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Le chapeau (#12 Silhouettes)

Publié le 30 juin 2012 par Yiannis

Le chapeau (#12 Silhouettes)

Lisa aime écouter son grand-père parler. Elle attend ce moment où, après le repas, il se lève de table et va s'asseoir dans son fauteuil en rotin près du poêle.

Une fois installé confortablement, il sort délicatement son paquet de tabac et méticuleusement roule une cigarette.

Les histoires du grand-père, Lisa aussi les connaît par cœur, mais elle ne se lasse jamais de les écouter. Ce qu'elle aime surtout c'est la manière qu'il a de les raconter. Bien sûr, il en rajoute... et puis après...

Le premier effluve de fumée se disperse dans l'air, l'homme s'enfonce un peu plus dans son fauteuil, il commence :

Oui, quelque chose comme ça. Bref... Je la ramasse, on continue à marcher et, quelques instants plus tard, en face de moi, je vois arriver une dame d'un certain âge, bien mise tu vois, à demie courbée et qui ne quitte pas le sol des yeux avec des mouvements de tête dans tous les sens, comme un pigeon. Bref... Ta tante, sainte parmi les saintes, l'interpelle en lui disant :

Et l'autre répond :

Moi, tu comprends, je me faisais tout petit. Et à ce moment, ma tante me tire le bras et s'écrie :

Lisa s'écrie :

La dernière fois que le grand-père avait raconté cette anecdote, c'était cinquante sous et le veau était une poule mais cela n'empêcha pas la jeune fille de rire pour autant et d'enchaîner :

C'était juste après la guerre. Y avait encore des amerlocs un peu partout et ces gaillards là, ils raffolaient des champignons. Ils recevaient leur paye le samedi matin. Le vendredi, il avait fait un temps de chien, toute la journée il avait plu comme vache qui pisse, je te raconte pas. Bref... Le samedi, une éclairci. Avec ton oncle on se lève aux aurores, à sept heures on est dans les bois avec le tracteur. Là, des cèpes en pagaille, partout, t'as jamais vu ça. Bref... On te fait une récolte du tonnerre, on engrange, on engrange, on fout tout ça dans la beine et on va au village. C'était dix heures, le mariage de l'oncle était à onze. Tu nous aurez vu débarquer, moi, au volent, lui, debout sur la beine, on te fait une de ces entrées triomphales comme si on était sur un char d'assaut. Les gens commencent à affluer autour de nous, ils n'en reviennent pas de voir une telle récolte. Bref... Ni une ni deux on met tout ça dans des cagettes et on liquide le stock. Mais là, on s'aperçoit que c'est déjà onze heures, on a pas le temps de se décrotter et on débarque à l'église en tracteur. L'oncle, il s'est prit une sacrée branlée par ta tante ce jour là.

Le grand-père s'arrête un instant, roule une cigarette, Lisa ne dit rien, il souffle une grosse bouffée de fumée puis reprend :

C'était l'année où ta grand-mère et moi on a aménagé ici. La gamine, je sais pas ce qu'elle est devenue... Si elle n'est pas morte de honte, elle a sûrement du finir vieille fille, enfin, c'était l'époque tu comprends ? Tout ça pour un chapeau... Un chapeau.

Pendant quelques instants, Lisa reste contemple le visage du grand-père sans dire un mot. Puis, elle se lève va chercher un verre d'eau, tend un médicament au grand-père et dit tout doucement :


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