Sylvie Fabre G. publie tombées des lèvres aux éditions de l’Escampette/
Elle recouvre la vraie voie de l’absence,
efface le toucher, les odeurs et les bruits
à la mesure d’un silence purifié
aux neufs sursauts du sens.
Où es-tu ? L’appel, la réponse :
Elle est là Anne Livia,
dans les yeux mordorés où s’abiment
la fleur, la lucane et la flaque,
elle est là. Dans la lune
une petite fille retourne l’instant,
en surface n’écoute plus
(personne quand la voix du dedans mène
sa sarabande jusqu’au plus perdu)
émigre, les yeux et les lèvres
comme pour s’oublier : Où es-tu ?
Anna Livia n’est plus là,
l’absence est un cache-cache avec le moi,
muette solitude de petite fille traversière,
vingt mois, sans âge,
et le père ne possède que le fol vœu :
ensemble
Les choses sauvées du temps retrouvent
le visible : chaise, livres, jouets
s’ébrouent, il y a vingt ans et plus
ceux qui précèdent les avaient laissés.
L’enfance est si courte
mais chaque enfance la ramène
de l’abandon où elle est restée
sur l’étagère de la cave,
dans le placard de la chambre,
au fond d’une allée du jardin,
sur le muret longeant lela rue du quartier
ou le bord déserté de la plage.
D’enracinement en passage,
la ruine, le tri, l’oubli.
Toujours perdue, jamais quittée,
l’enfance attend patiente,
et sûrement sans nostalgie,
les yeux et les mains qui la refont
(saisie tremblante)
et souffrent, et aiment, et serrent
encore sur le corps, sur le cœur,
les choses semées qui se taisent
dans l’exil incommensurable
où tous s’élancent.
Sylvie Fabre G., tombées des lèvres, L’Escampette éditions, 2015, pp. 30 et 34.