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La loi du marché : un film sombre, âpre, mais tellement vrai...

Par Filou49 @blog_bazart
04 juin 2015

loi du marchéJe l'avais annoncé quelques jours avant la proclamation du palmarès, une grande partie des festivaliers avait senti que la prestation exceptionnelle de Vincent Lindon dans le film " La loi du marché" qui était présenté en compétition officielle pouvait largement lui offrir le prix d'interprétation  et cette consécration proclamée par le jury des frères Coen a visiblement ravi tout le monde, tant Lindon est un acteur et un homme qui dans ses choix de carrière et ses prises de position ( oui même quand il a suivi François Bayrou en 2007 :o) force l'admiration.

Et dans cette "Loi du marché" que j'ai vu quelques jours avant l'annonce de ce palmarès ( dès sa sortie le 19 mai en fait),  et qui cartonne étonnamment en salles pour un film social,  force est de constater que le jeu de Lindon  (qui m'avait un peu déçu dans le Journal d'une femme de chambre de Jacquot) fait vraiment merveille.

Au milieu de comédiens amateurs, qui sont tous d'une incroyable vérité ( alors même que le pari de faire jouer à des non professionnels leur propre rôle était casse gueule), Vincent Lindon dépouille réellement son jeu jusqu'à l'os.

Quasi mutique et refermé sur lui même, donnant l'impression d'être quasi hermétique aux humiliations et duretés de cette fameuse loin du marché qu'il doit subir, il parvient, grâce à un simple frémissement de ses yeux ou de ses lèvres , à nous faire comprendre les sentiments (frustration, aigreur, dégout) qui le traversent, et cette volonté de rester digne envers et contre tout.

Mais cette performance de haute volée n'est évidemment pas le seul atout de ce nouveau film de Stéphane Brizé , un cinéaste dont j'ai toujours apprécié énormément le travail.

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Depuis Le bleu des villes, son premier long métrage que j'avais vu en avant première parisienne en 1998 en sa présence, en passant évidemment par son premier succès Je ne suis pas là pour être aimé,  ou "Mademoiselle Chambon", en 2009, sans oublier le très beau "Quelques heures de printemps", Stéphane Brizé a toujours été  un cinéaste passionnant à suivre, tant son cinéma fait montre d'une sensibilité et d'une profonde humanité.

Si La loi du marché est son premier film autant engagé socialement,  cette description sans concession d'un système qui broie les individus possède le même regard plein d'humanité sur ces gens tout en bas de la chaine qui tente de surrvivre malgré tout, malgré ce  monde impitoyable du travail où le chacun pour soi gagne de plus en plus de terrain parce que la première loi du marché est de survivre  faisant fi de l'entraide et de la solidarité.

Evidemment, encore plus que ses autres films, La loi du marché est sombre,   âpre, très âpre même, et laisse à la fin un sentiment de tristesse et d'impuissance ...

Très proche du docu fiction, tourné en de longs plans séquences qui se succèdent sans transition, La loi du marché prend soin de ne jamais faire de thèse sur le sujet, mais de montrer simplement   la dignité, l’humiliation et la douleur aussi d’un homme brisé par un système inique, vidé de toute humanité.

La Loi du marché s'y révèle implacable et invivable, surtout pour ceux qui y occupent des positions subalternes ( le film est d'ailleurs assez plombant , sauf si tu en sors en relativisant tes propres problèmes de travail, forcément moindres que ceux rencontrés par Thierry).

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Ce film ne fait aucun cadeau au spectateur , tant celui ci reçoit ce parcours du combattant du chomeur longue durée pour retrouver sa dignité  un peu groggy,  et cette exigence est à la fois la grande qualité et aussi la petite limite du film du Brizé.

Cette exigence formelle est pleinement  adaptée au sujet et donne vraiment une impression de sincérité et d'authenticité quidonne un vrai effet de miroir sur cette société presque inhumaine que les politiques semblent ignorer, mais a force de sette accumulation de plans séquences confèrent une lourdeur oppressante, et on se dit qu'une pincée de fiction et de poésie en plus aurait pu amoindrir cette pesanteur, qui confine finalement parfois un peu à la démonstration de force.

A cet égard,  le Deux jours une nuit des frères Dardenne, qui osait un versant  thriller sur la chronique sociale m'avait semblé du coup un poil plus percutant.

Ici, on on se dit qu'une petit " cut" sur certaines scènes qui s'étirent parfois un peu trop longuement ( vente du mobil home, scènes aux stages de formation, scènes de rock) aurait pu donner encore plus de vigueur au projet et aurait pu atténuer le coté un peu trop apre et parfois austère du film .

Jamais de la vie, Qui vive, Discount ( trois films vus et chroniqués chez moi :  ces derniers mois, notre cinéma a investi, souvent avec grand bonheur, l'univers de la grande distribution, un secteur économique considéré, à juste titre, comme emblématique de notre société contemporaine.

Dans ce cadre là, la vision de Brizé est certainement la plus proche de la réalité, mais pas forcément la plus efficace cinématographiquement, malgré sa sélection à Cannes, et malgré, rappellons une fois de plus, la prestation proprement éblouissante de Vincent Lindon ( à qui le succès du film en salles doit visiblement énormément).

 Bande-annonce La Loi du Marché


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