Le jour où fut annoncé le nom du film d'ouverture du Festival de Cannes, j'étais à Paris- en train d'interwiever l'immense Françis Huster- et lorsque j'ai vu sur mon smartphone que c'était "La Tête haute "d'Emmanuelle Bercot qui avait été choisi par Frémaux et son équipe pour lancer les hostilités du festival, j'ai aussitot clamé ma joie et ma satisfaction à l'idée que cette année, les films glamours et superficiels ( du pas terrible Gatzby au très mauvais Grâce de Monaco) avaient laissé place à ce qui s'annonçait comme un vrai bon film, plus en phase avec l'esprit de la compétition et surtout avec notre société actuelle.
Non, franchement, pour moi qui adore le cinéma social des Dardenne et- surtout de Loach, je ne pouvais que me réjouir du fait que le cinéma fançais tente d'évoquer ce cinéma là, aux prises avec les problèmes sociaux de ce monde.
Enfin, le fait que ce choix, moins clinquant mais plus cohérent, mettait en avant un film cofinancé par ma région -Rhône Alpes cinéma, une partie du film se tournant dans le Vercors- ne pouvait que rajouter à mon plaisir de cinéphile lyonnais, et je me suis donc empressé d'aller le vérifier en allant voir en salles dès le lendemain de sa projection à Cannes.
On l'a dit dans tous les médias, Le film de Bercot suit sur deux heures le destin de Malony un adolescent, déscolarisé et violent, spécialiste des vols de voitures. Sa mère, est bien trop irresponsable et accro aux stupéfiants pour l’élever. L’enjeu est de savoir comment la justice, incarnée par Catherine Deneuve en juge des enfants, et Benoît Magimel en éducateur et racaille repenti, pourront aider Malony à relever la tête.
La Tête haute s'avère être une fort belle chronique sociale, mélangeant avec habileté chronique naturaliste proche du documentaire et romanesque propre de la fiction au film social, sans toutefois sombrer ni dans un angélisme admiratif ni un versant trop misérabiliste
Pour avoir travaillé il y a quelques années - et à un modeste niveau- dans le milieu de l'enfance en danger, j'ai trouvé que le film rendait parfaitement justice au formidable travail éducatif des juges pour enfants et rendait un bel hommage au monde judiciaire- un peu malmené en France- un système qui a la charge extrêmement difficile d'essayer de remettre dans le droit chemin des mineurs peu gâtés par la vie.
Delesté de toute mièvrerie et de tout cliché- sauf pour le personnage de la mère, trop chargé et peu mis en valeur par le jeu outré de Sara Forestier-, "La Tête Haute "n'élude ni la violence sous jacente de ces jeunes, ni les doutes et le gros sentiment d'impuissance qui irriguent les personnes chargées de gérer cette délinquance des mineurs.
Mais surtout, on sent tout le long du film une belle et évidente empathie d'Emmanuelle Bercot pour ces enfants à la dérive, et ce portrait d’un garçon déchiré entre sa quête de reconnaissance et de confiance en lui, et la rage intérieure qui l'anime, est dressé avec une belle humanité et une belle justesse.
Le film vaut aussi évidemment, comme on l'a dit ici et là, pour sa très solide distribution, avec évidemment la toujours épatante et juste Catherine Deneuve en juge des enfants compréhensive et humaine, et un Benoit Magimel loin de ses cabotinages dans "Cloclo" et "Les Petits mouchoirs", qui offre une belle consistance à ce rôle d'éducateur, revenu lui aussi d'un enfer juvénile mais mais qui, cependant, trouve la force et de se relever et de ne jamais abandonner l'adolescent. Et on n'oubliera évidememnt de citer la révélation Rod Paradot, repéré à Stains, dans un lycée professionnel où il faisait un CAP de menuiserie et qui crève littérallement l'écran du début à la fin.
Un film fort intense, juste et percutant, qui assurément, ouvrait en grande beauté cette 68ème édition du Festival de Cannes...
Bande-annonce "LA TÊTE HAUTE" (sortie le 13 mai)