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Zazie, le métro, les bloudjinnes et les hormosessuels

Par Carole Thiery @carole29t

PicMonkey Collage

Il y a dix ans, j’avais lu l’histoire poilante d’une mouflette provinciale d’une douzaine d’années hébergée pendant 48 heures par son oncle Gabriel et sa tante Marceline dans la capitale. Ambition de la gamine: aller dans le métro. Mais le métro est en grève et elle n’en verra pas la queue d’un. Au contraire, elle déambulera dans Paris, tantôt à pied, tantôt en taxi, tantôt en bus touristique, amusant ou énervant tout le monde qui se trouvera sur son chemin par son vocabulaire plutôt surprenant chez une petite fille: Zazie en effet ponctue l’essentiel de ses fins de phrases par un « mon cul » bien senti. Pour exemple:

Gabriel: « Zazie, si ça te plaît de voir vraiment les Invalides et le tombeau véritable du vrai Napoléon, je t’y conduirai. »
Zazie: « Napoléon mon cul.Il m’intéresse pas du tout, cet enflé, avec son chapeau à la con. »

Et elle croisera nombre de personnages plus ou moins recommandables…

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Autre procédé qui m’avait fortement amusée, la façon qu’a Queneau de regrouper les mots et les expressions pour n’en faire qu’un (mot) ou de déformer l’orthographe des mots pour les écrire comme on les prononce. Exemples: Doukipudonktan, gzactement, cexa veut dire…

Voilà tout ce qui m’avait marquée il y a dix ans. Laissez-moi maintenant, s’il vous plaît, vous parler de ma lecture de ce week-end.

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Zazie dans le métro reste indéniablement l’oeuvre la plus connue de Raymond Queneau (1903-1976). Je pense que la plupart des gens citeraient Zazie spontanément et seraient en peine de trouver une autre oeuvre de Queneau, d’autant qu’elle a fait l’objet d’une adaptation cinématographique réussie, avec Philippe Noiret et la jeune Catherine Demongeot. Je pense que ce roman plaît au plus grand nombre par son écriture très ludique et la caractérisation très forte, voire virulente, de tous ses personnages, tous marginaux ou pour le moins insolites, dans un environnement très décalé.

Chaque personnage semble disposer d’un nombre restreint de phrases toutes faites, de gestes convenus dont il use et abuse. Par exemple, Gabriel sort à merci sa pochette parfumée de Barbouze de chez Fior, Laverdure le perroquet répète « Tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire », et que dire de Zazie et ses « mon cul »…

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Les personnages de Zazie dans le métro ne sont quasiment pas décrits dans leur physique ou leur caractère, sauf incidemment. On ne sait presque rien de leur passé, ils sont comme de simples silhouettes sans épaisseur psychologique ni morale. Même leurs noms sonnent fort peu réalistes: Zazie, Pédro-surplus, Mouaque, Trouscaillon, Mado Ptits Pieds…).

L’écriture est rapide et rythmée, les descriptions très réduites, mais en revanche les dialogues occupent presque toute la place, les répliques sont assénées presque comme des coups ou des gifles. Le « mon cul » de Zazie est son argument essentiel et met naturellement fin au débat presque à chaque fois.

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L’orthographe est fantaisiste, comme je l’avais noté lors de ma première lecture. On trouve des fautes de liaison (boudin zaricos verts), des liaisons accentuées (vzavez jamais zétés foutus…), des absences de liaisons (c’est Hun cacocalo que jveux), des expressions étrangères francisées (Paris bâille naïte), des absences de doublements de consonnes (je me suis bien marée), des élisions, des abrègements (c’est probab); la syntaxe non plus n’est pas très orthodoxe (absence d’accords, répétitions, erreurs de conjugaison…), ainsi que de nombreux jeux de mots ou des changements de registres brutaux amenant un effet comique (Tu sais ce que ça veut dire inintelligent, espèce de con?).

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Gravité, vous avez dit gravité?

A tort, Zazie dans le métro pourrait être vu comme un récit d’enfance, ou encore plus comme un livre de littérature de jeunesse. Certes l’héroïne en est une fillette, mais Zazie, sans corps et sans visage, n’existe qu’à travers ses prises de parole. Ses répliques insolentes l’emportent sur ses actions. Elle s’écarte largement des stéréotypes enfantins! Elle n’est pas une enfant, à de rares exceptions près, quand elle s’endort après le cabaret ou qu’elle demande un cacocalo, ou encore qu’elle désire ardemment son premier bloudjinne.

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La sexualité joue un rôle primordial dans ce roman, ce qui justifie en premier lieu que ce ne soit pas un roman pour les enfants. Plusieurs personnages ont une sexualité incertaine: Gabriel le tonton, qui la nuit devient Gabriella, danseuse de charme; Marceline/Marcel la tata; Trouscaillon, tantôt pervers, tantôt violeur, tantôt amoureux romantique. Cette sexualité incertaine permet des retournements de situation et des effets comiques basés sur des clichés (par exemple, la description caricaturale du personnel du cabaret où officie Gabriel). Quant à Zazie, elle semble avoir perdu toute illusion sur les hommes, à un âge où l’innocence devrait primer: sa mère a tué son père qui tentait de la violer, son nouveau beau-père a lui aussi tenté d’abuser d’elle. Comment ne pas comprendre qu’elle ait perdu toutes ses illusions et que les hommes qu’elle rencontre lui semblent tous pervers à tendance pédophile?
Pourtant, elle semble redevenir de temps en temps une fillette ayant encore des choses à apprendre, par exemple quand elle cherche avec insistance à savoir ce qu’est un « hormosessuel », et à découvrir si son oncle en est un…

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Avez-vous lu Zazie dans le métro? Qu’en avez-vous pensé?


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