Burlington sur les planches

"La pop est un langage comportant une grammaire propre par laquelle peuvent s'exprimer un certain nombre de messages. Particulièrement adaptée à notre époque, il était légitime que la pub et la communication s'en emparent. Justement la plupart des entreprises cherchent à moderniser leur image en usant de ses symboles et de son esthétique. Aujourd'hui nous étudierons la pub des chaussettes Burlington."

Vous devez connaître les fameuses chaussettes Burlington, symbole du chic à l'anglaise arborant comme signe distinctif un losange inspiré des traditions claniques écossaises. Celles-ci proviennent d'une industrie américaine éponyme fondée en 1923 également spécialisée dans la conception de tissus d'ameublement, de tapis, de moquettes ou encore de rideaux. Tout comme Burberry, la marque connut les aléas de la mode sans ne jamais disparaître des commodes masculines qui affectionnent particulièrement cette pièce au motif aussi reconnaissable que plagié.

Son image semble liée à ce logo issu des terres brumeuses où les habitants se drapaient de tartans décorés de carreaux de couleurs dont l'agencement particulier renvoyait à un clan ou une famille. De tradition celtique, cette association prit tout son essor au cours du 19ème siècle suite à la publication d'un ouvrage intitulé le Vestiarium Scoticum revendiquant la spécificité écossaise de cette coutume.

Clan Mc Gregor Clan Mc Leod

Must have de tout gentleman farmer, ces motifs se répandirent en Angleterre au début du 20ème siècle et ornèrent par la suite l'habit de tous ceux jouissant du pouvoir de la terre. Burlington, dépositaire de l'emblème du duc écossais d'Argyle, héritier du clan Campbell, recouvrit toutes les chevilles enflées de la deuxième moitié du siècle jusqu'à devenir le tissus de l'élégance plutôt guindée qu'un soupçon " so british " adoucissait d'une douce folie.

Mais voilà, la marque semble vouloir rajeunir son blason trop lié à une bourgeoisie vieillissante pas très rock'n roll. De nombreuses marques estampillées jeunes adoptèrent justement le losange dans leurs collections. Puisque la figure recouvre le buste et les jambes des jeunes, notamment celles des skateurs au travers de marques comme Volcom ou Split, pourquoi ne pas également recouvrir leurs chevilles ?

Car associer son image à celle des skateurs constitue un parfait lifting pop. Le skate représente l'une de ses pratiques par excellence puiqu'elle résulte d'un habile détournement : celui d'une planche de surf. Au début des 60's un groupe de surfers californiens désireux de prolonger les sensations de ride sur la terre ferme adjoignirent des patins à leur planche. Par la suite des passionnés ne cessèrent d'apporter des améliorations techniques et stylistiques et adoptèrent un style vestimentaire très particulier : vêtements moulants, couleurs vives...Mais il fallut attendre les 90's pour que la pratique sorte de l'underground dans laquelle les autorités la confinait en raison des nuisances sonores et des risques provoqués.

A présent la pratique jouit d'une indéboulonnable notoriété dont beaucoup de marques tentent de tirer profit, même les plus inattendues comme Burlington. Car s'attirer les faveurs des skateurs revient à s'auréoler d'une aura cool très bénéfique que la marque ne possédait absolument pas et que l'accroche " Be different, be burlington " semble ramener. Enfiler un tissus bourgeois aux chevilles de la contre-culture, voilà ce que nous nommons une rencontre pop. Mais d'un coup le skateur paraît bien plus propre et sage. La classe so british ne s'efface jamais, même sur une planche.