce premier tome d’Innocent, un petit bijou graphique qui place Sakamoto au niveau de très grand dessinateur comme un Inoue ou un Yukimura… Dès ce premier volume, plusieurs planches vous couperont le souffle par la finesse hallucinante des traits de ses personnages ou pas les ambiances suggérées par des décors tantôt festifs, tantôt sombres et témoins insoutenables de la mort et de la torture. Des scènes dignes de certains enfers qui contrastent remarquablement avec la pureté du héros, Charles-Henri Sanson, le bourreau le plus célèbre de la Révolution française. Avec une époque aussi troublée et aussi riche sur le plan scénaristique, avec un personnage aussi controversé et complexe, Sakamoto n’a donc plus qu’à nous régaler avec son art tout en nous faisant voyager dans notre propre passé. C’est juste un régal.

Innocent Innocent

5 tomes et moins : les essais transformés…

A Silent Voice #2 de Yoshitoki OIMA chez Ki-oon : Voici un titre qui mérite encore des compliments dès son tome 2, où il est question des concepts de l’amitié et du pardon. Une fois de plus le propos est prenant, dans le fond comme dans la forme. Les personnages sont plutôt classiques – leur aventure moins – mais la mangaka fait preuve d’un talent peu commun pour dépeindre leur doute, leur fragilité et leur maladresse. Tous font des erreurs, parfois lourdes de conséquences dans une vie adolescente, très cruelle, mais chacun a le droit à sa deuxième chance. L’autre force d’A Silent Voice est d’être aussi plaisant à lire qu’à observer. Le visuel de la série fourmille de bonnes idées : un chara-design qui s’amuse parfois sur les coupes de cheveux, des épaisseurs de traits très variés qui apportent contraste et une petite touche old school, des angles de vue très dynamiques (empruntés au monde de la photographie j’ai l’impression), etc. OIMA tentent des choses et des effets qui donnent beaucoup de personnalité à son œuvre et qui renforcent le potentiel coup de cœur dès la première lecture. Prenant et innovant, voilà une belle pépite. Vivement le tome 3 fin mai.

a-silent-voice-manga-volume-2-simple

Six Half #4 de Ricaco IKETANI chez Delcourt : Je vous avais déjà parlé de cette jeune fille détestable, Shiori, qui perd la mémoire dans un accident et comprend ensuite, au jour le jour, quelle garce elle a été pendant des années. Depuis ce pitch original, l’histoire évolue de manière très intéressante : les infos sur le passé de l’héroïne et de sa famille sont distillés au compte-goutte et la nouvelle Shiori apprend à faire face aux dégâts qu’elle a pu causer, se reconstruisant une vie sur les ruines de l’ancienne. Mais tout ça est très fragile, et la demoiselle n’était pas devenue une mauvaise personne par hasard. Pendant que certains essaient de la ménager pour lui donner une seconde chance, d’autres n’hésitent pas à lui rentrer dedans ou refusent, plus simplement, de lui pardonner. Quelques uns, enfin, profitent que Shiori soit enfin supportable pour avancer dans leur propre vie, mais il semble que les souvenirs de la demoiselle soient planqués en embuscade, prêt à bondir pour tout mettre sans dessus-dessous. Excellent scénario et très bonne narration confèrent donc à cette série une histoire prenante, ce qui permet de passer outre le graphisme assez irrégulier d’IKETANI. Un shôjo original et à suivre !

six-half,-tome-4 six-half

Magical Girl of the End #5 de Kentarô SATÔ chez Akata : Évoquée aussi lors de son premier volume, voilà une série qui a enchaîné les climax et les plot twist autant que les explosions de têtes et les tripes à l’air. Et dans ce tome 5, ça continue avec joie ! Alors que le tome 3 marquait un tournant avec un bond dans le passé garni d’étonnantes révélations, le tome 5 confirme que la venue des Magical n’est pas due au hasard. Des gens – certains dans l’ombre, d’autres sous les projecteurs – ont un but derrière ce massacre en bonne et due forme. Dans ce scénario imprévisible et s’amusant visiblement avec les paradoxes temporels, les tentatives de survie sont narrées avec autant de machiavélisme que d’adrénaline. Le tout s’offrent en bonus quelques personnages incroyables, comme Rintarô l’agent de police pervers et totalement amoral dont le pétage de plomb sadique est absolument dantesque dans ce volume. La colère et le sang jaillissent de toute part et inondent les pages pendant plusieurs chapitres. Une véritable orgie dans ta face, cher lecteur.

  Magical Girl of the end

Uwagaki #4 de Ryo YASOHACHI chez Doki-Doki : Quatrième et dernier volume de cette comédie loufoque qui m’a plu dès le départ (la preuve). La fin s’avère à la hauteur de cette comédie romantique et légère, comme beaucoup des séries courtes de l’éditeur d’ailleurs. Tout se bouscule et s’accélère entre Ajio, Chiaki et Koaki, et on ne tombe jamais dans la routine ni dans le téléphoné : avec un un professeur Yamada imprévisible (extraterrestre ? Homme du futur ?) et une équipe de mercenaires qui lui collent aux fesses, on ne s’ennuie jamais une minute. Le cocktail parait improbable – il l’est un peu, d’ailleurs – mais amour, action et humour se marient à merveille. Uwagaki, c’est la comédie romantique drôle et originale qu’on est content d’avoir découvert car on aurait pu facilement la rater. Un petit plaisir que l’on s’offre et dont on ressort avec le sourire aux lèvres et plein d’affection pour les différents protagonistes. Testez-le, vous verrez !

Uwagaki planche Uwagaki

10 tomes et plus : ils se bonifient avec le temps ?

Silver Spoon #9 de Hiromu ARAKAWA chez Kurokawa : la série se rapproche de son 10e opus et elle est toujours aussi unique et plaisante à lire. On s’est complètement attaché aux différents protagonistes du lycée agricole Ohezo et c’est assez rare de voir un héros susciter autant d’empathie. Pourtant plein de failles et d’incertitudes on l’aime beaucoup ce cher Yûgo, avec son caractère obstiné qui finit par forcer l’admiration, et on le défendrai avec plaisir face à un père qui atteint des sommets de mépris dans ce volume. On voudrait baffer ce parent qui fait des ravages dans la psyché de son fils. Mais ce dernier tiens bon. Il fait face,aussi,  aux difficultés parfois tragiques du monde agricole et refuse de baisser les bras là où ceux qui y sont nés se laissent emporter par la fatalité. Un manga qui partage avec talent de jolies valeurs et qui sait les transmettre avec énormément d’humour… La clé de sa réussite certainement, pour éviter de tomber dans une morale trop lourde et contre-productive. Faire face aux difficultés de la vie, garder un œil bienveillant sur celle des autres et ne jamais trop se prendre au sérieux. La philosophie d’Hiromu ARAKAWA, ça fait toujours du bien par où ça passe…

 silver-spoon-9-kurokawa silver-spoon-wallpaper-2-1024x819

Tokyo Ghoul #10 de Sui ISHIDA chez Glénat Manga : une série savoureuse dès ses premiers tomes et encore plus depuis un tome 7 de génie… Depuis, chaque nouveau volume de Tokyo Ghoul attise ma convoitise de lecteur et, dans ce 10e opus, c’est mon gout pour la baston qui s’avère rassasié avec de nouveaux ennemis à la hauteur du « nouveau » Ken. Notre héros se prend d’ailleurs une bonne rouste d’entrée de jeu, histoire de poser les choses et d’assoir le style terriblement efficace de son adversaire. Ce duel semble parti pour se dérouler en plusieurs rencontres, chacune étant plus longue et plus épicée que la précédente : vitesse, puissance, technicité ou roublardises, tous les ingrédients des bonnes bastons sont utilisés avec talent pour que l’on se régale et en redemande. Entre deux affrontements, notre héros et ses proches savent aussi prendre du recul – l’occasion de monter un plan ou de faire un point sur des zones d’ombres – mais c’est pour mieux sauter le pas ensuite : la chasse au docteur Kano qui débute dans la seconde partie de l’ouvrage est un nouveau point de convergence pour les différentes factions de goules et de la police. C’est très prometteur, vivement le tome 11 en juillet !

Tokyo Ghoul 10 Tokyo Ghoul 10

Billy Bat #14 de Naoki UARSAWA et Takashi NAGASAKI chez Pika : je crois que jamais un Urasawa ne m’a paru aussi clair et facile à suivre que ces derniers tomes de Billy Bat. Tout comme une intrigue s’éclaircit lorsqu’elle touche à sa fin, ce 14e tome clôt avec quelques rebondissements et révélations le destin de plusieurs protagonistes dangereux ou malveillants. Comme d’habitude plusieurs lignes temporelles sont imbriquées, mais il faut croire que notre cerveau a pris l’habitude d’identifier les époques et les personnages et l’on comprend facilement les tenants et les aboutissants. Les réponses ne conduisent plus forcément à des floppées d’autres questions. Au point que j’ai fini par me demander, en refermant le tome, si la série ne touchait pas à sa fin, si tout – ou presque – n’avait pas été dit. Et pourtant non. Mais je me demande comment la série va pouvoir se relancer et prendre encore de l’ampleur, si ce n’est dans l’affrontement des deux mythiques chauve-souris : la blanche et la noire. Messieurs les mangakas, je vous attend de pied ferme en juin pour votre 15e tome !

 Billy_Bat_14 billy-bat-15

One Piece #74 de Eiichiro ODA chez Glénat Manga : C’est bête à dire mais, avec le cycle des hommes poissons, j’en avais presque oublié l’envergure d’un manga comme One Piece et le talent de son mangaka. C’était toujours aussi sympa à lire mais avec les tomes 73 et 74 la saga retrouve clairement des couleurs ! L’arc du moment est d’une grande richesse et se trouve directement connecté avec des personnages clés, qui nous en apprennent encore davantage sur l’histoire de fond de la saga… Et qui sont aussi prenant et bien construits, pour ne rien gâcher. ODA fait donc monter la sauce sur une cadence très prenante, distillant quelques planches énigmatiques avant de repartir sur des combats aussi loufoques qu’endiablés. Avec un équipage toujours plus nombreux, on a désormais des duos ou des trios inédits qui partent en guerre, remplaçant ainsi des affrontements à un contre un déjà écris à toutes les sauces dans les 70 tomes précédents. Les affrontements s’imbriquent sans temps morts, et les ennemis sont toujours aussi originaux et difficiles à défaire… qui se méfierai d’une jeune fille qui ne sait que transformer les gens en jouets après tout ? Ajoutez à tout ça l’arrivée d’un personnage éminemment mystérieux et de la plus haute importance qui ne cesse d’apparaître masqué depuis plusieurs chapitres et vous obtenez un mangaka qui donne le meilleur de lui-même. The boss is back ladies !

One Piece 74 Tome_75_One piece

Et voilà la fin de cette sélection… Comme d’habitude je pourrais continuer à vous parler de mangas : Ad Astra #5, Double JE, Cagaster #5, Altaïr #4, Darker Than Black, Area 51, Husk of Eden #4, Moyasimon #4, Space Brother #10, #Gangsta #6 ou Wolfsmund #6… Mais ça n’en finirai jamais. Et la pile des mangas à lire maigrit difficilement, donc ce n’est pas prêt de s’arranger !

Chroniques manga printemps 2015


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Paoru 8438 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines