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Le raissement des innocents

Publié le 20 avril 2015 par Lecteur34000

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« Le ravissement des innocents »

SELASI Taiye

(Gallimard)

De bien belles voix qui chantent sur un mode polyphonique le déracinement, les souffrances, les humiliations, les échecs. Le récit se structure autour de Kweku Sai, chirurgien estimé, privé brutalement tout autant qu’injustement de son emploi aux Etats-Unis. Sa femme, ses quatre enfants qu’il quitte pour retrouver la terre originelle, le Ghana. Sa disparition brutale. La nécessité de reconstituer ce que fut la vie de cet homme intègre qui eut la naïveté de croire qu’il avait atteint sur l’autre continent à la reconnaissance. Des voix discordantes ? Sans doute puisque la mère tout autant que les quatre enfants s’inscrivent dans des approches évidemment contradictoires de l’homme qui, semble-t-il, déserta. Mais des voix qui narrent, chacune à sa façon, non pas tant des réalités que des ressentis. Des voix qui concèdent au Lecteur la liberté d’esquisser lui-même le portrait de l’homme disparu. Un roman surprenant, un roman bouleversant, d’une construction quasi cinématographique dans les incessantes investigations d’un passé partagé mais dont les reflets divergent en fonction non seulement des souvenirs mais aussi de leur imprégnation affective chez chacun des protagonistes. Pour le Lecteur, une stupéfiante découverte !

« Son cœur se serre une seconde fois devant l’existence de la perfection et de son obstination à exister dans le plus vulnérable, devant son propre refus – d’une cohérence remarquable – d’en être chaviré. Une cohérence désolante. La malédiction de la lucidité. Quelle que soit la corde qu’il tire de cet affreux nœud : (a) la futilité de la lucidité étant donné la fatalité de la beauté, une beauté infiniment moins présente au sein de la fragilité dans un pays où une mère encore ensanglantée doit enterrer son nourrisson, se laver au jet et rentrer chez elle pour piler l’igname ; (b) la constance de la beauté, même au sein de la fragilité ! une goutte de rosée avant l’aurore qui s’évaporera dans quelques instants, dans un jardin du Ghana, le Ghana luxuriant, le Ghana doux, le Ghana agréable, le Ghana verdoyant où périt tout ce qui est fragile. »


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