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Le château Himeji, classé au patrimoine mondial, se met à la réalité augmentée

Publié le 09 juin 2015 par Aude Mathey @Culturecomblog

Initialement issu d’une forteresse, il y a près de 682 ans, en 1333, et finalement complété en 1581 par Hideyoshi Toyotomi sous forme d’une bâtisse de trois étages, le château de Himeji, 姫路城 (Himejijō pour les plus bilingues), aussi connu sous le petit sobriquet 白鷺城 (Hakurojō, le château du héron blanc) en raison de sa couleur blanche et de l’élégance qui le caractérisent, telle une aigrette étendant ses ailes, est l’un des seuls 12 châteaux japonais originaux à être encore debout et à avoir subi les affres non seulement du temps, mais aussi des assauts perpétrés contre le Japon au long de son histoire, et plus particulièrement récente.

Himeji au pays des Sakuras, de quoi vous faire jalouser par vos collègues à la pause déjeuner - crédits Laurent Mathey

Himeji au pays des Sakuras, de quoi vous faire jalouser par vos collègues à la pause déjeuner – crédits Laurent Mathey

Construit intégralement en bois, les pierres ne servant que de soubassement et renfort à ses pieds, on ne s’étonnera guère de la présence de 鯱 (shachi), créatures dauphinesques, à chaque recoin du toit de ce palais, afin de le protéger du feu en invoquant les esprits aqueux. Déjà positionné à plus de 45 mètres au-dessus du niveau de la mer, l’édifice, mesurant exactement 46,4 mètres, permit ainsi à Terusama Ikeda, en 1601, d’offrir une protection suffisante au shogunat Tokugawa, en ces temps de conflits. Alors, déjà, il fallut 8 longues années pour permettre à ce château de s’élever aux hauteurs que nous lui connaissons.

On arguera donc que les 5 années de rénovation ne sont rien en comparaison des 400 ans d’existence de cette splendide construction. On pourra aussi faire remarquer que ni le bombardement pourtant quasi-intégral de la ville même en 1945, ainsi que le grand tremblement de terre du Hanshin en 1995 n’ont su détériorer la structure de ce château typique de la période Azuchi-Momoyama. Hélas, comme, dans une autre mythologie, Thor ne put terrasser Elli, l’âge qui nous ronge, Himeji, sous son cuir blanc immaculé, ne put cacher la vieillesse qui rongeait son squelette, expliquant les longs travaux qui permirent de le remettre d’aplomb, droit, grand et majestueux, comme au temps des Shoguns, service qui ne fut pas superflu pour ce patrimoine mondial de l’Humanité.

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Sous la robe austère des échafaudages se cache l’un des plus gros joyaux nippons Tupungato / Shutterstock.com

Cinq années à être pouponné, pomponné, maquillé et rafistolé, caché par une douce pudeur derrière un voile représentant son vrai visage. Il ne fut donc pas surprenant de constater l’afflux de touristes, aussi bien japonais qu’étrangers, lorsque, au printemps 2015, le château laissa tomber le paravent qui le cachait et de dévoila, enfin, en plein milieu de la saison des Sakuras (桜, cerisiers en fleur).

Années 2010 obligent, la réouverture du château fut accompagnée d’une application pour appareils mobiles, téléphones, tablettes et autre petites joies technologiques dont nous sommes tous si friands.

Appelée très modestement Himeji Castle Great Discovery App (ici pour Apple, et pour Android), l’application permet d’avoir accès à des contenus divers et intéressants, permettant de prolonger une visite un peu trop encombrée.

Tout d’abord, des panneaux épars, disposés à différents endroits du jardin et du château-même, permettent des expériences en réalité augmentée. Vouliez-vous savoir à quoi ressemblait la grande pièce du premier étage avec toutes ses colonnes ? Scannez donc le code et observez les poutres digitalisées insérées. Vous pouvez tourner, marcher, regarder dans quelque direction que ce soit, celles-ci resteront statiques. Très exactement comme dans un jeu vidéo. Après tout, quiconque est familier avec ces expériences de réalité augmentée n’aura qu’une surprise très limitée. Plus intéressant, encore, des contenus vidéos, là encore disséminés au sein du château, vous permettront de comprendre, à travers de brefs documentaires de quelques minutes, le fonctionnement de certains aspects architecturaux, comme les trous servant aux gardes pour jeter des pierres sur les ennemis trop proches, les fenêtres cachées, la vie dans le château ou bien obtenir plus d’informations sur certaines constructions. De surcroît, la possibilité de voir le château sur de vieilles photographies d’archive est un plus, certes d’une utilité discutable, mais ravissant la curiosité du plus tatillon des touristes qui aurait aimé voir la métamorphose de Himeji.

Tout ce qu’il suffit de faire pour cela est, bien évidemment, de se connecter au réseau wifi disponible dans le château – les autorités locales ayant à cœur d’aider au mieux les touristes étrangers qui ne pourraient se connecter à la 3, 4 ou 5G – de télécharger l’application, et de scanner la petite mascotte présente sur le feuillet que l’on vous aura donné pour vérifier que tout fonctionne à merveille.

Vous savez quoi ? Faites-donc tout cela maintenant et utilisez la fonction « caméra » de l’application sur la photo suivante. Vous voyez bien Shiromaru hime (しろまるひめ, la princesse blanche ronde) toute rondouillette et en 3D ? Bravo, vous êtes prêt-e-s à utiliser l’application. Bravo, cela était difficile.

かわいい、ね?

かわいい、ね?

Vous devriez voir cela, une petit boule toute mignonne

Vous devriez voir cela, une petit boule toute mignonne

Après une telle introduction, l’on est en droit de se dire que « ouèche ouèche, c’est trop de la patate cette application. » C’est alors que l’on en vient aux rares critiques que l’on peut faire. L’application en elle-même est facile d’utilisation, apporte un contenu intéressant permettant de pallier le manque flagrant d’explications dans le château même. Ne nous voilons pas la face, ce haut lieu de l’architecture japonaise attire les foules et l’on a la méchante impression de se promener en troupeau une fois dans le bâtiment. De fait, il sera très facile de manquer des panneaux utiles à votre visite. Pour info, votre cher et tendre n’en a, finalement, que trouvé que deux. Mal placés, mal indiqués, on aurait aimé que ces derniers fussent mieux mis en valeur afin de pouvoir vraiment profiter pleinement de nos supports digitaux. A cela s’ajoute l’impossibilité de télécharger le contenu manqué une fois la visite finie (pourquoi pas par un panneau récapitulatif qui aurait permis de tout débloquer ?) ce qui somme toute un peu décevant. Cela étant, sachons faire notre autocritique et admettons que l’on aurait pu avoir les yeux mieux placés en face des trous. Certes.

Un exemple de réalité augmentée, interactif et ludique

Un exemple de réalité augmentée, interactif et ludique

Un exemple de réalité augmentée, interactif et ludique

Un exemple de réalité augmentée, interactif et ludique

En définitive, l’application, pour peu que l’on réussisse à trouver tous les panneaux à scanner, ajoute des informations qui embellissent une visite un peu morne (et bruyante) et savent ajouter une touche fort sympathique par la présentation de petites saynètes du type « la vie au château du shogun », ou soap opéra du XVIIe siècle. Toutefois, et cela est certainement plus du ressort de l’administration du lieu, il faudra être très attentif et risquer de passer son temps le nez dans son téléphone pour ne rater aucun lieu et donc voir sa curiosité comblée. Rien de bien dramatique, convenons-en.

Quand bien même, tout visiteur aguerri saura prendre un nombre incalculable de photos pour les montrer à ses amis – et crâner un peu, ne boudons pas notre plaisir – ce qui compensera certainement les petits errements que j’ose espérer bientôt réparés, de la visite de ce lieu grandiose.

Et pour la première fois en 2 ans, j’ai pu obtenir une réponse à une question primordiale : où sont donc les toilettes ?

Et pour la première fois en 2 ans, j’ai pu obtenir une réponse à une question primordiale : où sont donc les toilettes ?


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