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Konstrukcija – s/t

Publié le 09 juin 2015 par Hartzine

La première écoute de l’album Konstrukcija offre au chanceux récepteur l’occasion d’une percée dans les méandres tourmentés de l’ère constructiviste russe du début du XXème siècle, matérialisée par un son analogique minimaliste et chiadé à la fois.

L’effort balte éponyme Konstrukcija fait rejaillir des sonorités post industrielles et insuffle ainsi un vent de retrofuturisme revigorant dans une mouvance de digging généralisé, des sonorités faisant directement référence aux pionniers du genre, certains Kraftwerk et autres El Aviador Dro. C’est la rencontre entre les esprits aventureux des lettoniens Stropu Jurka et Gatis Druvaskalns, déjà connus dans leur pays pour leur adhésion à des formations comme celles de VSKB où Starpliktuve, qui a scellé ce projet glacial. Leur union musicale se dessinera officiellement autour de l’achat commun d’un Casio MT-40 déniché pour la modique somme de 5 euros. N’ayant pas la prétention d’utiliser leurs morceaux à d’autres fins que celles de leur propre plaisir, les deux virtuoses de l’analogue se contentent de ressortir de temps à autres leurs synthétiseurs Korg, Casio et leurs boîtes à rythmes pour en faire profiter leurs amis. A la demande des labels Les Sons Paranormaux et Brouillard Définitif, le duo balte se lance pour sortir un premier album, résultat d’une compilation de vieux morceaux comme celui de Polaroid/Roman/Photo et de nouveautés grinçantes.

Konstrukcija est le doux euphémisme de l’hiver interminable lettonien. Les différentes pièces de l’album semblent liées par une sorte d’osmose, un état d’apesanteur constant où fuzz et rythmes analogiques s’entremêlent en un bal cosmique. C’est comme si un bon vieux thérémine, tout juste dépoussiéré du grenier où il transitait, impatient, s’accouplait avec bon nombre de synthétiseurs modulaires amenant à des combinaisons infinies de signaux qui donnent naissance à une mélodie brute parfois lacérée, parfois libérée de tout code. Konstrukcija fait renaitre les fondements d’un son sans additif, brut de décoffrage où Casio, Korg et Estradin se percutent et s’effleurent pour créer une peinture sonore tourmentée, hommage des deux musiciens à leurs amis notamment ceux partis dans un ultime saut du dessus du pont de Riga. Le morceau d’ouverture de l’album, Haltura Eiropa, est la parfaite illustration de cette tension dénuée de tout agrément défiant la gravité. Les titres Nakotnes Arhitektura et Atrak Par Gaismu agrémentent, eux, la ligne instrumentale cold wave et electro de pigmentations kraftwerkiennes grâce à des voix robotisées hypnotiques. Dans Trans-Emigrant-Ekspresis, les même paroles vocodérisées s’ajoutent au mysticisme ambiant en fusionnant avec surprise à la légère rythmique pop du morceau. Konstrukcija alterne instrumentations tantôt minimalistes, tantôt brutes jusqu’à créer l’étonnement avec le dernier morceau, la reprise du morceau de Ruth Polaroid/Roman/Photo avec Thierry Müller en guest, essai purement new wave chanté en français et n’étant pas sans rappeler Jacno ou Taxi Girl.

Le résultat artistique de l’effort de Stropu Jurka et Gatis Druvaskalns se laisse sentir autant dans le brassage des sonorités analogiques et la torpeur de la musique expérimentale que dans l’univers imagé retranscrit. Avec les lettoniens de Konstrukcija, la néo-Neue Deutsche Welle a trouvé son nouveau fer de lance.

Par Elora Quittet

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