Better Call Saul, la très attendue petite soeur de Breaking Bad, a débarqué en début d'année sur Netflix. Bonne série ou déception ? Critique des dix épisodes de la saison 1 !
Better Call Saul c'est l'histoire de Jimmy McGill (Bob Odenkirk : Nebraska, How I Met Your Mother), autrement connu sous le nom de Saul Goodman par les amateurs de Breaking Bad, un petit avocat commis d'office d'Albuquerque, fauché et un brin magouilleur, qui a du mal à trouver des clients. Jimmy est en effet en concurrence permanente avec un cabinet détenu par Hamlin (Patrick Fabian), un homme qu'il déteste, pour qui il a travaillé et qui a tendance à lui rafler ses rares clients. Au niveau familial Jimmy a un frère, Chuck (Michael McKean), un grand avocat qui travaillait pour le cabinet Hamlin et qui en détenait une partie. Malheureusement, Chuck est malade et a provisoirement quitté son emploi pour vivre reclus chez lui, victime d'une intolérance aux ondes électromagnétiques. Un jour, alors que Jimmy semble avoir choisi une spécialité (le droit des seniors), il dégotte l'énorme affaire Kettleman. Les ennuis, qui étaient déjà bien présents dans la vie du héros de Better Call Saul, ne sont pas prêt d'en finir...
Better Call Saul se déroule six ans avant Breaking Bad, avant que Jimmy ne devienne Saul, l'avocat de Walter White et Jesse. Toute la trame de Better Call Saul consiste à raconter comment l'avocat va peu à peu sombrer du côté (obscur) de l'illégalité et devenir le Saul Goodman de Breaking Bad.
Pour beaucoup, Breaking Bad est une des meilleures séries sinon la meilleure série qu'il leur ait été donné de regarder. Autant dire que quand l'annonce du lancement d'un spin-off de Breaking Bad a été faite, l'attente suscitée chez les fans fut aussi grande que la crainte de voir émerger une énième série dérivée ratée uniquement destinée à surfer sur la vague du succès de son aînée. Fort heureusement, Better Call Saul réussit le pari de ne pas se planter. Better Call Saul est une nouvelle fois prise en main par les créateurs de Breaking Bad, Vince Gilligan et Peter Gould, qui n'ont plus à prouver leur talent. Il y a certes de nombreux et inévitables rapprochement et clins d'œil vis-à-vis de la série originelle mais Better Call Saul parvient à exister par elle-même et à développer son propre récit. Pas besoin donc de voir Breaking bad pour comprendre et s'immerger dans son préquel... et c'est plutôt une bonne nouvelle.
Les personnages, le point fort de Better Call Saul
La plus grande force de Better Call Saul semble résider dans ses personnages dont le traitement est très intéressant. En premier lieu nous avons bien sûr Jimmy McGill, un avocat un peu looser et paumé que l'on ne peut s'empêcher d'aimer. Il est tantôt pathétique, tantôt drôle, tantôt touchant. Jimmy est le parfait anti-héros, un protagoniste presque banal qui ne possède pas de qualités exceptionnelles mais qui devient attachant par son humanité et ses faiblesses. On a autant envie d'en apprendre davantage sur ce qu'il va devenir et comment cela va se dérouler, que sur son passé. En effet, si la série raconte comment il va se tourner vers l'illégalité, elle évoque aussi le passé trouble de Jimmy qui aurait notamment fait un petit tour en prison avant de devenir avocat. Le spectateur s'interroge sur le personnage central de Better Call Saul, a envie d'en savoir plus, mais les informations sont données de manière ponctuelle. Il va falloir être patient pour tout découvrir. Tout au long de la saison 1, Jimmy se cherche, il a des choses à prouver mais malgré sa bonne volonté, il se heurte à de nombreux obstacles et de nombreuses désillusions. Du début à la fin de la saison 1 de Better Call Saul, des changements s'opèrent déjà en lui...
Chuck, le frère de Jimmy est un protagoniste tout aussi fascinant. Il cache son jeu vis à vis du héros de Better Call Saul et on a très envie d'en savoir plus sur son étrange maladie qui semble avoir une origine psychologique. Quant à Mike Ehrmantraut (Jonathan Banks), qui n'est au début qu'un simple gardien de parking qui a le don de rendre fou Jimmy par son intransigeance, aurait un passé nettement plus complexe qu'il n'y paraît de prime abord. De son côté, Kim Wexler (Rhea Seehorn), une avocate du cabinet Hamlin, est partagée entre son travail et son amitié (ambigüe?) avec Jimmy. Au final, chacun d'entre eux suscite l'intérêt du spectateur, il n'y a pas de personnages que l'on pourrait qualifier de faibles en comparaison des autres.
Les personnages de Better Call Saul, tout comme les relations qu'ils entretiennent soulèvent des questionnements. C'est ce qui fait l'essence de la série. Plus que les faits, ce sont les personnages et l'évolution de leur psychologie qui intéressent. Pourquoi la relation entre Hamlin et Jimmy est-elle aussi houleuse et conflictuelle? Pourquoi Jimmy semble t-il si soucieux de prouver sa valeur à son frère? Quelle est le parcours de Mike? Qu'est-ce qui se passe dans la tête de Chuck? Dans Better Call Saul, ces interrogations et bien d'autres nous tiennent en haleine.
Le style Better Call Saul
Tout d'abord, Better Call Saul est une série qui sait prendre son temps sans pour autant être ennuyeuse. Les choses se mettent en place doucement mais sûrement. C'est d'ailleurs cela qui donne tout son piquant à la première saison. Les informations sont révélées progressivement de manière à nous dévoiler des éléments significatifs tout en nous laissant une soif d'en savoir plus. Better Call Saul parvient sans nul doute à captiver avec brio. A chaque épisode qui passe, on nous donne envie de visionner le suivant.
Par ailleurs, tout comme Breaking Bad, Better Caul Saul bénéficie d'une mise en scène et d'une réalisation remarquable. L'épisode 1 donne le ton dès les premières minutes en s'ouvrant sur une séquence en noir et blanc reflétant une vie dans laquelle Jimmy est un employé de restauration rapide désabusé, nostalgique et amer. Il n'a rien de la superbe de Saul Goodman, c'est un homme transparent, terne et triste (d'où le choix du noir et blanc). La mise en scène fait transparaître la solitude et la mélancolie de Jimmy en se concentrant sur des objets plutôt que sur lui ou en le plaçant au centre de plans larges qui le diminuent ou le font presque disparaître, comme perdu parmi ces objets banals qui l'entourent. Le vide et le désespoir sont palpables. Il est même filmé de manière floue lorsqu'il regarde d'anciennes vidéos promotionnelles de lui, de l'époque où il était avocat. Jimmy (ou Saul), n'est plus que l'ombre de lui même quand s'ouvre Better Call Saul. La série se déroule ensuite comme un immense flashback (en couleur) de cette époque sinistre. Vince Gilligan et Peter Gould frappent donc fort niveau mise en scène dès l'ouverture de la série. Pour qui ne connaît pas le style des deux créateurs, cette mise en scène interpelle d'emblée par sa qualité. La scène suivant le générique est également un modèle du genre : absence de musique mettant en exergue les sons ambiants permettant ainsi de créer d'emblée une atmosphère d'attente pesante. Le visage de Jimmy McGill ne sera révélé dans cette seconde partie que lorsqu'il apparaîtra à la barre du tribunal dans lequel il plaide. N'oublions pas que Jimmy est un avocat avant tout et qu'il n'a de cesse de l'asséner et de tenter de convaincre son entourage qu'il en est bien un.
Outre la mise en scène réussie, l'humour est également une composante importante de Better Call Saul. Le personnage en lui-même, de par sa nature, invite à rire. L'humour comme élément significatif de cette nouvelle série était d'ailleurs un objectif annoncé dès le départ par ses créateurs. Dès le premier épisode il y a des passages croustillants qui ne manqueront pas de faire rire. Par exemple, Mike, le gardien de parking qui fait monter la pression artérielle de Jimmy à chaque fois qu'il passe son point de contrôle, est très drôle. Et si on pouvait craindre que le running gag ne soit utilisé trop longtemps, on remarque que les scénaristes ont su s'arrêter à temps pour ne pas en faire un ressort comique lassant. Malgré tout, force est de reconnaître que si la série mêle habilement situations cocasses et drames, elle n'est pas aussi drôle que ce à quoi je m'attendais. Le drame est nettement plus présent que ce que pouvaient laisser présager les bandes annonces.
Une série prometteuse qui cherche ses marques
Vous l'avez compris, Better Call Saul m'a plu d'emblée. Malgré tout, à l'instar de son personnage central, il semble qu'elle se cherche encore un peu. Jimmy ne sait pas encore exactement ce qu'il veut, il tâtonne. Le spectateur attend de voir quels choix il va faire, de voir où tout cela va l'emmener. Il en est de même pour la série : au début on ne voit pas bien où tout cela va nous mener mais au fur et à mesure de l'avancée de la saison, l'intrigue s'étoffe et semble trouver un fil directeur plus solide mais pas encore totalement au point. J'ai la sensation que Better Call Saul est en train de se déployer progressivement, qu'elle est en train de mettre des choses en place en vue de la suite. Nul doute que Better Call Saul est une série prometteuse et en devenir qui n'a pas fini de nous tenir en haleine. La preuve à la fin de l'épisode 10 où, comme à son habitude, elle nous laisse sur notre faim en nous faisant imaginer de nombreuses perspectives. Que va t-il bien pouvoir se passer en saison 2?
Pour conclure, Better Call Saul est une excellente série, qui sait patiemment captiver le spectateur. C'est bien une série à part entière et prometteuse, qui a sa propre identité malgré le fait qu'on y retrouve des éléments et des personnages communs avec Breaking Bad. Better Call Saul est une série qui a besoin de temps et qui ne demande qu'à se développer davantage pour révéler tout son potentiel. C'est avec curiosité que j'attends de voir la saison 2. On se donne donc rendez-vous pour une prochaine critique du second volet des aventures de Jimmy McGill alias Saul Goodman dans Better Call Saul.
Pour en savoir plus sur Better Call Saul : Télérama, Le Monde, Braindamaged.fr et L'express.