Jamais autant de projections positives n’auront été créées à l’égard des start-up. Qu’en est-il vraiment de la place de l’employé dans ces structures et quels leviers actionnent-elles pour favoriser le bien-être au travail ?
L’univers start-up n’a jamais été aussi médiatisé et fantasmé qu’aujourd’hui. L’imaginaire collectif est d’ailleurs empli d’images positives à l’égard des jeunes pousses : succès économique au rendez-vous, conditions de travail exceptionnelles pour les employés. Les « success stories » de la Silicon Valley sont comme ancrées dans nos esprits.
On ne présente plus les locaux d’Airbnb où une réplique des plus beaux appartements en location sur la plateforme ont été réalisés en grandeur nature. Espace de détente avec console de jeu, table de ping pong et réfrigérateur bien rempli, voilà nos représentations mentales de la « tech start-up ».On imagine aussi les « à-côté » plus qu’attractifs que peuvent proposer certaines de ces jeunes entreprises, à l’instar des deux semaines de vacances offertes par Couchsurfing à ses employés pour que ceux-ci soient aussi des membres de la communauté actifs.
Les nouveaux locaux d'Airbnb à Portand
Pourtant, Eric Ries, grand manitou de la méthode « lean startup » nous rappelle que si l'entrepreneuriat aujourd'hui arbore un aspect plutôt « cool », il ne faudrait pas verser dans l'idéalisation. Pour l’heure, les initiatives pour récompenser les entreprises innovantes en matière de bien-être des salariés se multiplient à l’image du classement « 100 best companies to work for » de Great Place to Work et Fortune ou encore le Prix de la convivialité et du bien-vivre au travail de l’association Entreprise & Convivialité. Il apparaît alors intéressant d’observer comment les start-up, tous types d’avancements confondus, tous secteurs confondus, approchent réellement la notion de bien-être et ce qui tend véritablement à impacter le bien-être de leurs salariés.
L’importance de l’équipe, clé de voûte de la motivation de l’employé
Dire combien l’équipe et la cohésion entre ses membres sont cruciales, n’est pas un discours récent et peut parfois apparaître quelque peu galvaudé. Mais c’est en tout cas, c’est ce que les start-up identifient comme la pierre angulaire de la réussite d’un projet. Évidemment, dans un premier temps, l’entente entre l’équipe fondatrice est primordiale comme le relève Franck Nouyrigat, co-fondateur de Startup Weekend, « L’entente entre fondateurs comme l’observe Noam Wasserman dans son livre 'The Founder’s Dilemmas' est primordiale ».
Mais c’est ensuite le besoin de créer du lien entre les collaborateurs autour du projet qui s’impose. Structurellement, la start-up a besoin de mettre l’accent sur l’équipe. En effet, la jeune structure, fragile par conséquent, a besoin de créer un noyau dur autour du projet. Pour certains, cela s’apparente à une forme de fraternité comme le relève Franck Nouyrigat, « On est amené à passer beaucoup de temps ensemble. Cela a quelque chose de quasi tribal ».
Comment cette harmonie peut-elle se créer et être entretenue ? Des déjeuners d’équipe quasi quotidiens, des sorties entre collaborateurs pour apprendre à se connaître mais aussi toutes formes de projets ludiques au profit de l’entreprise, comme chez Bureaux À Partager (BAP) où on récompense la bonne idée de la semaine par des cadeaux-gadgets plutôt motivants.
Dans une certaine mesure, une part d’informel vient nourrir les relations professionnelles. « On apprend à faire la part des choses, à distinguer la personne et la relation amicale qu’on peut entretenir et leur travail », explique Marie Piquemil, responsable des opérations chez BAP.
Ici, c’est bien l’aspect social du bien-être qui entre en jeu. Mis en lumière par de nombreux chercheurs dont la Professeure Hilary Bradbury, le bien-être social reflète la qualité des relations sociales de l’employé dans l’environnement de travail. Une communication fluide, sous la forme de réunions régulières, d’échanges de mails, de brainstorming ou simple échange d’avis, contribue aussi sans nul à renforcer les liens tissés ou à en créer de nouveaux.
Par ailleurs, en favorisant le développement de cette cohésion d’équipe, l’entreprise renforce la confiance entre les uns et les autres. Or ceci est un facteur reconnu du bien-être au travail.
En outre, la proximité entre collaborateurs pourrait aussi jouer un rôle important dans le gestion du stress. « Dans la mesure où l’ambiance peut s’avérer plus détendue au sein des bureaux d’une start-up, cette dernière peut présenter des réponses efficaces au stress », commente Franck Nouyrigat.
L’autonomie de l’employé
« Voilà ce qui attire les gens en start-up ! », s’exclame Marie Piquemil. Une prise d’initiatives encouragée, une liberté d’entreprendre et le fait de pouvoir gagner en responsabilités si on le souhaite, ce serait donc cela le Graal pour les candidats à la recherche d’un poste en start-up. Et inversement : « On attend des employés qu’ils sachent prendre des initiatives et des responsabilités très rapidement », explique Camille Gaume, responsable CRM chez monechelle.fr.
Encore une fois, structurellement, la start-up ne peut que promouvoir l’autonomie de ses employés : la masse de travail grandit plus rapidement que l’équipe et les décideurs clés de la structure sont poussés, par la force des choses, à déléguer.
Favoriser l'autonomie de l'employé, une prise de risque à même de générer des conséquences positives pour tous les acteurs
Mais au delà de la nécessité d’embrasser l’autonomie des salariés, un véritable cercle vertueux peut s’installer. La légende voudrait d’ailleurs que la messagerie Gmail ait été inventée par un salarié de Google lors des fameux 20 % de temps libre accordé par la firme à ses employés pour mener leurs propres projets. Ou l’analyste Dan Pink, de rappeler lors d’une célèbre conférence TED le concept des « FedEx Days » de la société Atlassian. Au milieu des années 2000 déjà, l’éditeur de logiciel australien inventait une forme primitive de l’hackathon inter-entreprise. Les salariés étaient en effet mis à contribution régulièrement pour présenter une idée clé en main en 24 heures afin d’optimiser le fonctionnement de l’équipe et de l’entreprise ou encore pour développer ses activités.
Bien-sûr toute prise d’initiative a besoin d’être encadrée. Néanmoins, en favorisant une certaine liberté d’entreprendre, c’est un signal positif que le le manager envoie à son équipe. Il ne peut alors que générer une situation bénéfique à tous, pour l’employé comme pour l’entreprise.
Transmettre la vision pour créer de l’engagement
Les bases du « transformational leadership » ou leadership transformationnel reposent sur la capacité des leaders de l’entreprise à transmettre les objectifs et la vision de l’organisation à l’ensemble des collaborateurs et à reconnaître les efforts de chacun. Si certaines start-up reconnaissent que cette forme de management pourrait être plus pratiquée au sein de leur entreprise, elle apparaît pourtant essentielle aux yeux du plus grand nombre pour renforcer le bien-être de chacun.
Cette pédagogie autour des lignes directrices de l’entreprise peut certes représenter un temps certain pour les managers et décideurs. Toutefois, il s’agit véritablement d’un investissement de long terme. Prendre le temps d’expliquer, d’informer les membres de l’équipe des projets en cours, de partager des connaissances, c’est capitaliser sur l’avenir dans la mesure où chaque collaborateur peut alors donner du sens à son travail. En effet, transmettre la vision de l’entreprise, c’est fournir des éléments de contexte, permettre de faire comprendre les tenants et les aboutissants d’une décision ou d’une orientation de l’entreprise aux collaborateurs. Et grâce à cela, l’entreprise, start-up comme division d’un grand groupe, peut générer de l’engagement auprès de ces employés. « Les collaborateurs se sentent chez eux et cela participe d’une inertie positive au sein de l’entreprise », explique Pierre Coulombeau, fondateur et PDG d’Enerbee.
Transmettre la vision ou comment engager l'ensemble des collaborateurs
Ici encore, une communication fluide entre tous les membres constituent un passage obligé. Or l’ère digitale nous offre pléthores d’outils pour faciliter le travail- et le vivre ensemble. Sachons en tirer profit. D’autant plus que le bien-être et l’engagement des salariés sont probablement les ingrédients pour une productivité et donc une performance en entreprise renforcée.