Depuis hier au soir, Aung San Suu Kyi voit rouge! Elle est, en effet, arrivée en Chine où elle séjournera en visite officielle jusqu'au 14 juin.
Reçue en véritable chef d'état, elle rencontrera le Premier ministre Li Keqiang, le président Xi Jinpin himself ainsi que de nombreux officiels.
Le gouvernement chinois, désireux de freiner le débarquement américain en terre d'Asie, a décidé, pour cette toute première visite, de dérouler le tapis rouge sous les pieds de la Dame de Rangoun.
Longtemps partenaire fidèle - et peu regardant - de la junte birmane, geolière d'Aung San Suu Kyi, le gouvernement chinois a beaucoup à se faire pardonner.
C'est ce qu'il va tenter de faire, même si Aung San Suu Kyi, parfois baptisée “Le papillon de fer”, cache un tempérament bien trempé derrière son sourire angélique.
Le gouvernement chinois tente de montrer patte blanche
“La Chine a apporté de nombreux conseils et assistance à la Birmanie lorsque nous n'avions pas de relations régulières avec les Etats-Unis“ a cru bon de rappeler publiquement et imprudemment Shwe Mann, un des hommes forts du nouveau gouvernement birman, en décembre 2011 (1).
Si les propos étaient maladroits eu égard au changement de régime international, ils n'en étaient pas moins rigoureusement exacts!
Premier fournisseur et client de la Birmanie depuis des lustres, la Chine l'est resté et profite abondamment des ressources naturelles de son petit voisin (gaz, pétrole, minéraux, bois, etc.).
Si la Thailande reste la grande partenaire naturelle de la Birmanie avec ses 40% de part du commerce extérieur, la Chine en représente déjà plus de 15% (2)
Elle souhaite les augmenter le plus largement possible, tout en tentant de faire oublier le douloureux passé à The Lady.
Coca-cola, soif de Birmanie!
Mais depuis la levée des sanctions internationales et l'ouverture du pays, les Yankies ne cessent de débarquer par vagues successives au Myanmar et leurs implantations industrielles, commerciales et technologiques poussent comme des champignons.
Pour les Huns, il était temps de réagir s'ils ne veulent pas devenir les Deux!
Toutes les multinationales américaines, qui se préparaient depuis belle lurette à ce nouvel éden économique potentiel, sont maintenant confortablement installées au Myanmar et leurs tiroirs-caisse ne cessent d'augmenter de jour en jour.
Coca-cola, pour ne citer qu'elle - A tout seigneur, tout honneur! -, a investi près de 200 millions de dollars et embauché 2500 personnes dans sa toute nouvelle usine de Hmawbi. Idem pour tout le fleuron économique, alimentaire, automobile, bancaire et touristique US.
Du coup, comme les relations sont finalement au beau fixe entre les States et le gouvernement issu de l'ex-junte, les mauvaises langues susurrent que les Etats-Unis deviennent de plus en plus “mous” quant à leurs relations avec Aung San Suu Kyi, qu'ils ne l'a soutiennent plus guère dans son combat pour la Présidence de la Birmanie et que, finalement, ils pourraient peut-être continuer à bien s'entendre à l'avenir - économiquement parlant - avec ce gouvernement relativement accommodant plutôt qu'avec une Aung San Suu Kyi au caractère et à l'esprit trop indépendant, trop “libre“, trop “gaullien”, disent certains.
Le grand jeu!
Profitant de ces relations mi-figue, mi-raisin, la Chine en profite pour monter au front et sortir le grand jeu pour tenter de séduire Aung San Suu Kyi.
Mais pourquoi donc, demanderez-vous, puisque, pour le moment, elle ne peut pas devenir Présidente?
Par gentillesse? Par amabilité? Par courtoisie? Par sens du bon voisinage?
Vous n'y êtes pas du tout! Le gouvernement chinois, fin stratège, parie à tous coups sur la victoire d'Aung San Suu Kyi fin 2015. Car même si elle ne peut être Présidente en titre, pensent-ils, c'est son Parti, la LND, qui gagnera et ce sera donc elle, Présidente ou non, qui tirera les ficelles de la Birmanie!
Pas bête! Bien raisonné!
Mais c'est compter sans l'indépendance obstinée de la fille du général Aung San et sa volonté de traiter avec tous afin que son pays et son peuple ne soient pas dépendants, pieds et poings liés, d'une seule grande puissance économique, - forcément prédatrice -, quelle qu'elle soit.
Pierre MARTIAL
Ecrivain-journaliste
Aung San Suu Kyi, site français d'information et de soutien à Aung San Suu Kyi et à la Birmanie / Myanmar