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(Anthologie permanente) Jean Tardieu

Par Florence Trocmé

Poezibao achèvera ce vendredi 22 mai 2015 la publication d’une véritable somme sur Jean Tardieu, conçue spécialement pour le site par Frédérique Martin-Scherrer. Une traversée de l’œuvre sous tous ses aspects, poésie, théâtre, humour, rapports étroits avec la peinture, etc., en onze épisodes riches de multiples citations.  
Dans la séquence publiée ce mardi 19 mai, une étonnante lettre à Pol Bury où Jean Tardieu tente d’épouser la manière du peintre en ses têtes ramollies.  
 
Frédérique Martin-Scherrer écrit ainsi :  
« Tous les troubles possibles et imaginables semblent être cumulés dans la merveilleuse lettre « en français ramolli » que Jean Tardieu adresse à l’artiste cinétique Pol Bury ; celui-ci a pendant des années réuni des « portraits ramollis » de ses amis écrivains ou artistes (dont il a photographié les traits dans un « miroir mou » selon un protocole très particulier) afin de publier dans un ouvrage ces portraits présentés en série de variations et accompagnés du texte que chacune des « cibles » aura rédigé en réponse. Le texte de Jean Tardieu est le seul de tout l’ouvrage à transposer par imitation la méthode plastique employée, parce que ce type d’écriture seconde fait de longue date partie de ses propres pratiques poétiques : » 
 
Nouvelle lettre à Pol Byru 
En reluquaginant le rallamamolissement de mon porteret par tes tsoins, j’osterve ma boutrouille avec une certaine stupraréfaction. Certes, oui-dà, oui-dada, je reconnuche ma trinche, mais c’est comme si chacune de mes parties cularitées, chacun de mes caparactères s’y trouvolait déblavié et, en même temps, soulignotté. Ce n’est plus seulement un miroir aux allumettes, c’est un miroir des formants, des haubans, des forbans, un laminoir plurifocalisé, pluricellulaire, pluri-disciplinaire (comme on dit en Bredouille d’aujourd’hui), c’est-à-dire plurinase, pluricrâne, plurimenton, pluribouche. J’équivoque ci-après quelques-uns de ces masques révélatueurs, multigrades et plantigrades. Il y a un Professeur Tardivus-Froeppel un peu solognel, un Jean Parpieu matois qui vous lorgne de traviole, un Jean Largnieu bouchecousue, un boxeur boxé couvert de cabosses, un Ponçeur merditatif et inspiroté, un Jean Tarapied citrouillard, un Jean Torpieu grinchuplissé, un coinçé, un coinché, un commci, un commça, et cépéra, et cépéra. Il y en a tant que je ne sais plus où donner de la fête… Aussi, cher ami, c’est bien volontiers que je te donne ma tête à couper, à découper, à entrecouper de vrais sangs-blancs, de vrais faux-semblants, tous vraisemblables et ressemblants.  
 
Jean Tarmildieu  
Paparis, 17 fébrillé Quatre-vingts proies 
 
 
Lettre de Jean Tardieu, in Pol Bury, 896 têtes ramollies, [896 portraits photographiques par Pol Bury, textes de divers auteurs], Bassac, Plein chant, 1989.


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