Le paradis des animaux de David James Poissant 4,5/5 (23-05-2015)
Le paradis des animaux (330 pages) est paru le 29 avril 2015 dans la collection Terre d’Amériques des Editions Albin Michel (traduction : Michel Lederer)
L’histoire (éditeur) :
Aussi fou que deux hommes prêts à tout pour sauver un alligator, aussi tendre qu’un père essayant de se racheter auprès de son fils, Le paradis des animaux donne vie à un univers riche et émouvant.
On y croise des arnaqueurs pleins d’illusions, de charmants dépravés et de jeunes amants égarés. Criants de vérité et terriblement attachants, ces personnages sont tous au bord du précipice. Sauter dans le vide ou détourner le regard : telle est la question.
Avec un humour décalé et une grâce infinie, David James Poissant explore la dérive poétique d’êtres ordinaires. Il sonde les âmes et les cœurs de son un style aussi vif que tendrement mélancolique, et donne à des sujets éternels une force renouvelée.
Mon avis :
Le Paradis des animaux regroupe 12 nouvelles qui parlent avec tendresse, réalisme et tristesse des relations familiales et de la quête de bonheur. David James Poissant aborde admirablement les thèmes de l’amour, de la peur de l’inconnu du pardon, de l’honnêteté dans 11 histoires (la dernière étant une suite de la première). La narration sous forme de nouvelle est parfaite ici je trouve. Chaque histoire est le récit à la première personne (à quelques exceptions près) de son protagoniste, un personnage souvent malmené, insatisfait, malheureux ou en attente. On suit un moment crucial de sa vie où a lieu une prise de conscience ou un tournant qu’il prend (approprié ou pas, en fonction du choix qu’il fait).
Ces hommes et ces femmes ont quelque chose de sympathique et d’attachant. Loin d’être parfaits, leur vulnérabilité les rend tellement humains que le rapport en devient émotionnellement fort.
Certaines nouvelles ont très peu de pages, mais leur concision ne touche en rien à leur qualité. Les chutes sont bonnes et clôturent comme il se doit chaque histoire, ne laissant à aucun moment une sensation de frustration ou d’inachevé. Ainsi, qu’elles fassent moins de 10 pages ou plus de 50, le plaisir est le même. Elles ne souffrent d’aucun des défauts que peut reprocher habituellement à ce genre littéraire, au contraire, j’ai même trouvé qu’en peu de pages l’auteur arrivait à très bien captiver et à soulever des émotions.
Dans des portraits sombres et dramatiques, les différentes faiblesses (et failles) de l’Homme sont abordées avec une justesse incroyable. La qualité narrative est bien présente, ce qui donne envie de dévorer le livre en entier comme de le déguster nouvelles par nouvelles.
La juxtaposition avec les animaux est intéressante. L’animal sert de prétexte, de déclencher et apparaît parfois comme une fantaisie mais il trouve sa place naturellement. Dans certains récits il renforce des éléments et rend plus dramatiques certaines situations. L’écriture quant à elle est toute en retenu et en sobriété. Il se dégage de la narration une espèce de douceur que j’ai beaucoup appréciée, et qui contrebalance avec les sentiments forts (liés à l’amour, au pardon, au désespoir et à l’acceptation) que le texte transmet.
La nouvelle « La fin d’Aaron » m’a bouleversée :
« Et sous cet aspect, Aaron et moi ne sommes peut-être pas tellement différents - deux êtres effrayés par ce qu’ils ne contrôlent pas. Sauf que, au bout du compte, je devine lequel de nos deux cauchemars se réalisera.
Le mercure grimpe, les calottes glaciaires fondent dans la mer. Les barrages se rompent et les centrales électriques explosent, sans oublier qu’il y a assez de bombes pour que la surface de la Terre ressemble à celle de la lune.
La fin du monde ? Elle peut avoir lieu. Personne ne le nie.
Mais c’est la fin d’Aaron que je redoute. » Page 105
La famille et les rapports aux autres sont la base de ces nouvelles très réussies, que je vous conseille vivement de découvrir (y compris ceux qui n'aiment habituellement pas les nouvelles, vous serez agréablement surpris).
J’espère que l’auteur se lancera prochainement dans l’écriture d’un roman dans lequel je compte bien retrouver tout ce que j’ai aimé ici et surtout cette manière de combiner la tristesse et l’espoir.
Augustin Trapenard, du Grand Journal, a aussi adoré et il en parle ici.