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{HUMEUR} Du Passé au Présent

Par Tsilia
Il y a 14 ans, le jour où j’ai décidé de ne plus le voir, j’avais une boule au ventre.
Je ne l’ai pas fait sur un coup de tête. Ce n’était pas non plus un caprice d’adolescente. C’était réfléchit, j’y pensais depuis 4 ans déjà. Et ce besoin d’éloignement est devenu urgent. Urgent et vital. Alors je l’ai fait.
J’avais 17 ans, j’étais jeune, immature, capricieuse, tout ce qu’on veut, j’ai tout entendu. Mais surtout, j’avais une écharde énorme dans le cœur. Alors, je l’ai arraché et j’ai décidé de ne plus voir mon père.
Je passe les détails, ils n’ont aucune importance. Des années d’ignorance, de silence, de souffrance, à vivre avec un trou noir dans le cœur à la place de l’écharde.
En juillet 2013, je lui ai envoyé une carte pour annoncer ma grossesse. Rien, aucune réponse. En fin d’année 2013, je lui annonce la naissance de ma Doudou. J’ai reçu une invitation à venir le voir.
Alors, il y a un peu plus d’un an, c’était en février 2014, j’ai conduis jusque chez mon père, avec une boule au ventre.
Tous le trajet j’ai serré les dents et tremblé de partout. Quelques mètres avant, j’ai dû m’arrêter de rouler. Je suffoquais. Comme avant, comme pendant ces longues années à devoir venir un week-end sur deux. J’ai voulu faire demi-tour. Mais ma puce a ouvert les yeux, et je me suis souvenue pourquoi j’étais ici, sur ce chemin à 5m de chez mon père. J’étais ici pour elle. Elle m’a donné la force et le courage.
J’étais là, je l’ai fait, je suis revenue, 14 ans après. Je lui ai présenté ma fille, sa petite-fille. J’ai cru exploser dix fois. J’ai voulu tout cassé pendant un silence trop long. Je me suis revenue gamine, anxieuse sur un coin de canapé. Je n’étais pas à l’aise, ma fille a beaucoup pleuré les larmes que je retenais moi-même. Mais je l’ai fait, nous l’avons fait. Elle et moi.
Je ne sais pas si c’est bien, si c’est mal. C’est là, c’est tout.
Depuis, il y a des jours où je me demande à quoi ça rime. Il y a des soirs où je suis en colère. En colère contre toutes ces années de silence. Coutre toutes ses questions sans réponse. Contre son ignorance, ses maladresses d’adulte face à ma fragilité d’enfant. En colère pour mon frère, celui qu’il ne reverra certainement jamais. Celui qui ne comprend pas pourquoi j’y retourne.
Et puis, les autres jours, je me dis que c’est bien pour ma Doudou, bien qu’elle est au moins un grand-père.
Je ne sais pas où va ce chemin. Je ne sais pas jusqu’ou il va. On se voit deux fois par an. On ne parle pas du passé. On ne parle pas de l’avenir non plus. On ne parle qu’au présent. Ya des non-dits, des douleurs qui tournent autour de nous, beaucoup de rancœur. De colère.
Je ne pardonne pas. Jamais. Le passé est passé et reste inchangé à jamais. Et le possible pardon appartient à un temps révolu, à cette époque où il aurait pu changer les choses. Ou il aurait dû faire un pas.
Mais j’avance quand même sur le chemin. A tâtons, avec beaucoup de prudence et un énorme bouclier presque trop lourd pour moi. Mais j’avance. Pour Elle.
Toujours pour Elle.

photo doudou et papi

Décembre 2014


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