« Il n’est point rare qu’au détour d’une conversation en compagnie d’une chef traditionnel Téké, celui-ci vous entraine dans l’énigme historique du "collier du roi". Pus d’une siècle après les faits, la disparition de cet attribut royal demeure un formidable sujet de spéculation et, à la fois, une source de méditation et d’interrogation au sein de la communauté Téké. »
L’histoire du peuple Téké. Voici un sujet qui, à ma grande surprise, ne cesse de m’intéresser. La grandeur et la décadence de ce peuple Téké qui, il y a encore 200 ans, dominait un territoire qui s’entend sur une grande partie de ce que sont aujourd’hui ; le Congo (Brazzaville), le Congo (Kinshasa), le Gabon et la Centre-Afrique. Deux cent ans de grandeur et décadence, dont l’aspect la plus symbolique aujourd’hui est la plus risible. A Brazzaville, grande ville Téké appelé Mfoa, il n’y a aucun ressortissant Téké qui peut se prévaloir de posséder un grand domaine, une grande propriété terrienne, qui montre que la terre a bien appartenu à ses ancêtres. En fait, les Tékés ont été balayés de leurs terres. Non, les Tékés se sont exclus de l’histoire en escamotant leurs terres, en seulement quatre générations. Il faut croire que les péchés originels des chefs Tékés ont rejailli sur leur descendant sous la forme d’une malédiction : la fièvre de la dilapidation de l’héritage familiale.
Juste pour rappel ; le Makoko Iloo 1er est celui qui signa, contre des bibelots scintillant venus de France, un traité de "protection" par la France avec Savorgnan de Brazza. Pendant ce temps, faisant sécession avec le roi, le vassal Ngaliéma qui dominait – sous le mandat du Makoko – l’autre partie du fleuve (Kinshasa), se vendait à Stanley, au profit du roi Léopold. La suite de l’histoire…
Bref, l’histoire de ce peuple Téké me fascine de plus en plus et ce très court récit d’Eugénie Mouayini Opou sur "L’incroyable histoire du collier du roi Makoko de Mbé", vient rajouter une pierre à l’édifice de connaissance que je tente de me construire.
Eugénie Mouayini Opou n’est pas une romancière. Dans ce récit, elle tente de mettre à l’écrit une histoire que ce sont passées, de génération en génération, les roi Tékés (les Makoko) qui se sont succédé depuis la perte de l’emblème du pouvoir royal qu’est le collier du Makoko. Ce récit est motivé par l’écrivaine par ces mots : « … la tradition orale à sa limite : celle qu’un jour on n’entende plus jamais parler du collier du roi. C’est pourquoi, je vais m’appuyer sur la tradition écrite qui nous apprend que les paroles s’envolent et les écrits restent, pour graver cette histoire sur une pierre de marbre. »
Nous lisons les conditions, rocambolesques, dans lesquels le collier fut pris au Makoko Mbaa Ndièlè en 1892, mais aussi, au travers le récit fait à l’auteur par l’actuel Makoko, nous avons la description de certains rites Tékés, des manifestations du pouvoir des Makoko. Et surtout, nous avons le récit, pathétique, de la perte du pouvoir. Je ne sais pas à quel point le passage de l’histoire par le bouche à oreille a corrompu la vérité, mais si la légendaire tradition orale a été efficace du côté Téké, ça donne le frisson dans le dos de voir combien d’hommes et de femmes ont succombé juste par l’incompétence de traducteur et l’incapacité des peuples à se comprendre.
Petit récit, écrit de façon agréable et dynamique par madame OPOU, sans fioriture, mais une envie palpable de l’auteure de transmettre de la façon la plus clair possible une partie de l’histoire de son peuple.
"… cette interprétation de la situation ne fut pas la même dans le camp du roi : les sujets du roi étaient convaincus que la troupe avait profité de leur défaite pour enlever le roi et le déporter en un lieu inconnu. Plus que jamais le roi était en danger ! Conscients de cet état de fait, mais anéantis par l’échec cuisant qu’ils venaient de subir, les sujets du roi n’eurent plus que leurs yeux pour pleurer et implorer la grâce du Tout-Puissant et de Nkoué Mbali pour que le roi soit de retour, sain et sauf parmi les siens…"
Ah oui, autre sujet de réflexion… il faudrait vraiment qu’un jour le musée du quai Branly restitue, à leur propriétaires, un certains nombres de leur trésors culturels. On peut toujours rêver.
L’incroyable histoire du collier du roi Makoko de Mbé
Eugénie Mouayini OPOU
Éditions Les manguiers