Située en bordure du Quartier Latin, timidement en retrait du quai de Montebello et séparée de Notre-Dame par la Seine, la librairie Shakespeare and Company, au 37 rue de la Bûcherie dans le Vème arrondissement de Paris, est certainement l’une des plus « mignonnes » librairies de la capitale. Dans mon imaginaire, je l’aurais bien vue dans la Comté, au Pays de Bouc, fréquentée par Bilbo le fameux Hobbit.
Il suffit de voir le monde autour et dans la boutique pour comprendre que cette librairie n’est pas qu’un commerce indépendant spécialisé dans la littérature anglophone, mais quasiment un lieu de pèlerinage attirant les touristes du monde entier. Ses fonctions, son histoire et même son aménagement intérieur expliquant facilement cet attrait.
Tout remonte au début du siècle dernier quand l’Américaine Sylvia Beach (1887-1962) arrive à Paris en 1916, et devient la compagne de la libraire Adrienne Monnier. En 1919, elle ouvre sa propre librairie, Shakespeare and Co, au 8 rue Dupuytren, laquelle déménagera en mai 1921 au 12 rue de l'Odéon. Sa librairie accueille alors les intellectuels américains et anglo-saxons de Paris, Man Ray, Ezra Pound, Ernest Hemingway, mais aussi français tels Valery Larbaud, André Gide, Paul Valéry, Jacques Lacan... La librairie sera fermée en 1941 en raison d’un conflit avec un officier allemand de l’armée d’occupation et ne sera jamais ré-ouverte.
Ce n’est qu’en 1951 qu’une nouvelle librairie anglophone est ouverte à Paris par un autre américain, George Whitman (décédé en 2011 et sans lien avec le poète Walt Whitman) au 37 de la rue de la Bûcherie, mais à cette époque, sous le nom de Le Mistral. Il faudra attendre la mort de Sylvia Beach en 1962 pour que le nom de la librairie soit changé en Shakespeare and Company en 1964, à l’occasion du 400e anniversaire de la naissance de William Shakespeare.
Après le décès de son père George, sa fille Sylvia reprit le flambeau et donna à la librairie un second souffle en organisant des festivals culturels, des lectures hebdomadaires et même en créant un prix littéraire, le Paris Literary Prize. La librairie perpétue aussi une vieille tradition (Dans les années 1950, beaucoup d'écrivains de la Beat Generation tels qu'Allen Ginsberg, Gregory Corso et William Burroughs logèrent dans la librairie tenue par Sylvia Beach), être un asile pour les écrivains en herbe qui souhaitent rester pour quelques nuits à condition de respecter certaines conditions comme lire un livre par jour, aider deux heures à la boutique et pour finir, rédiger une page autobiographique en y joignant une photo.
Quant à l’aménagement intérieur de la boutique, il vaut à lui seul le détour. Un capharnaüm d’étagères bourrées jusqu’à la gueule de livres de toutes les couleurs, un enchevêtrement de petites pièces étroites où l’on se bouscule, du bois vieillot, des lustres incongrus au plafond, un aspect général rustique et ancien patiné par les ans, tout à fait dans l’iconographie de l’univers de Bilbo, telle que je me la représente mentalement…
Une librairie qui dépasse largement le simple cadre du commerce des livres, ou pour reprendre les termes de George Whitman, « Une utopie socialiste déguisée en librairie (…) J’ai créé cette librairie comme un homme écrirait un roman, construisant chaque pièce comme un chapitre. Et j’aimerais ouvrir la porte aux visiteurs, comme j’ouvre un livre. Un livre qui les conduit vers le monde magique de leur imagination. »
Sources : Wikipedia, L’Express.fr Photos : Le Bouquineur