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[CANNES 2015] Le fils de Saul : l’uppercut de László Nemes

Publié le 15 mai 2015 par Tempscritiques @tournezcoupez

Le fils de Saul, première réalisation de László Nemes, a été présenté aujourd’hui à Cannes. Un film fort et essentiel, qui a ému le jury et secoué les spectateurs.

Le fils de saul, de Laszlo Nemes

Comme nous le disions mercredi, il y a parfois des œuvres que nous n’attendons pas, et qui arrivent, comme un uppercut, nous frapper en pleine face. Des surprises comme celles-ci, il y en a quasiment chaque année à Cannes. László Nemes, réalisateur et scénariste hongrois, présentait aujourd’hui en compétition son tout premier long-métrage. Ce passage sur la Croisette n’est passé inaperçu pour personne, et pourrait bien servir de tremplin au réalisateur. Depuis la fin d’après-midi, plus précisément depuis la sortie de projection, les médias et les festivaliers évoquent sans retenue l’œuvre forte du cinéaste.

Le fils de Saul remonte le temps et l’Histoire pour pénétrer les camps d’extermination, et s’imprégner de l’horreur de la Shoah. Le cinéaste, qui assistait en 2007 Béla Tarr, opte pour un climat austère, et tente tout pour extirper le spectateur de son petit confort. Tout d’abord, en optant pour un format étroit, presque carré, qui étrique ainsi les personnages, en particulier Saul,  prisonnier d’un camp d’extermination, et parfaitement endossé par le poète hongrois Géza Röhrig. La caméra suit donc l’acteur, collée au plus près de son visage, sans distance, et sans donner la moindre profondeur de champ. L’arrière-plan n’est, sauf exception, jamais rendu net, et l’horreur qui s’y déroule est donc plus souvent suggérée que réellement montrée. L’œil du cinéaste n’est donc jamais voyeur, et parvient alors à conserver un peu de pudeur. Toutefois, László Nemes n’entend pas pour autant nous préserver, et n’oublie pas la gravité de son sujet et de l’ambiance dans laquelle baigne son film. C’est donc avec un jeu habile sur la bande-son que le réalisateur nous imprègne, sans concession, de l’atmosphère moite et pesante des camps. Dès les premières minutes, il nous immerge dans l’horreur en filmant l’arrivée angoissante aux douches et en mettant en scène l’exécution glaciale, dans les chambres à gaz.

Le fils de Saul

Le fils de Saul est, en quelques sortes, un film de survie, où le personnage principal, Saul, s’acharne à vouloir enterrer dans la coutume juive le cadavre d’un jeune garçon ramassé dans une chambre à gaz, et qu’il reconnaît comme son fils. Pour atteindre son but, il cherche de l’aide auprès des religieux juifs et des autres détenus, mais se retrouve finalement confronté à l’instinct de survie de tous et à la fragmentation de sa propre communauté. László Nemes apporte ici un point de vue différent sur les camps d’extermination nazis, et dépeint avec un réalisme saisissant et dur ce qu’ils étaient vraiment, vus de l’intérieur. La visée de l’œuvre reste néanmoins sincère : par son aspect brut et âpre, le cinéaste ne cherche pas à émouvoir, mais plutôt à décortiquer les réactions humaines face aux situations extrêmes, et brusquer le public en lui rappelant ainsi le devoir de ne jamais oublier. Le but est atteint. Le malaise échappant de cette œuvre, nécessaire et essentielle, continue de nous habiter bien longtemps après la dernière image. Le fils de Saul, désormais grand favori au palmarès cannois, est bien l’un de ces films puissants, un de ces fameux uppercuts qui nous surprennent et que l’on aime recevoir.

Son of saul (poster)


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