Maestro - 7,5/10

Un film de Léa Fazer (2014 - France) avec Michael Lonsdale, Pio Marmaï, Deborah François, Alice Belaïdi, Nicolas Bridet, Dominique Reymond

Une petite chose charmante, charmante...

L'histoire : Un jeune acteur, Henri, est recruté pour le dernier film de Cédric Rovère, un maître du cinéma d'auteur, vieillissant, solidement épaulé par sa fidèle collaboratrice. Henri préfère jouer dans les films d'action... mais il faut parfois avoir la curiosité de découvrir des univers différents, où l'on tourne avec peu de moyens. L'expérience sera initiatique. Le vieil homme est infiniment bienveillant pour ses comédiens, comme pour leur passer le relais. Et eux sont tellement soucieux de le satisfaire, avides de ses conseils (tout en s'ébattant comme de jeunes chiens fous qu'ils sont), qu'ils vont apprendre auprès de lui la réalité de leur métier, mais aussi une certaine philosophie de vie. Henri, en particulier, trouve en lui une sorte de père spirituel, et puis aussi l'amour en la personne de sa partenaire.

Mon avis : D'abord, il faut que je vous précise une chose. J'ai regardé ce film juste parce qu'il passait sur Canal, avec 2 étoiles sur Télé Loisirs, c'est tout, et parce que c'était à mon mari de choisir (une fois sur deux, c'est la démocratie ici). Ca ne me disait pas grand-chose vu le résumé. Encore un film de gens qui vivent, ça va être chiant, me disais-je.

Et puis, je me suis laissée emporter. Par une poésie de tous les instants, dans les paysages, dans le film qu'ils tournent avec ces créatures hamiltoniennes ; par la drôlerie et le charme de Pio ; par l'espièglerie et la tendresse de Lonsdale... Par moments, j'avais l'impression d'être dans un Eric Rohmer. Un réalisateur étonnant, qui fait des films tout à fait dans le genre que je hais d'habitude (lent, bavard, sans intrigue...), mais qui réussissent tout le temps à m'ensorceler d'une manière ou d'une autre...

Alors je suis restée totalement scotchée lorsqu'à la fin apparaît la dédicace de Léa Fazer à... Jocelyn Quivrin et Eric Rohmer ! En 2007, Jocelyn a tourné avec Rohmer Les amours d'Astrée et de Céladon. Parallèlement (mais sur un autre film), il venait de rencontrer Alice Taglioni dont il était tombé amoureux. Il a gardé un tel souvenir de ces deux expériences concomittantes qu'il avait en projet de raconter cette double histoire au travers d'un film qu'il réaliserait lui-même. Principalement inspiré par Eric Rohmer, Jocelyn voulait aussi évoquer dans la figure du Maître, Roger Planchon qui le fit débuter tout jeune dans Louis, enfant roi. Mais Jocelyn est mort en novembre 2009, sans avoir pu concrétiser son oeuvre, et le Maestro quatre mois plus tard. Léa Fazer, grande amie du couple Quivrin-Taglioni (elle est la marraine de leur fils) a décidé de faire le film en respectant au mieux les souhaits de Jocelyn.

Je pense qu'elle est y est parvenue et que Jocelyn est content. L'esprit de Rohmer est bien là, subtil, délicat, plein de fraîcheur, je l'avais senti sans savoir qu'il était question de lui... Et Pio incarne parfaitement la douceur, la discrète drôlerie de Quivrin !

Un film hommage, surprenant entre onirisme et modernité, avec une alchimie particulière des acteurs autour d'un Lonsdale, vieux papy, intello et érudit, un peu dépassé par la technologie, mais très soucieux de connaître le sens et l'utilisation des nouveaux mots (ah la scène sur "kiffer"...).

Si vous aimez Rohmer, vous adorerez. Si vous ne le connaissez pas, mais que vous être curieux, c'est une introduction à son cinéma. Si vous aimiez Jocelyn Quivrin, c'est très émouvant. Si vous aimez Michael Lonsdale, c'est une merveille. Si vous aimez le cinéma et les acteurs, c'est un régal de voir les coulisses d'un tournage.

Si vous n'aimiez rien de tout ça... euh... passez votre chemin...

Sachez cependant que les critiques sont globalement excellentes, côté professionnel et côté public.

Et maintenant il faut quant à moi que je me procure Les amours d'Astrée et de Céladon !

"Il faut jouir de la vie car il est plus tard que tu ne le crois."