Mon billet précédent semble avoir été mal compris par certains : non par les commentateurs qui ont laissé un message sur ce blog, mais par quelques lecteurs qui m'ont directement adressé des mails surpris ou peinés dont je fais la synthèse"Alors, dans votre prochain recueil, vous donnez moins d'importance aux histoires ? C'est dommage, c'était un peu le point fort de vos nouvelles..."
Etant charitables, ils n'ont pas ajouté " Déjà qu'elles n'étaient pas terribles, si on retire les histoires, il ne restera vraiment rien du tout".
Je re-précise donc : oui, pour moi, les nouvelles nécessitent d'abord une histoire. Mais la mise au point de l'histoire me pose des difficultés moins importantes que la définition du ton.
Pour mieux l'expliquer, je laisse la parole au cher W. Somerset Maugham :
"J'aime les histoires avec un commencement, un milieu et une fin. J'ai la faiblesse de croire qu'elles doivent mener quelque part. Je pense que l'atmosphère est une excellente chose mais l'atmosphère sans rien d'autre me fait l'effet d'un cadre sans tableau : elle n'a pas vraiment de raison d'être."
Et puisque vous êtes encore là, en train de lire des lignes qui ne sont pas de moi, c'est que vous aimez les citations. Je vous en offre une autre, extraite d'un interview de Bioy Casarès, le vieux et jeune complice de J.L.Borges :
- A quoi, dans une nouvelle, accordez-vous le plus d'importance ?
- A l'histoire. Dans un roman, les personnages sont aussi importants que l'histoire, du moins est-ce notre souhait. Moi, je suis un inventeur d'histoires.
Tout ça pour dire que je reste plus que jamais attaché à l'histoire qui va tendre le déroulé de chaque nouvelle. Mais, pour moi, ce n'est pas le plus important en termes de difficulté. J'ai la chance d'imaginer assez vite des histoires qui tiennent. Mais le plus difficile, ce sur quoi je peine le plus, c'est le ton juste, le climat. L'histoire sert à capter l'attention, à entraîner le lecteur. Mais c'est ce ton qui rendra le cheminement agréable, c'est lui qui fera le charme du texte. Il y a des nouvelles dont on sort haletant, mais à quoi bon, si les halètements se concluent par un soupir de fatigue ?
Et puisque je suis lancé, voici un dernière citation, que certains visiteurs reconnaîtront peut-être :
"Une bonne nouvelle ne doit laisser aucune chance au lecteur. Il faut d'abord l'embobiner doucement, puis l'entraîner très vite, irrésistiblement, vers une chute qu'il guette sans pouvoir la deviner."
Cette définition figurait sur la quatrième couverture de mon premier recueil de nouvelles, la Diablada, également paru chez Anne Carrière. Je n'en renie rien.