Le vice Président en charge de la croissance chez Runtastic évoque les tendances liées au marché des wearables et des applications et en quoi cela impacte les orientations stratégiques prises par l'entreprise autrichienne et ses concurrents.
Entretien avec Mario Aichlseder, vice Président en charge de la croissance chez Runtastic à l'occasion de Teradata Connect 2015, conférence portant sur les enjeux actuels du marketing le 9 et 10 juin derniers à Londres.
L’Atelier : Quelles ont été pour vous les difficultés à pénétrer un marché aux contours encore flous ?
Mario Aichlseder : L'aventure a commencé il y a 5 ans. Nous avions alors bâti une application GPS et de running. Toutefois, nous nous sommes rendus compte que les utilisateurs d'applications dans le domaine spécifique de la santé et du fitness étaient plus enclins à tester et consommer d'autres applications, qu’un cercle vertueux se formait.
C’est pour cette raison qu’en 3 ans, nous sommes passés du statut de simple entreprise de tracking d'activité physique au statut d'une entreprise du domaine de la santé et du fitness qui repose sur des applications mais aussi des hardwares (bracelet par exemple) et les services qui vont avec (contenu éditorial, conseils, etc).
L'application de running RuntasticComment se démarquer sur ce marché où coexistent de nombreux acteurs?
Nous faisons le choix de ne pas nous présenter comme une « entreprise IoT » [Internet of Things ndlr]. Selon moi, ce terme est plus évocateur de technologies que de personnes. Or, Runtastic construit des produits pour les utilisateurs.
Nous souhaitons plutôt définir le terme d'entreprise du domaine de la santé et du fitness. En effet, le marché regorge d'acteurs de toutes natures : des marques de vêtements, des entreprises qui créent des applications de tracking d'activité sportive, des compagnies d'assurance, etc. Néanmoins, il n'existe encore aucune entreprise de santé et de fitness à proprement parler, au sens d'une société qui crée à la fois des produits, des services et du contenu afin d'aider les gens à vivre plus longtemps et en meilleure santé grâce à la technologie.
Et cela ne veut pas dire que nous n'envisageons aucun partenariat avec d'autres acteurs du marché mais nous souhaitons préserver le lien particulier entretenu avec nos utilisateurs, qui est un lien de confiance, socle de leur expérience utilisateur.
Runtastic ambitionne de devenir une entreprise du domaine de la santé et du fitness, grvitant au sein d'un écosystème complet : à la fois produits, services et contenus
Quelles tendances voyez-vous émerger en ce qui concerne les wearables ?
Il s'agit d'un marché jeune en comparaison des applications. Mais son potentiel économique est tel qu'on ne saurait le sous-estimer. On voit deux types de wearables. D'abord, apparaissent ceux qui servent un but bien précis, comme les objets connectés spécialisés dans le tracking d'activités par exemple. Par ailleurs, on voit émerger des objets à l'image de la montre connectée, qui constituent une plateforme additionnelle offrant des opportunités supplémentaires pour les entreprises.
Dans les deux cas, si ces objets ne sont pas capables d'apporter une valeur ajoutée pour l'utilisateur, ils resteront dans les mains de technophiles qui les abandonneront dans les 6 mois suivant l'achat. Pour résumer, la valeur ajoutée est la clé de voûte de la rétention des consommateurs.
Quels sont selon vous les facteurs clés de l'adoption des wearables ?
L'adoption grandit d'abord en corrélation avec la technologie présente sur le marché aujourd'hui. Autrement dit, les avancées technologiques encouragent l'adoption. On parle souvent de l'arrivée de l'Apple Watch tel un tournant dans l'histoire des wearables. Je crois qu'il peut être intéressant d'attendre la 2ème version de celle-ci qui aura certainement gommé les questions techniques qui freinent aujourd'hui son boom, comme celle de l'autonomie.
La confiance, ce que les utilisateurs accepteront de confier à l'entreprise, incarne un autre facteur essentiel. Suis-je enclin en tant qu'utilisateur à transmettre une partie de mes données et qu'est ce que j'obtiens en retour ?
Selon des chiffres Google, 20 % des personnes ayant téléchargé une application l'ouvre une seconde fois après téléchargement et seuls 4 % deviennent des utilisateurs réguliers. Au vu de ces chiffres, qu'est-ce qui fait le succès d'une application aujourd'hui ?
Ces chiffres reflètent en effet assez bien la situation aujourd'hui. La rétention des consommateurs est une vraie question. Il faut tout de même relever que dans le secteur de la santé et du fitness, les chiffres sont entre 10 et 15 % plus élevés que la moyenne. Le marketing a besoin d'entrer en conversation avec le consommateur. J'appelle cela l' « appathy » [jeu de mot basé sur la combinaison de l'équivalent anglais du terme compassion, « empathy », et d'application]. Nous avons besoin de créer une connexion personnelle entre l'utilisateur et l'application de sorte qu'il soit amené à la consulter régulièrement.
Plus généralement, en matière de marketing, offrir un service le plus personnalisé possible est crucial. En matière de communication déjà la technologie nous permet aujourd'hui de communiquer différemment en fonction des segments qu'on souhaite toucher. Face à l'omnicanal et au big data, les marketeurs devront de plus en plus se concentrer sur la problématique suivante : quel type d'information je choisis pour nourrir un canal en particulier et qui me permettra alors de servir au mieux mon client.