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Rayons ultra-sensiblesJe dormais, sans conviction. Le rêve contenait des rues inondées de lumière, des passants de tous les gabarits et un jeune homme alerte et vif. J'étais redevenu moi et ça me semblait la chose la plus naturelle au monde. J'étais aussi en proie à l'angoisse la plus vive. Je savais que tout ce qui m'entourait, y compris ma personne et la place que j'occupais, n'était qu'illusion, poussière cosmique, perles de rosée. Tout devait disparaître. Je devais disparaître. Ne plus paraître. Ne plus être. Rien ne pouvait s'opposer à l'inéluctable effacement des traces, l'impitoyable enchaînement des lunes. Le monde tournait et tournerait encore, sans fin, sans explication, sans moi, j'étais appelé à me volatiliser dans l'immensité du désert, comme un simple nuage de vapeur, je serais aspiré par le vaste univers, les astres n'auraient même pas peur.Soudain, je n'étais plus dans la rue, j'étais dans le bus, assis, la tête appuyée contre la vitre de la fenêtre, le bus bondé, c'était l'heure de midi, tout le monde rentrait à la maison, le prof le matin nous avait parlé d'un film qu'il avait aimé, j'avais les larmes aux yeux, je n'étais pas triste, le soleil m'éblouissait, j'étais fragilisé par les fortes lumières, je me demandais si ce serait toujours comme ça, je me demandais si je vivrais jusqu'â 40 ans.Je ne veux plus de mon point de vue, je veux comprendre pourquoi vous n'êtes pas moi, pourquoi vous aimez ce que vous aimez, quelle est votre soufrance, quel est votre plaisir, quel est votre masque. Pourrai-je un jour m'effacer, m'estomper, me dissoudre, devenir un souffle dans la forêt?Voyager là où le vent me mène, sans bagage et sans billet. Ne m'appelez plus par mon nom, ne sonnez plus à ma porte, oubliez tout ce que vous savez de moi, je suis parti sans laisser d'adresse, je suis allé voir ailleurs si j'y suis.
