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Fausto Brizzi : Les beignets d'Oscar

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

Les beignets d'Oscar de Fausto Brizzi   3,75/5 (17-04-2015)

Les beignets d'Oscar ou mes 100 jours de bonheur  (398 pages) sort chez Fleuve Editions le 15 mai 2015.

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L’histoire (éditeur) :

Chaque matin, Lucio déguste un beignet d'Oscar, son beau-père, assis à une table devant la boutique, partageant quelques miettes avec un moineau extraverti. Un instant privilégié, une madeleine de Proust qu'il garde secrète. Il ne faudrait pas que Paola, sa femme, apprenne ses écarts gourmands. quoique maintenant, ça n'ait plus grande importance. Elle a découvert son aventure avec Mme Moroni. Une incartade qui lui vaut d'être mis à la porte.
Et comme les ennuis, c'est bien connu, débarquent toujours par paire, il fait la rencontre de l'ami Fritz. Lucio aurait sûrement préféré ne jamais croiser sa route. Pourtant, avec lui, il va passer les cent jours les plus heureux de sa vie. de ceux que l'on veut laisser derrière soi comme des souvenirs que nos proches chériront toujours.
Cent jours qu'il se doit de rendre inoubliables.

Mon avis :

Je viens de terminer Les beignets d’Oscar et c’est avec un profond regret que je ferme ce savoureux roman si riche en émotions !

A quoi m’attendais-je en l’ouvrant ? à rien de spécial à vrai dire. J’avais à peine lu la quatrième (j’aime les surprises !) et la couverture me faisait penser à un roman doudou. Bon, j’avais bien compris qu’il était question de mort (Lucio nous expose les faits très rapidement) mais je campais sur mon idée d’un  roman joyeux, frais, désinvolte. Je ne m’attendais vraiment pas à être prise par cette histoire et encore moins être saisie par tant d’émotions.

« Chaud, le beignet est la meilleure chose de l’univers. Je suis à deux doigts de le pardonner de m’avoir assassiné. » Page 288

Après s’être fait démasqué par sa femme au sujet de sa relation avec l’une de ses clientes (il est coach sportif dans un club de gym), Lucio se voit écarter du domicile familial. Oscar, son beau-père, l’accueille dans l’arrière-boutique de sa pâtisserie en attendant que l’affaire se tasse. C’est à ce moment (signe du destin ?) que « l’ami Fritz » fait son apparition, ou plutôt déclare officiellement son installation. Et ce cancer, tout juste déclaré, laisse tomber la sentence : plus que 3 mois de vie « normale » avant d’entrer dans la phase terminale.

«  A ce stade, un petit retour en arrière s’impose, c’est-à-dire un bref résumé de mon existence jusqu’à il y a quelques mois, sinon on ne comprendre pas bien ce qui se passe, un peu comme devant la sixième saison de Lost. » page 17

Après un début  franchement  pétillant avec une narration directe, nous voilà plongés dans le décompte des 100 jours restant avant la triste et inéluctable fin de Lucio Battistini. Ce narrateur n’a rien d’exceptionnel, c’est un homme simple qui possède pas mal de qualités mais aussi quelques défauts. Le franc-parler et le réalisme qu’il met à brosser son portrait font de lui un personnage attachant et drôle. Il ne lésine pas sur ses côtés négatifs qu’il présente avec panache, amusement et légèreté. Cet antihéros est tout simplement Monsieur-tout-le-monde et c'est ce qui fait son charme : marié à Paola depuis 12 ans (sa « Bridget Jones italienne »), père de deux enfants (Lorenzo 9 ans et Eva 6 ans), coach sportif et entraîneur d’une minable équipe de waterpolo, ami d’Umberto (vétérinaire célibataire qui n’arrive pas à trouver chaussure à son pied) et de Corrado (pilote, divorcé deux fois et tombeur) avec qui il forme les trois mousquetaires.

Son capitale sympathie atteint tout de suite un bon niveau avec la présentation de sa vie pas franchement parfaite (et dieu sait qu’il contribue à son imperfection !) et surtout grâce à sa verve entraînante et pétillante.

« Je ne suis jamais devenu un grand joueur en raison du conflit d’intérêts lié à mon autre grand amour réciproque : la tartine pain-beurre-confiture. 110 calories pour la tranche de pain + 75 pour le beurre + 80 pour la confiture, 265  calories au total. Un combat perdu d’avance. 

Non sans peine, j’ai gardé des abdominaux en tablette de chocolat pendant une petite décennie, puis vers vingt-six ans j’ai arrêté la compétition à cause d’un accident de Vespa qui m’a bousillé les ligaments du genou, faisant inexorablement augmenter mon tour de taille. Selon ma balance désobligeante, j’ai repris les vingt kilos perdus durant mon adolescence et peut-être quelques-uns en plus. Un Chewbacca d’un mètre quatre-vingt-dix pour cent dix kilos. Donc évitez de me contrarier et poursuivez votre lecture. » Page 18-19

Les beignets d'Oscar ou mes 100 jours de bonheur est la chronique d’une mort annoncée et ces 100 jours à venir doivent être les plus beaux de la vie de Lucio. Ne vous attendez pas pour autant à tomber dans une comédie américaine à l’eau de rose où ça fleure bon le positif, les épisodes mielleux et extraordinaires débordant de bons sentiments, et où tout s’enchaîne finalement à la perfection dans la vie de Lucio. Ces 100 jours ressemblent finalement à 100 jours ordinaires, avec des jours à ne rien faire de spécial, d’autres à pleurer, d’autres à parler…oui mais alors me direz-vous ce roman doit être chiant à mourir…

Que nini, parce que durant ces 100 jours Lucio va aussi :

- tenter de se réconcilier avec Paola (et beaucoup la regarder) : « Je ne pensais pas être attaché à autant de choses chez Paola. Je la connais par cœur maintenant et ne l’en aime pas moins. Comme les passionnés de Dante qui, après avoir lu plusieurs foisLa Divine Comédie, en appréciant encore plus profondément la poésie.

Paola est ma Divine Comédie.
Et j’espère qu’elle m’autorisera bientôt à sortir de mon Purgatoire personnel. » page 181

- accepter la chimio (et ses milliers d’effets secondaires), puis tester la médecine alternative

- manger (ah, la nourriture tient une belle place dans ce livre, on déguste presque à toutes les pages)

- se lancer à la recherche de Miss Marple

- faire un dernier voyage entre copains et quelques déconnades  de mousquetaires

- et, à 20 jours du « départ », en entreprendre un bien plus grand.

Oh, mais je me rends compte que je parle, que je parle et que je parle mais que je ne vous dis pas l’essentiel !

Les beignets d’Oscar n’est pas un livre sur le cancer, ou bien même un livre pathétique sur la mort. C’est un roman honnête sur la vie, sur ce qui nous entoure, sur la famille, sur les amis…Alors, oui, évidement, la maladie est présente et va forcément rythmer notre lecture (le décompte des jours nous rappelle sans cesse cette fin inévitable) mais elle passe au second plan. Pour tout vous dire, je ne m’attendais pas à être autant touchée en le commençant. Le début est mignon et drôle (les anecdotes sont originales, les digressions sympathiques et savoureuses) mais le ton léger s’est un peu effrité. Passés 30 jours, je ne trouvais rien d’inoubliables à ses journées.

Et puis, peu à peu, la tendresse de tous ces moments de pure simplicité, ces petits et grands bonheurs retrouvés ont vite gagné de la place dans mon cœur de lectrice. Je me suis doucement sentie envahi par l’émotion d’un petit rien qui fait parfois un grand tout : le plaisir de voir son équipe manger un granité, voir son beau-père veuf heureux avec une nouvelle femme, de faire un jeu avec ses enfants…sans m’en rendre compte j’ai fini totalement prise par cet échange que Lucio entreprend avec moi (lectrice qu’il tutoie sans gène), devenant voyeuse de ses derniers instants magiques et pourtant si banals pour la plupart (j’ai eu l'impression de me sentir comme une amie).

  

La liste des cadeaux d’anniversaire m’a ainsi serré le cœur, le lancé de lanternes m’a fait mouiller les yeux et enfin ce retour à l’église à J-2 m’a carrément fait pleurer comme une madeleine. Le détachement de Lucio vis-à-vis de la maladie, son ironie et sa tendresse auront eu raison de moi.  Dans un style attrayant et accessible Fausto Brizzi aborde un thème grave et le détourne pour nous faire vivre de très bons moments  loin d’être si tristes que ça, mais vraiment émouvants.

Mélangeant sérieux et humour, légèreté et profondeur, Les beignets d’Oscar gagne le pari de toucher tous les lecteurs par la force  de sa simplicité et de son personnage si ordinaire : « Je suis un homme entier. Mais surtout, comme vous allez bientôt le comprendre, un crétin intégral. » Page 44

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