Je termine ce soir ma résidence d’écriture dans un cadre champêtre et d’une rare tranquillité avec la grande satisfaction d’avoir réussi à terminer une première mouture de mon prochain roman. Il reste bien sûr une somme considérable de travail à faire pour mener le projet à terme, probablement davantage que n’en a demandé le premier jet, mais c’est très stimulant.
Vous dire que j’étais dans ma bulle! Il y a quelques jours, Maurice, mon mari, me dit qu’il vient de terminer la lecture de mon dernier roman, Les Blessures du silence, et qu’il en a bien aimé la conclusion. Moi, je le regarde, l’air stupide. Je n’ai aucune idée de ce dont parle ce livre. Vous savez quand on veut ouvrir une page sur l’ordi et que la seule chose qui se passe, c’est la petite roulette qui tourne sur un écran blanc. Pareil pour moi. Naturellement, il n’a eu qu’à dire un mot pour que l’écran s’allume et que je me souvienne du roman dont je viens à peine de faire le lancement. J’étais soulagée… lui aussi sans doute ;-)
Comme la passionnante lecture de Romans de Modiano s’est avérée nettement insuffisante pour mes trois semaines de retraite fermée, j’ai fouillé dans la bibliothèque de mes hôtes et j’ai lu, en rafale, quelques œuvres qui datent, mais n’ont pas perdu de leur intérêt.
Christian Bobin, La femme à venir, Galimard, Col. Folio, 1990, 139 pages
Du Bobin : Poésie, concision, courtes phrases, style haletant.
L’auteur nous raconte l’histoire d’Albe, du berceau jusqu’à la rencontre de l’amour, le vrai, celui qui fera d’elle une femme.
« Albe et Antonin. Gravité de cet amour. Légèreté de ce lien. La jeune femme aide l’enfant pour les leçons de chaque jour. L’enfant aide la jeune femme pour la douceur de vivre. »
« C’est facile de mener plusieurs vies. Il suffit de n’en avoir aucune à soi. »
Anne Hébert, Les enfants du sabbat, Éditions du Seuil, 1975, 187 pages.
Changement de registre. Un livre coup-de-poing dans la bêtise dont est fabriqué le carcan social et religieux qui étouffe la société de l’époque, et les femmes en particulier. Personnages métaphoriques et homériques, cour des miracles. L’auteur aborde des thèmes majeurs (la femme sorcière, l’homme diable, le sexe, le viol, l’inceste, mais aussi l’amour et la jouissance dans toute sa jubilation, l’effacement de soi par la foi, l’abus de pouvoir et le sadomasochisme, etc.) en donnant vie à des personnages plus grands que nature. Humour féroce et noir, poésie. Ça prendrait une thèse pour épuiser les sens qui émergent de ce grand cri de révolte.
Marie-Claire Blais, David Sterne, Stanké, col roman 10/10, 1981, 137 pages
Parue en 1967, cette courte œuvre de Marie-Claire Blais pourfend les mêmes oppresseurs que dénonce Anne Hébert dans l’œuvre citée ci-dessus, mais avec moins de truculence et davantage de noirceur. Aucun humour dans ce roman qui se conclue par la mort de trois jeunes hommes, seule issue face aux tares du monde, à l’hypocrisie de l’église, au totalitarisme de la justice, à la menace des armes. On reconnaît déjà le style de l’auteure qui en est presque venue à éliminer, dans ses œuvres récentes, les points et les chapitres, et à faire fi des genres, mariant allègrement prose et poésie.
Jacques Ferron, L’amélanchier, Typo, 1992, 207 pages
Conte échevelé, érudit, puisant à diverses sources, dont à celle d’Alice au pays des merveilles, L’amélanchier est l’histoire de Tinamer, petite fille délurée, fille d’un original de père qui lui fait découvrir mille merveilles dans le petit bois qui jouxte la maison, lequel constitue le bon côté des choses alors que la rue, le monde ordinaire figure le mauvais côté des choses. Un jour Tinamer ira à l’école, grandira et oubliera son petit bois enchanté. Jusqu’à ce que, dans la vingtaine, elle en redécouvre la magie. Merveilleuse histoire sur l’enfance et sur la nostalgie incurable que provoque sa perte.
Louis Fréchette, La maison hantée et autres contes fantastiques,Le Éditions CEC, 1996, 200 pages
On fait un formidable bond en arrière, presque un siècle, avec cette œuvre du 19e siècle. Amusant recueil de contes mettant en scène des forces occultes, spectres, fantômes ou Belzébuth lui-même, dont les méfaits nous sont parfois donnés pour vrai ou ridiculisés par le conteur. Les contes de Jos Violon se distinguent des autres par le langage pittoresque des chantiers et l’humour qu’ils distillent.