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[Critique] MAGGIE

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] MAGGIE

Titre original : Maggie

Note:

★
★
★
★
☆

Origine : États-Unis
Réalisateur : Henry Hobson
Distribution : Arnold Schwarzenegger, Abigail Breslin, Joely Richardson, J.D. Evermore, Raeden Greer, Laura Cayouette…
Genre : Drame/Horreur
Date de sortie : 27 mai 2015

Le Pitch :
Une épidémie a ravagé les États-Unis, transformant lentement les personnes touchées en zombies, qui sont alors promises à une mort certaine. Alors que les mesures prises par le gouvernement parviennent enfin à endiguer la propagation du virus, Wade, un père de famille, doit faire face à la contamination de sa fille Maggie. Bien décidé à ne pas la placer en quarantaine, comme l’exige le protocole, Wade se heurte alors aux autorités, qui ne comprennent pas son désir de veiller sur son enfant jusqu’au bout…

La Critique :
Les deux mandats qu’Arnold Schwarzenegger a effectué au poste de Gouverneur de Californie ont porté un méchant coup à sa carrière d’acteur. Répondant au plan qu’il s’était fixé alors qu’il n’était qu’un bodybuilder plein d’ambition, cet épisode politique n’explique néanmoins pas totalement la baisse de popularité d’Arnold auprès du public. Avant même de se lancer en politique, Schwarzie avait pu observer une baisse significative des scores de ses films au box office. La Fin des Temps, À l’Aube du Sixième Jour ou encore Dommage Collateral n’ont pas franchement bouleversé les foules. Et même si leur qualité est en dessous des productions dans lesquelles le comédien apparaissait dans les années 80 et 90, ce manque d’engouement illustrait déjà l’essoufflement d’un genre en pleine mutation. Le terme d’un âge d’or, celui des rois de l’action, et de ses idoles, bien obligés de chercher de nouveaux moyens pour toucher à nouveau en plein cœur les spectateurs. En d’autres termes, Schwarzenegger est parti alors que sa carrière déclinait, tout en promettant qu’il reviendrait.
Depuis son retour, Arnold a peiné à convaincre les masses, même si ses fans ont répondu présents. L’industrie du cinéma ayant été soumise à de multiples bouleversements, les choses se sont considérablement compliquées pour l’ex-Mister Olympia, dont chaque nouveau long-métrage se heurtait à un mur de mauvaises critiques. Pourtant, fidèle à lui-même, Arnold n’a rien lâché, acceptant même de jouer les invités chez Sylvester Stallone, dans la trilogie Expendables. Aujourd’hui, avec Maggie, il franchit un nouveau cap. Âgé de 66 ans au moment du tournage, Schwarzie a décidé d’accepter de déposer les armes et de changer brutalement de registre. Jusqu’alors spécialisé dans l’action et ayant réussi à de multiples reprises à convaincre dans la comédie, l’acteur prend un virage qui pourrait bien s’avérer décisif en ce qui concerne la suite. À l’image d’un Stallone dans Copland ou encore de Clint Eastwood dans Impitoyable (peut-être dans une moindre mesure), Schwarzenegger accepte d’apparaître à découvert. Les flingues et les punchlines enfermées à double tour, il accepte son âge et sa vulnérabilité. Dans Maggie, Arnold est magnifique. Le visage buriné, le regard fatigué, les épaules tombantes, il ne joue plus des muscles, et utilise son physique toujours impressionnant pour incarner une force mise à mal par une époque à laquelle il a bien du mal à toujours s’identifier. Sur un plan purement personnel, si on oublie les zombie et tout le message social de l’œuvre d’Henry Hobson, Arnold fait pour la première fois face à la vérité de sa condition d’ancien monstre sacré d’un genre qu’il a bâti de ses propres mains, mais que les années et le cynisme galopant d’une industrie vorace, lui ont dérobé alors qu’il avait le dos tourné. Et tant pis si la promo du film tente de se raccrocher aux branches en sous-entendant que Maggie va voir Arnold tabasser du mort-vivant, car dans les faits, il n’en est rien. En cela, le film risque d’en décevoir plus d’un. En gros, nous voici devant un produit hybride et courageux, qui risque de ne pas plaire à une partie des fans de l’acteur, tout en ayant probablement du mal à intéresser ceux qui ne vont pas passer outre sa présence sur l’affiche. Bob Dylan chantait « The Times They Are A Changin » (les temps changent) et c’est cruellement vrai pour Arnold, cette icône lancée dans une reconquête difficile d’un trône qui depuis, prend la poussière faute de prétendants suffisamment à la hauteur.

Maggie-Abigail-Breslin

Avec ses zombies que l’on ne nomme jamais en tant que tel et sa terre ravagée par une crise prenant naissance dans une réalité tragiquement palpable, Maggie reste un drame pur et dur. Une tragédie intimiste orchestrée par un réalisateur débutant mais parfaitement clair sur ses intentions. Conscient de la masse de films d’horreur mettant en scène des dévoreurs de chairs qui se bousculent au portillon et de la domination de The Walking Dead, la nouvelle référence du genre (même si la série ne cesse de prendre du plomb dans l’aile depuis ses débuts), Henry Hobson prend la tangente, et tel Romero en son temps, utilise le virus zombie pour construire une métaphore des conséquences de la crise économique interminable. Cultures qui brûlent dans les champs, voitures bouffées par la rouille et bâtisses sévèrement endommagées, l’Amérique a perdu de sa superbe et survit à un mal qui ronge ses occupants. La famille aussi, ce symbole souverain de la société, souffre en profondeur. Le message est clair.
Avec ses plans rapprochés, la mise en scène opte pour une approche contemplative bien loin des canons du film d’horreur contemporain. La transformation en zombie se fait elle-même très lentement, contrairement à la majorité des productions du genre dans lesquelles quelques secondes suffisent. Anti-World War Z, Maggie prend son temps, et creuse ses thématiques pour aller chercher une émotion complexe. La relation père-fille du personnage de Schwarzenegger et de celui d’Abigail Breslin est au cœur d’un long-métrage viscéral, où rien n’est évident, si ce n’est l’amour que se portent les protagonistes d’une apocalypse sourde et insidieuse. Henry Hobson sait que la présence d’Arnold peut être un plus, mais peut aussi handicaper son propos. L’homme est un monument et son visage seul rime avec beaucoup de choses qui n’ont pas forcément leur place dans le contexte présent. Sans éluder cette condition de symbole, le réalisateur parvient à diriger Arnold de façon à prendre en compte le passé de son personnage, que l’on imagine un peu analogue à celui de l’acteur. Wade est un roc touché par l’érosion, en vitesse accélérée. Tout fout le camp pour lui. Arnold parvient à capturer tout ceci et à le restituer dans une performance franchement impressionnante, toute en retenue, sans trop en faire, mais sans jamais mettre un frein à l’émotion. Face à une Abigail Breslin parfaite car elle aussi bien loin des clichés habituellement en vigueur, le Chêne Autrichien tient un de ses meilleurs rôles et prouve, si tant est que l’on soit prêt à accepter de le voir, quel acteur inspiré et investi il est.

Sans lui, Maggie n’aurait pas eu le même cachet, même si en soi, le long-métrage possède ses propres mérites. Pas forcément original au premier abord, il l’est par contre dans son traitement, tout en nuances. Il prend le temps d’installer ses enjeux et de poser le décors, se refuse au gore facile et à toute forme de sensationnalisme. Maggie s’apparente à une lente mélopée. Du déni à l’acceptation d’une issue fatale, le film traduit les tourments de ses personnages au travers de petits détails. Henry Hobson est animé des meilleures intentions, même si parfois, sa réalisation cède un peu trop facilement aux pièges d’un cinéma indépendant un peu trop mécanique. La pudeur de la démarche s’illustre à l’écran, lors de quelques moments, par des lieux communs un peu trop évidents et c’est dommage, même si au fond, ces longs ralentis et cette tendance à refuser d’avancer trop vite, ne nuisent pas à la puissance de l’ensemble.
Il est tout à fait légitime d’en avoir assez des zombies. La plupart du temps, ces derniers ne sont pas utilisés comme ils le devraient par des cinéastes pressés d’en venir au gore et qui oublient le fond en chemin. Maggie impose une alternative maligne et parle de la famille. De l’amour d’un père qui se refuse à abandonner sa fille. Fable funeste sur la difficulté de laisser partir l’être aimé, le film s’avère extrêmement touchant. Son émotion, visible à la fois dans les yeux humides d’un acteur « symbole » et dans ceux d’une adolescente forcée d’accepter un sort perfide, s’avère prégnante. Peut-être un peu bancal, Maggie est surtout bouleversant et globalement, va jusqu’au bout de sa démarche, en assumant ses choix. Arnold pour sa part, en ressort grandi. Fort d’une nouvelle aura propre à ceux qui ont su se relever. Espérons que la suite de sa carrière aille davantage dans ce sens.

@ Gilles Rolland

Maggie-Arnold-Schwarzenegger
Crédits photos : Metropolitan FilmExport


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