"On est tout à fait un Homme social, digne de ce nom, que si l'on a une patrie qui vous soit propre et que nul ne vous puisse contester. Le plus souvent, on naît dans une patrie; mais souvent aussi, il faut, hélas, la conquérir"
-Jacques Madaule
C'est cette citation qui ouvre le livre Option Québec, signé des mains (et pensé) par Roch Banville, Rosaire Beaule, Gérard Bélanger, Jean R.Boivin, Marc Brière, Pothier Ferland, Maurice Jobin, René Lévesque, Monique Marchand, Guy Pelletier et Réginald Savoie. J'ai toujours eu ce petit manifeste de 173 pages, acheté 2$ par mes parents en 1968. Mais je l'avoue, je ne l'ai jamais lu. Je vais le faire bientôt.
Car si je crois en la première phrase de Jacques Madaule en citation. je ne crois pas du tout en la deuxième, en tout cas pas aux 8 derniers mots.
Conquérir? Allons donc! Les ennemis de 68, (les anglos) ne sont pas les nôtres aujourd'hui. Le contexte a nettement changé. Ma génération n'a jamais été aussi riche que la précédente et le manque d'assurances sur les lendemains d'une souveraineté ne convainc plus les gens de mon âge.
Comment garantir que l'on serait capable de gérer la construction d'un pays alors qu'on peine à gérer la construction d'un stade olympique, la construction d'un super hôpital ou le monde de la construction en général?
IMPOSSIBLE que nous soyons aussi riches une fois souverains.
Alors quand on est pauvre...
Option Québec expliquait pas A+B dans une plaquette de 173 pages pourquoi l'idée de l'indépendance du Québec par rapport au Canada pouvait être séduisante.
Et elle le fût.
Beaucoup. L'est encore,
En octobre 1968, le Mouvement Souveraineté Association de René Lévesque, peuplé surtout de Montréalais qui sont aussi des transfuges désenchantés du Parti Libéral de Jean Lesage, le Ralliement National de Gilles Grégoire, peuplé d'ex-créditistes, tout aussi nationalistes que les gens du MSA et le Rassemblement pour l'Indépendance Nationale de Bourgault (plus difficilement celui-là) fusionnent et deviendront le Parti Québécois.
Le parti sera au pouvoir de 1976 à 1985, de 1994 à 2003. puis de 2012 à 2014. 4 Chefs auront gouverné la province, deux auront officiellement tenté de le gagner par référendum ce pays, sans succès. et les quatre autres n'auront jamais été élu chef de la province, le dernier étant de toute façon trop neuf encore.
Regards sur 8 chefs bleus:
René Lévesque (1968 à 1985) bleu saphir.
Animateur de radio, journaliste, correspondant de guerre, animateur/vulgarisateur de la scène politique internationale à la télévision, René était déjà un incroyable communicateur animé d'une vision internationale pour un peuple qu'il voyait, sentait, et savait grand avant de verser dans la politique. Il a été une grande inspiration pour les gens que nous sommes, tout parti confondu. Mais tout comme les meilleurs artistes, il était aussi naïf. Il s'est fait parfaitement roulé quand poignardé dans le dos dans la nuit des longs couteaux avec l'acte de constitution de 1982, alors qu'il avait convaincu tout le monde le jour même que les exigences de Pierre Eliott Trudeau étaient jugées inacceptables. Trudeau en bon lâche, envoie son valet de pisse (Chrétien) pour aller négocier les appuis des Premiers ministres que Lévesque avait convaincu. Dans un autre épisode crève-coeur, son bras droit et ami Claude Morin le trahit en confessant à peu près tout ce qui se trame au PQ à la GRC en secret. René offre le premier référendum au peuple Québécois, le perd et s'en remettra très difficilement. Son second règne est plus difficile, ses relations avec le secteur public entre autre Le chômage bondit, La main tendue à Brian Mulroney pour un adoucissement du nationalisme Québécois appelé Le beau risque en déçoit plusieurs et scinde le parti en deux jusqu'à nos jours. Amer, déçu et probablement poussé vers la porte, il annonce sa démission en juin 1985.
Pierre-Marc Johnson (1985 à 1987) bleu paon
Avocat et enseignant en droit, le plus jeune fils de Daniel Johnson (père) est plus ambiguë sur le sens premier du parti: la question de l'indépendance. Il assume la succession de René Lévesque, mais les souliers sont nettement trop grands à enfiler pour lui et il est aussitôt défait après seulement 9 mois à la tête du parti. Le Québec préfère donner une seconde chance à Robert Bourrassa. En novembre 1987, quand René Lévesque décède, Johnson ne voit pas l'utilité de rester, il quitte ses fonctions.
Jacques Parizeau (1988 à 1996) bleu marine
Batailleur de la première heure et nettement souverainiste depuis 1969, l'avocat, économiste et professeur Parizeau, ancien ministre des finances et architecte de la politique économique des deux mandats au pouvoir de Lévesque qui avait claqué la porte suite à la proposition du beau risque, est élu en mars 1988 pour devenir le troisième chef du PQ. Le chef de l'opposition officielle, alors. Quand Bourassa échoue avec le Lac Meech, puis avec l'accord de Charlottetown, Parizeau, et le PQ, reprend le pouvoir en 1994. La promesse est immédiate: il y aura un second référendum. Il se tiendra en octobre 1995, et le gouvernement fédéral de Chrétien sera obligé d'accélérer les acceptations de citoyennetés canadiennes au Québec afin d'arracher la victoire vicieusement par 1,16 % des votes. Parizeau annonce son départ le lendemain de ses résultats crève-coeur, mais donnera naissance au concept des "belles-mères" en restant toujours dans le sillon du parti et en y mettant son grain de sel peut-être un peu trop souvent, même si officiellement retiré de la vie politique.
Lucien Bouchard (1996 à 2001) bleu pétrol
L'avocat, ancien ministre de l'environnement progressiste-conservateur (Duh! ça ne s'invente pas un terme du genre...) sous le règne de son ami d'école Brian Mulroney démissionne de son poste de chef du Bloc Québécois et devient le quatrième chef du PQ. Il sera aussi le dernier à réellement briller dans le coeur des Québécois. Bouchard promet de ne pas faire de la souveraineté sa priorité , mais plutôt de mettre l'accent sur le déficit zéro. Le Québec devient business depuis. Conservateur de nature, il trouve écho dans un Québec plus frileux qu'il ne se le reconnaît d'emblée. En janvier 1998, pendant la crise du verglas, il se comporte en parfait leader avec une conférence de presse tous les jour sur la situation. Étouffé par la pression que lui met l'aile plus radicale du parti qui lui rappelle sans cesse que le parti existe pour faire de la province un pays, Bouchard, qui n'a jamais eu l'intention de faire du Québec un pays à moins d'avoir de nébuleuses "conditions gagnantes", quitte ses fonctions en mars 2001.
Bernard Landry (2001 à 2005) bleu berlin
L'avocat en enseignant, souverainiste de la première heure lui succède et signe aussitôt la Paix des Braves avec les autochtones, un traité à lequel il donne une saveur internationale en fonction d'une éventuelle souveraineté. Il perd toutefois aussitôt les élections de 2003 quand Jean Charest endort le Québec avec sa campagne sans idées. Landry reste encore chef de l'opposition mais le coeur n'y est plus, quand il juge (mal) que le vote de confiance que son parti lui sert est trop faible, il quitte, avec le probable espoir qu'on vienne le supplier de revenir, ce qui n'arrive pas. Croisement d'orgueil mal placé, d'impulsivité et d'émotion mal calibrée, il se catapulte hors de la chefferie en juin 2005.
André Boisclair (2005 à 2007) bleuet
Pauline Marois avait encouragé la démission du 5ème chef dans l'espoir secret de devenir la 6ème, et la première femme au pays-qui-ne-le-devient-pas à l'être. Mais un système de vote électronique et par téléphone favorise alors la jeunesse et les membres du parti votent pour une autre première (du moins avouée) : un chef homosexuel. Son règne sera de courte durée puisque gangrené de l'intérieur par une très vicieuse Pauline Marois et achevé par des accusations de consommation de cocaïne alors qu'il était en fonction comme ministre en chambre, ce que le Québec lui aurait pardonné. Toutefois, le Québec retient surtout que le PQ est un groupe instable, qui se mord entre eux et Boisclair est jugé trop vert dans ce monde de boomers. Le PQ subit une raclée aux élections de 2006 ne faisant élire que 36 députés. Le PQ devient la seconde opposition derrière l'atroce Mario Dumont. Boisclair, écrasé par les dinosaures du parti, se retire en mai 2007 alors qu'on parle ouvertement de son "remplacement" depuis déjà deux mois.
Pauline Marois (2007 à 2014) bleu acier
La politicienne de carrière, la deuxième après Boisclair, ancienne ministre des finances, présidente du conseil du trésor, ministre de la santé et de l'éducation, ministre de la main d'oeuvre et de la sécurité du revenu, ministre d'État à la condition de la femme et vice-première ministre du Québec obtient enfin son sacre et devient la première femme à diriger le PQ. Elle est chef de l'opposition en 2008, mais devient la toute première femme Première Ministre du Québec en 2012 quand Charest tombe enfin. Elle est toutefois non seulement minoritaire, mais il y a mort d'homme le soir de sa victoire pour assurer son règne. Règne qui sera de courte durée puisque deux ans plus tard, n'ayant réussi à peu près rien faire, elle est renversée aux élections par les Libéraux de Phillipe Couillard. Elle se retire alors. On a laissé régner une femme quelques mois, sous conditions, mais le Québec reste encore très conservateur.
Pierre-Karl Péladeau ( depuis 5 jours) bleu barbeau
On a choisi la semaine dernière comme 8ème chef un homme d'affaires, chouchou des médias puisque plongé dedans depuis qu'il est tout petit. PKP tentera maintenant de gérer ce parti à la dérive. Si il le fait comme il gère ses business, le bordel ne pourra que s'amplifier au sein des troupes péquistes. Les Libéraux jubilent, PKP a tout de suite ramené l'idée d'un pays sur le plancher des vaches. Avec le retour du discours indépendantiste, peut-être que quelques arguments seront ainsi amenés plus clairement, mais pour l'instant, ou pencheront les mous?
Puisque l'on gère le Québec comme on gère une business maintenant, laissez-moi vous dire que l'idée que la business d'un pays ne serait pas rentable du tout dans ses premières années d'existence.
Pour une génération comme la mienne, qui arrive tout juste ou pas du tout, le concept devient de moins en moins enviable avec le temps.
Aujourd'hui marque le 35ème anniversaire du tout premier référendum sur la souveraineté.