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Volcaniques : Une anthologie sur le plaisir dirigée de Léonora Miano

Par Gangoueus @lareus
Retour sur le recueil de nouvelles Volcaniques, sur le thème du plaisir au féminin qui fait suite à la première nuit vue par des hommes. Un projet littéraire original d'échanges entre afro-descendants...


Je préfère être très clair. J’ai trainé des pieds à la fois pour me lancer dans la lecture du recueil de nouvelles Les Volcaniques dirigé par Léonora Miano mais également pour produire une recension après lecture. Pour plusieurs raisons : Primo, parce que le projet initial et original visant à mettre en dialogue une génération d’afro-descendants a pris un coup de canif dans l’aine. Là où les hommes ont traité la question passionnante du désir sur  le thème de la première nuit, le cahier de charges a subitement évolué pour les femmes vers le sujet du plaisir au féminin.Secundo, les motivations de ce glissement initié par Léonora Miano m’ont parues quelque peu équivoques. Le thème du désir étant quelque peu évasif, laissant des libertés aux auteurs, le reproche leur a été fait de ne pas être allé dans toute la crudité du match érotique torride. Tertio, je l’ai exprimé dans un article précédent, la volonté de provoquer, d’heurter et peut-être d’exhibition ne rencontrant pas mon entière adhésion. Volcaniques : Une anthologie sur le plaisir dirigée de Léonora MianoC’est donc plus sur l’intention du porteur de projets que j’ai quelque peu calé. Les plumes s’associant étant tellement talentueuses - ainsi que l’avis d’une amie qui se reconnaitra - que l’idée de savoir comment ces dames ont abordé le sujet a poussé le blogueur que je suis à la lecture. Il y a matière à échanger et un constat surprenant : la fait d’une certaine pondération dans le traitement de ce sujet. Pour preuve, au moins quatre auteures ont choisi d’aborder cette question du désir au féminin sous l’angle de l’initiation. Avec chaque fois des postes d’observation très différents et des tonalités très singulières : ébahissement, critique acerbe du partenaire, ironie, légèreté. Et l’idée d’un conformisme que l’on comprend aisément : abattre les murs des discussions d’arrière-cours où ces dames se lançaient, se lancent dans de formidables diatribes sur les carences de leurs hommes. A l’heure du web 2.0, certains penseront à une chute de la Bastille des mœurs africaines et à la data partagée plus que jamais. The world is flat. Plus d'apartés.D’autres, comme Nafissatou Dia Diouf ont pris le parti d’aborder des phénomènes paranormaux qui touchent pourtant de très nombreuses femmes : Le phénomène du mari de nuit. Si vous voulez savoir de quoi il retourne, la nouvelle « Maître ès » est  pour vous.Deux textes au moins me sont restés impénétrables. Disons que je n’ai pas trop compris l’histoire, même si j’ai apprécié le style littéraire employé. La nouvelle de l’étonnante slameuse Silex par exemple. A creuser.Un des textes parmi les plus intéressants et sulfureux est celui de Gilda Gonfier. « Leto, c’est moi ! » livra-t-elle au Musée Dapper, évoquant le personnage central de sa nouvelle. Une artiste qui revient sur le lieu d’une désillusion amoureuse et y redécouvre une nouvelle passion charnelle. Cette nouvelle est assez symptomatique d’une construction complexe de la relation homme-femme. Une construction où les sens dictent tous les choix, désirs et plaisirs. Autant quand on est dans l’adolescence ou la post-adolescence, cette approche est très compréhensible, autant on est en droit de se demander pourquoi elle n’est dépassée dans aucune de ces nouvelles où des femmes d’âge mur s’expriment pourtant. Dans le recueil précédent, Alfred Alexandre l’a exprimé dans une petite phrase : « Le plus important ce n’est pas la première nuit, mais toutes celles qui viennent après ». Il y a là un vrai questionnement sur le désir. Tous ces développements ne sont pas faits pour une construction dans la durée et le seul cas où le temps semble long, dans la nouvelle de Gisèle Pineau, c’est simplement pour croquer cinquante ans de misère sexuelle. Yako !*Au final, les mots posés sur cette question du plaisir abordé par des femmes afro-descendantes ressemblent à une apologie de la frustration et une célébration de l’éphémère et de la jouissance ponctuelle qui ne mène pas à grand-chose...Marie Dô et Léonora Miano proposent des textes qui cependant invitent à une introspection. La poétique de Marie Dô pousse à mon sens le lecteur à se questionner sur le choc, la violence qui peut prendre le pas sur la volupté. Un peu comme certaine phase du zouk où le couple est dans une approche lascive avant de virevolter de manière effrénée comme dans une valse viennoise. La nouvelle de Marie Dô rappelle d’une certaine manière que le sexe ne guérit pas les blessures de l’âme. Il les véhicule. Et cela pourrait avoir quelque chose de désespérant. La tentative de dialogue est donc pleine d'espoir... Ce qui m’a semblé intéressant dans ces deux nouvelles, c’est finalement une exploration du rapport à l’autre et à soi et que la description érudite et technique d’une nuit d’ébat n’apporte malheureusement pas. Ici, les deux auteures tentent d’explorer la source de la douleur qui finalement pollue l’individu dans son rapport quotidien à l’autre. Un dysfonctionnement qui vient de loin. Etrangement, la nouvelle de Georges Yémi, qui n’est pas forcément le texte qui m’avait marqué dans la face A du projet tend à nous mettre en scène, cette source du mal.
Alors Volcaniques, sûrement, des volcans grondent, c’est certain…

Volcaniques : Une anthologie du plaisir
Editions Mémoire d'encrier, 2015, 219 pages

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