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L’éloge de la tristesse…

Publié le 20 mai 2015 par Swann

Tristesse : n.f. État de quelqu’un qui éprouve du chagrin, de la mélancolie. Affliction.

Sans être une personne fondamentalement triste, (je préfère dire mélancolique, ce qui revient à peu près au même, à la nuance près, que la mélancolie est de la tristesse joyeuse), je suis fascinée par ce sentiment. J’estime qu’il est l’un des plus beaux moteurs créatifs. Dans n’importe quel domaine artistique. Dans la musique, le sentiment triste est quasiment omniprésent. C’est la tristesse, née d’une douleur, d’une perte ou d’une rupture, qui nourrit l’inspiration de la plupart des chansons. Et souvent, même toujours, c’est le point de départ des plus grandes chansons. Musset disait que « les chants les plus désespérés sont les plus beaux »

Ce rapport à la tristesse, c’est un thème que j’aborde souvent avec les artistes que je rencontre. Est-ce plus facile à écrire ? Se sentent-ils mieux ? Quel rapport entretiennent-ils avec la tristesse ? Voici donc un portrait de la tristesse, vue par les artistes.

DAMIEN RICE : Les chansons tristes, ce sont comme les déchets que le corps expulse, ce sont les choses qu’on a besoin d’exprimer, de faire sortir de nous. Ce qui est considéré comme de la tristesse, c’est du relief pour moi. Je trouve une sorte de joie dedans. C’est bizarre.

ASAF AVIDAN : C’est beau et pathétique en même temps mais oui, je pense qu’il y a un mécanisme dans la façon de créer l’art qui se nourrit de la tristesse. Et, il y a de la beauté… Pour moi, d’habitude, une chanson pop est une chanson heureuse, et une chanson artistique sera plus dépressive… Une chanson pop est là pour te divertir, pour te faire échapper de ta journée, de ta réalité, elles sont fun. Et c’est cool, mais il n’y a pas d’honnêteté dedans. Tu vois, quand tu écoutes une chanson de Leonard Cohen, c’est vraiment dépressif, mais il met tellement d’intensité dans ses chansons que tu te sens presque légitime à être déprimé en l’écoutant. C’est assez fascinant, en fait…

BRIAN MOLKO : J’ai le sentiment d’être très en vie en écoutant des chansons tristes car elles provoquent des émotions très fortes, comme avec cette chanson des Beatles, Yer Blues écrite par John Lennon. C’est une chanson extrêmement triste, complètement déprimée, mais la musique est assez violente, du blues hard qui laisse échapper plein de frustration et de colère. Ça vient forcément avec la tristesse.

AUDEN : C’est le cœur qui est touché en premier quand j’écoute des chansons tristes

JAMES VINCENT MCMORROW : J’écris des chansons pour éclairer quelques aspects de la vie que j’aurais peut-être choisi d’ignorer autrement, et c’est sans doute pour ça que mes chansons prennent un ton légèrement tristes et sombres. Signifie-t-il que je ressemble à ça dans la réalité ? Non pas vraiment. Je ne me considère pas comme une personne assez optimiste, enfin je veux dire que je ne suis pas la personne la plus forte du monde ou quoi que ce soit. On dit que je suis toujours l’avis qu’on devrait toujours suivre sérieusement, mais qu’on ne suit jamais !

ASAF AVIDAN : Ecrire des chansons de rupture est une bonne chose d’un point de vue psychologique et philosophique. Tu t’exprimes sur des gros sujets, comme l’amour ou la mort mais c’est la même chose, c’est personnel, c’est ton interprétation des choses. Pour moi, le point le plus important dans le processus artistique c’est l’honnêteté. Une personne vraiment honnête, celui qui fait face à la réalité de son existence, aura toujours quelque chose de triste… Rien que le fait d’être sur terre pour un jour mourir, c’est nul. Ça craint! (rires). Je ne parle même pas des cœurs brisés, de la maladie, des moments difficiles de la vie…

ELLIOT MAGINOT : Non, je ne dirais pas que c’est plus simple à écrire… J’aurais tendance à dire qu’on ne choisit pas vraiment le genre de chansons qu’on écrit. Ou peut-être que je dis n’importe quoi. Mais je sais que chaque fois que j’ai tenté d’écrire une chansons’ plus comme ceci ou plus comme cela’ c’était nul et faux… Bien sûr que j’ai un genre d’écriture qui tend vers la mélancolie mais ce n’est pas une fatalité. Et j’avoue qu’en tant que consommateur de musique, j’ai tendance à aller vers les trucs un peu plus sombres ou tristes.

BABX : Dans mon cas il s’avère que oui… Mes chansons légères et joyeuses doivent se compter sur les doigts d’un moignon. En fait je me suis demandé pourquoi je n’écrivais jamais de chansons gaies et guillerettes et j’ai trouvé deux raisons : je n’écoute rien de gai et guilleret, genre Charles Trenet ça m’emmerde pourtant je trouve ça cool les chansons guillerettes mais j’en n’écoute pas, j’ai besoin de retrouver une espèce de recueillement dans la musique. L’autre raison c’est que quand je suis gai c’est que je suis généralement avec mes potes, que je profite de la vie et j’ai pas envie d’écrire une chanson.

JOSEPH MOUNT : Attention, je ne suis pas un garçon triste et mélancolique ! C’est juste ma musique qui l’est. C’est la musique que j’aime faire et elle ne reflète pas forcément ma personnalité. L’ambiance est mélancolique mais on peut quand même danser sur les chansons. Parfois en tout cas ! (rires) C’est la preuve que l’on peut danser sur des chansons tristes.

PETER PETER : La tristesse, c’est comme la mélancolie, c’est un sentiment assez bourgeois, si tu vas dans un milieu défavorisé où les gens ne mangent pas à leur faim et tu reviens chez toi, tu vois les choses autrement… En même temps, la tristesse, c’est un concept intéressant. J’ai dédié ma vie à ça, à la tristesse, en faisant des albums de chansons tristes… J’imagine ça comme un exutoire.

JULIEN DORE : Ce n’est pas trop loin de la mélancolie, c’est le stade juste après. C’est comme la colère, c’est des vagues : ça va, ça vient. Je ne sais pas trop quoi en penser. Comme tout le monde je la traverse et c’est bon pour mon travail. Je ne crois pas que c’est un sentiment qui nourrit la musique, même si ça été le cas pour cet album. Ce n’est pas une règle.

BRIAN MOLKO (Placebo) : Les chansons les plus tristes sont les chansons les plus tendres, mais pas toujours. Les plus belles, c’est extrêmement subjectifs et ça dépend de ce qu’on trouve beau. Personnellement, ce sont les chansons tristes et les airs mélancoliques qui me touchent le plus, mais d’une façon très positive.

BABX : Quand j’écris, en général, c’est pour parler de ce que je cache sous le tapis, c’est laisser parler le côté obscur que tu n’exploites pas au quotidien avec tes potes. Certains ont besoin de marcher, entrer en communion avec les éléments, moi c’est écrire des chansons.

ETIENNE DAHO : Même si l’enregistrement a été très joyeux, j’ai parfois l’impression d’être dépassé par mes chansons, comme si elles avaient juste utilisé nos corps pour exister. Quand je les écoutes, j’ai l’impression qu’elles ne sont pas de moi.

ALELA DIANE : Je pense qu’en ce qui me concerne, beaucoup des chansons viennent d’une partie de moi nostalgique. Elles parlent du fait qu’il ne faut pas regarder vers le passé. Je crois que je chante ces chansons et que je les laisse sur scène. Je ne me laisse pas assombrir par des chansons qui parlent de périodes difficiles de ma vie. Je ne sais pas trop, je crois que je suis capable de faire le show, de ressentir toutes ces émotions sur scène mais de ne pas les laisser repartir avec moi.

DAMIEN RICE : Si on n’a pas une part d’ombre on ne voit jamais la lumière. L’obscurité, la partie sombre, tout ça, c’est quelque chose de très subjectif, ça dépend de chaque personne. Je ne suis pas contre le fait d’être au fond du trou, juste assez pour me sentir perdu. (Silence) Parfois de belles chansons sont sorties quand j’étais au plus mal.

ADRIEN GALLO : J’imagine que tout le monde possède un côté sombre, ça peut être l’angoisse, la peur, la dépression, le burn-out…Ce sont des sentiments que j’ai ressenti. La musique a un côté cathartique, comme le théâtre, le cinéma. C’est une façon positive de sortir la violence que l’on a en soi, le stress, la nostalgie. Oui, c’est une vertu.

JULIEN DORE : Peut-être qu’un jour, je ferai un album super heureux. J’espère ne pas croiser cette vague trop souvent, et j’espère que ce ne sera pas toujours une source pour créer quoique ce soit. Je ne veux pas y croire.


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