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Le mythe de la rémunération des auteurs

Publié le 24 avril 2015 par Thibaultdelavaud @t_delavaud

Ces derniers temps, de nombreux articles et témoignages d’auteurs font état de la précarité de ces derniers et de la baisse de leurs revenus. 

L’inquiétude est légitime et compréhensible. Cependant, c’est oublier une réalité cruelle et fonder une espérance sur une chimère, un mythe, car en vérité, les auteurs n’ont jamais vécu de leur plume.

Il y a bien sûr de nombreux écrivains à succès qui vivent de leurs écrits mais ils sont une petite minorité. 5% ? 10% du nombre total d’auteurs ? Je ne sais pas mais ils sont peu nombreux. « Oui mais c’était mieux avant », rétorque-t-on, le « gâteau » était mieux partagé. Rien n’est moins sûr.

C’était mieux avant ?

Qui étaient les auteurs d’autrefois ? Les écrivains du XIXème étaient en très grande majorité issus de la haute bourgeoise. Ils n’avaient pas à se soucier de leur situation matérielle et évoluaient dans un environnement confortable. Certains étaient fonctionnaires (Maupassant) ou journalistes (Balzac), d’autres ne travaillaient pas et vivaient de leurs rentes ou de leur fortune familiale (Proust, Flaubert). L’argent n’a jamais vraiment été un enjeu pour tous ces auteurs.

Flaubert

Gustave Flaubert

Au XXème siècle, est-ce ça change ? Pas vraiment. Les écrivains sont issus de milieux relativement aisés (moins qu’au XIXème siècle) et assez peu vivent de leur plume. Beaucoup sont professeurs ou journalistes, d’autres sont fonctionnaires ou médecins…

Beaucoup d’auteurs ont exercé une profession en parallèle de leur carrière littéraire, d’autres ont mené une carrière professionnelle avant de se consacrer à la littérature, par la grâce d’un succès de librairie.

Alors oui, on ne gagne pas sa vie avec l’écriture, on s’en doutait. Est-ce que cela permet d’évacuer toutes considérations financières ? Non mais cela doit réfréner les ambitions des auteurs puisqu’ils se réfèrent à un idéal qui n’existe pas et qui n’a jamais existé. L’auteur qui gagne sa vie par la vente de ses livres est un mythe.

L’auteur qui gagne sa vie par la vente de ses livres est un mythe

Et demain ?

Là où beaucoup d’auteurs ont du souci à se faire, c’est qu’il sera de plus en plus difficile de vivre de sa plume. À qui la faute ? Les éditeurs, les lecteurs et même les auteurs sont responsables de cette situation.

Nous sommes depuis plusieurs années dans une logique du « winner takes all », le gagnant rafle tout. C’est tout ou rien : énorme succès ou échec total. Un best-seller écrase tous les autres, les premiers romans percent de plus en plus difficilement… Même sur Amazon, en dehors des livres figurant dans les différents TOP 100, les ventes sont marginales, au compte-goutte… L’industrie du livre n’est pas la seule à être concernée par ce phénomène, les industries culturelles le sont toutes : les blockbusters au cinéma éclipsent tous les autres films, les jeux vidéos sur tablettes ou smartphones sortent par milliers et une poignée seulement est téléchargée… Votre destin en tant qu’auteur peut donc se résumer à ceci : millionnaire ou précaire, point d’autre alternative. Pouvoir vivre de la vente de ses livres, c’est avoir gagné au loto.

Votre destin en tant qu’auteur peut donc se résumer à ceci : millionnaire ou précaire, point d’autre alternative.

Billet coupé

Photo de taxcredits.net (CC-BY-NC-ND)

Face à cette logique, dictée par la consommation de masse et amplifiée par les réseaux sociaux, les éditeurs ne peuvent plus se permettre de faire la moindre erreur et promeuvent uniquement les livres les plus « bankables ». Ils sont d’autant plus contraints d’agir ainsi que les lecteurs sont de moins en moins nombreux. En bout de chaîne, les auteurs trinquent : moins de ventes donc moins de revenus, moins de prise de risque pour les auteurs non « bankables »… 

À partir du moment où les auteurs proposent des textes gratuitement, ils contribuent à fragiliser l’industrie du livre et donc à diminuer leurs propres revenus.

Pauvres auteurs me direz-vous. Mais ils sont également responsables de cette situation. À partir du moment où les auteurs proposent des textes gratuitement, ils contribuent à fragiliser l’industrie du livre et donc à diminuer leurs propres revenus (pour rappel, je considère que la gratuité est la pire ennemie de l’auteur indé). Un lecteur qui est en mesure de lire des textes gratuitement n’achètera plus de livre. Je caricature, mais il en achètera moins car il trouvera qu’ils sont trop chers (et en tant que lecteurs, ne sommes-nous pas les premiers à effectivement les trouver trop chers ?). Or, moins de livres qui se vendent, c’est moins de revenus pour les auteurs. 

Que faire ?

Si vous voulez vivre de vos écrits, vendez énormément de livres, pendant longtemps, ou écrivez un best-seller qui se vendra durant des décennies. Et évidemment, le plus tôt est le mieux.

Il n’y a pas de gâteau à se partager, des revenus « justes », un complot des éditeurs contre les auteurs. 

Si vous ne gagnez pas votre vie avec la vente de vos livres, ne désespérez pas, c’est tout à fait normal. Et ça ne vous empêchera pas de continuer à écrire.

Clavier ordi

Photo de Nana B. Agyel (CC-BY-NC-ND)


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