Clef de dimanche
une clef luit dans la lumière du dimanche matin.
voyageur qui revient dans la nuit ne trouve pas de maison.
le déclic dans la serrure ne ressemble pas
au heurt à la porte, une adresse en rêve serait plus sûre.
à vélo je descends la rue, soudain les phares
s’éteignent. au ciel étoilé une main
freine la roue, glissement
d’une seconde, j’entends la clef tomber.
scintille au soleil l’anneau d’un temps révolu.
je le ramasse, mais la main dissimulée
où reste-t-elle ? six jours jusqu’au samedi
verrouillés, et je ne sais lequel ouvrir.
aujourd’hui c’est dimanche. toutes portes
étrangement sont béantes. je jette les clefs.
pour entrer plus besoin de frapper.
quelle foule en ce monde et personne à la maison.
Extrait de Ouyang Jianghe : Chóng ying / Doubled Shadows, Hong Kong University Press 2012. Traduit du chinois par Jean-René Lassalle, avec le texte original chinois et des traductions anglaises et allemandes.
Arme à main
une arme à main peut être démontée
pour gagner deux objets distincts
une main plus une arme
l’arme, prolongée, peut devenir faction
la main, noircie, sera parti aussi
d’est en ouest se déconstruisent les ob-jets
toujours plus loin jusqu’aux rejets disjoints
dans l’infinie décomposition des signes le monde se divise
on quête l’amour par un oeil
du deuxième on emplit le barillet
balles qui lorgnent
un nez vise la chambre de l’ennemi
négociation dévie à gauche
quelqu’un tire vers l’est
à l’ouest un autre s’effondre
mafieuse main noire enfile blanc gant
phalangiste troque canon long contre canon court
l’éternelle vénus repose dans la pierre
sa main se refuse aux humains
ouvre deux clapets dans ses seins
découvre deux balles, une arme
qui déclenchée se transforme en jouet
et un meurtre en feu manqué
Extrait de Ouyang Jianghe : Chóng ying / Doubled Shadows, Hong Kong University Press 2012. Traduit du chinois par Jean-René Lassalle, avec le texte original chinois et des traductions anglaises et allemandes.
L’usine de verre (5)
dans cette usine je vois trois qualités de verre :
substance, ornement, symbole.
ils me disent que le père du verre est un tas de pierres.
dans le vide de pierre la mort ne finit pas,
elle est un fait original, métamorphosable.
à pierre qui se dissout, le verre naît.
c’est une réalité mais il en est une autre
qui m’emporte dans les hauteurs d’un monde
où le verre n’est qu’eau ou plutôt
fluide en prise, ossaturant, inrépandable,
où la flamme glace l’os,
où la beauté est si facilement brisable.
toutes les simples choses élevées de cette terre jusqu’aux
larmes des choses.
Extrait de Ouyang Jianghe : Chóng ying / Doubled Shadows, Hong Kong University Press 2012. Traduit du chinois par Jean-René Lassalle, avec le texte original chinois et des traductions anglaises et allemandes.
bio-bibliographie de Ouyang Jianghe