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[Portrait d’innovateur] Julie de Pimodan s'applique à faire du maire le CEO de sa ville

Publié le 21 avril 2015 par Pnordey @latelier

À 31 ans à peine, Julie de Pimodan, lauréate 2015 du MIT TR35 France, semble avoir vécu mille vies en une. Tantôt reporter en Afrique, tantôt créatrice d’entreprises au Moyen Orient, la fondatrice de Fluicity bluffe par sa soif d’expériences et sa curiosité intellectuelle à jamais insatisfaite.

Une innovatrice ?

Passionnée par l'écriture dès l’adolescence, vécue comme « une forme d’exutoire », Julie de Pimodan se lance dans des études de journalisme à l’université libre de Bruxelles. Très vite commencent ses pérégrinations internationales. Elle travaille d’abord pour une agence de presse qui l’envoie couvrir des reportages sur le climat des affaires au Bénin pendant 6 mois.

De là, elle rejoint Dubaï puis le Yémen, motivée par l’envie d’apprendre l’arabe. Elle rencontre sur place un entrepreneur local qui lui propose alors de monter « Yemen Today », un magazine de presse en langue anglaise auquel elle va consacrer 1 an. « À 23 ans, j’étais nommée "editor in chief" d’un magazine, ce qui était à mes yeux le poste de ma vie ». Julie de Pimodan reconnaît alors y avoir forgé ses compétences de CEO à ce moment-là, car comme elle était « le bras droit du fondateur et j’ai ainsi appris à jouer avec l’aspect commercial ».

De retour à Dubaï, où elle écrit en free-lance pour la BBC ou encore Aljazeera, elle s’associe à deux partenaires tunisiennes intéressées par la création d’un magazine pour les femmes dans le Moyen Orient, « Unfair Magazine ». Une expérience qui lui a permis d’appréhender les coulisses de la création d’entreprise dans un contexte plus que favorable « À Dubaï, tout le monde est présent pour le business. Il est facile de se bâtir un réseau, lever des fonds, etc. » et qui lui a aussi transmis l’importance du rôle des nouvelles technologies dans les processus démocratiques, « j’ai vu ce que c’était d’être au milieu d’une révolution quand Twitter et Facebook sont coupés ».

Deux ans ont passé, Julie de Pimodan estime qu’il est temps de rentrer en France. Google lui offre de prendre la tête du fournisseur de solutions de gestion de campagnes en ligne, « DoubleClick », dans la zone Turquie-Moyen Orient. « J’ai appris beaucoup et très rapidement. En quelques années, nous sommes passés d’une équipe de 6 à 70 personnes. Mais bien que l’expérience fût riche, je ne retrouvais plus dans ce travail la démarche de l’entrepreneur qui m’avait toujours habité ». C’est alors que l’aventure Fluicity a commencé.

MIT TR35 2015

                                                 Les lauréats du MIT TR35 2015

Son innovation ?

L’idée de Fluicity est d'offrir dans un premier temps un outil de communication à deux sens pour les mairies. Le but ? « Rétablir le lien permanent, ce flux dynamique entre les élus et les citoyens, afin que les données récupérées de cette interaction puissent rendre possible des prises de décisions de la part des élus dites data-driven ».

Disponible sur support mobile pour l’instant, cette application permet concrètement « aux mairies de faire descendre de l’information ciblée à leurs citoyens », l’agenda culturel ou l’état du trafic routier en temps réel, par exemple, mais aussi les projets qu’entend entreprendre la mairie.

Mais pas que. En effet, Fluicity permet aussi « de faire remonter les informations des citoyens aux décideurs locaux », comme l’illustre la possibilité d’interagir avec une nouvelle annoncée par la mairie, en approuvant ou manifestant un intérêt ou encore en commentant. Les habitants de la ville peuvent également signaler un dommage dans leur rue, ou proposer une idée directement à leur mairie. Par ailleurs, ils peuvent être invités à répondre à des questionnaires sur des thématiques, réponses qui se transformeront en données actionnables pour les élus locaux. Ainsi, les 1ers magistrats des villes ont les moyens d’adapter leurs décisions en fonction des données engrangées par les feedbacks des citoyens.

En effet, les mairies ont accès à un tableau de bord « qui les renseigne sur la cartographie des sujets les plus interagis, les plus redondants pour, en quelque sorte, dessiner les KPIs [les indicateurs clés de performance, nrdl] de la ville ». Julie de Pimodan n’hésite pas à emprunter des termes du secteur privé. « Le maire devrait être le CEO de la ville. Le secteur public a énormément à apprendre du secteur privé. Qu’il s’agisse d’un CEO ou d’un responsable marketing, ces personnes doivent s’appuyer sur des données tangibles pour dessiner leurs lignes directrices et prendre des décisions. Les maires devraient pouvoir calquer leur fonctionnement sur ce modèle ».

Quel impact ?

Du côté des mairies, la solution proposée par Fluicity offre l’opportunité d’augmenter la rentabilité. « Dans un contexte tendu où les dotations de l'état diminuent, il leur est important d’être efficaces ». Julie de Pimodan cite un cas concret pour expliciter sa solution : « une piscine municipale peut par exemple être un poste de coûts conséquent pour une ville. Dans le cas où la mairie souhaiterait alors fermer la piscine deux à trois jours par semaine pour réduire ses dépenses, qu’en est-il du point de vue des citoyens à ce sujet ? Fluicity donne à mairie la possibilité de soumettre le projet aux citoyens et de récolter leurs avis. En plus des commentaires, un questionnaire peut être adressé aux usagers de la piscine en particulier, afin de savoir quels jours de fermeture les incommoderaient le moins ».

Côté citoyens, il devient alors possible de mesurer son impact sur les décisions des élus. C’est donc une manière de « réengager les intéressés autour d’un support numérique ». En 2014, plus de 36 % des Français décidaient de ne pas voter aux élections municipales, « il faut se poser la question du pourquoi. Le regain de démocratie qu’on a pu voir après les évènements de Charlie Hebdo n’ont été qu’un momentum qu’on aimerait préserver dans le temps. Il est important de recréer ce lien démocratique ».

Et à l'avenir ?

La première version de l’application est déjà sortie mais celle-ci « va être amenée à beaucoup évoluer ». « On aimerait piloter le projet dans des villes de taille moyenne pour commencer, entre 20 000 et 80 000 habitants. Nous sommes d’ailleurs en négociations plus qu’avancées avec certaines villes ».

Les objectifs de la conceptrice de Fluicity et de son équipe ? « Nous aimerions montrer qu’on peut faire diminuer les frais en communication de la communauté qui nous utilise, qu’on peut réussir à augmenter la base électorale dans une communauté déterminée ». Et ils se donnent six mois pour montrer à leurs municipalités-pilotes que les données récupérées de l’application sont directement actionnables dans le but de lever des fonds d’ici la fin de l’année 2015.


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